Une ligne rouge a été franchie" :
la lettre ouverte à E. Macron des 1 300 médecins hospitaliers démissionnaires
Tribune collective - le 4 février 2020
Le 4 février 2020,
Monsieur le président de la République,
Nous sommes 1.300 médecins hospitaliers à avoir collectivement décidé de démissionner de nos fonctions administratives de chef de service ou d’unités de soins parce que, depuis des années, nous assistons à une dégradation continue des conditions de travail des équipes hospitalières. Une ligne rouge a été franchie : la qualité des soins se dégrade, la sécurité n’est plus assurée.
Lors de votre élection à la présidence de la République, nous avons espéré un changement, la « fin d’un système à bout de souffle », comme le déclarait justement la ministre de la Santé. En effet, il n’est plus possible de continuer à faire fonctionner l’hôpital comme une entreprise commerciale, tout en lui imposant en moyenne 800 millions d'euros d’économies chaque année.
Au cours des dix dernières années, la fameuse « tarification à l’activité » a contraint les hôpitaux à augmenter toujours plus leur activité, alors que les gouvernements décidaient de baisser les tarifs de paiement des séjours par la Sécurité sociale. Ainsi de 2005 à 2015, l’activité a augmenté de près de 15%, sans augmentation de personnel au lit des malades.
Aujourd’hui, l’hôpital est à bout de souffle, il n’est plus attractif ni pour les divers professionnels paramédicaux, en particulier les infirmiers, ni pour les médecins. Bon nombre d’entre eux fuient les hôpitaux publics.
Par conséquent, des lits ferment, l’activité baisse, les patients attendent des heures aux urgences couchés sur des brancards.
Votre promesse d’un changement de financement n’a pas, à ce jour, été tenue.
Le mouvement de protestation des personnels hospitaliers a conduit le gouvernement à proposer, en urgence, une rallonge de 200 millions d’euros (plus 100 millions pour les EHPAD) en 2020, puis de 200 millions de plus en 2021 et en 2022. Mais on demande encore, pour cette année, une économie de 600 millions d’euros à l’hôpital public.
Malgré l’attribution de primes à moins du tiers des personnels, la France continuera à occuper la place honteuse de 28ème sur 32 dans le classement OCDE des rémunérations infirmières.
Certes le plan Ma santé 2022 devrait permettre de mieux coordonner le travail des hôpitaux avec la médecine de ville ; certes l’accès aux études médicales va s’améliorer en mettant fin au concours guillotine de première année, mais ces mesures vont mettre des années avant de produire leurs effets. D’ici là, que restera-t-il de l’hôpital public ?
C’est maintenant qu’il faut agir. Il y a urgence, urgence pour les Urgences, urgence pour la Psychiatrie, urgence pour la Pédiatrie, urgence pour tous les hôpitaux publics universitaires et non universitaires.
Vous l’avez vous-même affirmé, l’hôpital public est un trésor de la République et il doit être sauvé. La prochaine élection présidentielle de 2022 ne doit pas donner lieu à un grand débat sur l’effondrement de l’hôpital public.
Monsieur le président de la République, nous vous demandons de sauver l’hôpital public, en prenant au moins deux décisions :
supprimer toute demande d’économie à l’hôpital public d’ici la fin du quinquennat (la reprise seulement partielle et échelonnée de la dette par l’État ne suffira pas). L’hôpital doit pouvoir embaucher le personnel nécessaire pour assurer des soins de qualité et garantir la sécurité des patients.
ouvrir des négociations avec les organisations syndicales représentatives des personnels hospitaliers pour engager un plan de rattrapage des salaires, avec comme objectif la moyenne des pays de l’OCDE, et permettre ainsi de restaurer l’attractivité de l’hôpital public.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en notre profond respect et en notre dévouement à l’hôpital public.
Parmi les signataires :
Pascal Barat (Bordeaux)
André Baruchel (Paris)
Mathieu Bellashsen (Asnières)
Frédéric Bérard (Lyon)
Etienne Bérard (Nice)
Francis Berenbaum (Paris)
Olivier Brissaud (Bordeaux)
Michel Canis (Clermont-Ferrand)
Lucy Chaillous (Nantes)
Thông Dao (Caen)
Stéphane Dauger (Paris)
Jean-Christophe Daviet (Limoges)
Eric Delabesse (Toulouse)
Guillaume Dervaux (Béthune)
Isabelle Durieu (Lyon),
Fanny Durig (Douai)
Vincent Esnault (Nice)
Jean-Luc Fanon (Martinique)
Hélène Gros (Aulnay sous-Bois)
Agnès Hartemann (Paris)
Arnaud Jaccard (Limoges)
Jean-Luc Jouve (Marseille)
Joelle Laugier (Saint Denis 93)
Jean-Christophe Lega (Lyon)
Philippe Lévy (Clichy)
François Lifermann (Dax)
Sylvie Lotton (Dinan)
Nadine Lucidarme (Bondy)
Xavier Mariette (Bicêtre)
Philippe Martinez (Montauban)
Elise Mogeois (Orléans)
François Monceaux (Orléans)
Gilles Montalescot (Paris)
Michel Nonent (Brest)
Thomas Papo (Paris)
Alfred Penfornis (Corbeil-Essonnes),
Antoinette Perlat (Rennes)
Jean Marc Rosenthal (Guadeloupe)
Ronan Roussel (Paris)
Philippe Rousselot (Versailles)
Dominique Seret-Bégué (Gonesse)
Borhane Slama (Avignon)
Laurent Thines (Besançon)
Marc Verny (Paris)
Cécile Vigneau (Rennes)
Patricia Walter (Dinan)