Mise en oeuvre macronienne des " premiers de cordée " arrosés en priorité absolue contrairement aux engagements au moment du pic de la crise et aux paroles sirupeuses à l'égard des " invisibles" qui ont assumé le gros de l'effort et des contraintes.

Une honte », un « véritable scandale ». Sur son site, la CGT du CHU de Toulouse n’a pas de mots assez forts pour dénoncer les écarts de prime entre la direction et des soignants. Le 15 juin, le syndicat écrivait dans un article : « Nous avons découvert aujourd’hui que le DRH, la DRH adjointe et le directeur des soins allaient toucher 1.500 euros… Alors que certains soignant.e.s ayant pris en charge des patients Covid, beaucoup d’ASH (agent des services hospitaliers) et de personnels techniques ultra-mobilisés pendant la période n’auront que 500 euros. »
Pour la CGT du CHU de Toulouse, cela s’ajoute aux « salaires très confortables et des primes très importantes chaque année » que touche la direction. Le syndicat demande que tout le personnel du CHU puisse recevoir la prime de 1.500 euros et défend une augmentation de 300 euros des salaires.
Alors que la polémique sur les primes dure depuis plusieurs jours, la direction du CHU de Toulouse a donné une conférence de presse, mercredi 17 juin. Elle a confirmé que cinq membres de la direction vont bien percevoir une prime de 1.500 euros et a expliqué pourquoi l’ensemble du personnel ne la touchera pas. Ainsi, au CHU de Toulouse, sur les 15.350 personnels, 12.949 peuvent bénéficier d’une prime. 8.500 vont toucher la prime de 500 euros et 4.432 personnes pourront percevoir 1.500 euros.
Pour rappel, cette prime « exceptionnelle » avait été annoncée par Emmanuel Macron lors son allocution télévisée du 25 mars. Cette aide était destinée à « l’ensemble des personnels soignants, comme l’ensemble des fonctionnaires mobilisés » et elle devait « accompagner financièrement [la] reconnaissance » du pays. Un décret du 14 mai en a fixé les conditions : il faut notamment avoir exercé des fonctions « y compris en télétravail, entre le 1er mars et le 30 avril » et pendant au moins 30 jours sur cette période pour les contractuels, comme les étudiants.
Le décret coupe aussi la France en deux. Ainsi, dans les départements les plus touchés par l’épidémie, les professionnels des établissements publics de santé toucheront 1.500 euros, principalement dans le Grand-Est, les Hauts-de-France, l’Ile-de-France. Pour les établissements en zone moins tendue, la prime tombe à 500 euros. Une exception a toutefois été faite pour 117 hôpitaux ayant été mobilisés pendant la crise. Le directeur de l’établissement pourra alors choisir de porter le montant de la prime à 1.500 euros « pour les services ou agents impliqués dans la prise en charge de patients contaminés par le virus Covid-19 ou mobilisés par les circonstances exceptionnelles d’exercice », indique un communiqué de service-public.fr.
Mais attention, autre détail, un décret du 8 juin précise que cette majoration se limite à « un plafond de 40 % des effectifs de l’établissement ». « Avec ce décret, on nous remet de l’austérité sur ce qui relève du remerciement de l’engagement des soignants, dénonce Julien Terrié, secrétaire générale de la CGT du CHU Toulouse, joint par 20 Minutes. On est dans une usine à gaz totale. »
Charge maintenant aux hôpitaux d’imaginer des critères pour savoir qui a droit, ou non, à la prime. « Comment la répartir ?, a interrogé Marc Penaud, directeur général du CHU de Toulouse, en conférence de presse. Nous avons mené des concertations. Nous avons arrêté des critères. » Quels sont-ils ? Ils se fondent la présence du personnel des services cliniques : avoir « accueilli pendant plus de 45 journées d’hospitalisation des patients Covid +, sous réserve d’un temps de service effectif dans ce service de 38h30 », détaille un document de l’hôpital transmis aux journalistes. « On ne souhaitait pas que ça se fasse comme ça, regrette Sandra Ibos, secrétaire générale de FO. On veut que tout le monde ait la prime, car tous les acteurs sont intervenus dans la réorganisation hospitalière. »
Marc Penaud justifie ses choix : « J’ai souhaité reconnaître le travail de cinq personnes de la direction, parce qu’elles ont été très disponibles et ont travaillé ardemment. » Et de détailler : « Sur ces 4.432 personnels du CHU [qui toucheront 1.500 euros], 78,5 % sont des soignants, 15 % des personnels techniques et 6.5 % des personnels administratifs. La direction représente 0.01 %. Il n’y a pas d’un côté la direction et d’un autre les médecins. Il est légitime qu’il y ait une communauté de lutte, mais aussi une communauté de reconnaissance. »
Indéfendable, pour Julien Terrié de la CGT : « Il est absolument scandaleux que cinq directeurs d’hôpitaux aient cette prime. Ils ont des régimes de primes spéciaux, entre 15.000 et 30.000 euros annuels. Nous, on n’a pas le même régime. On est encore plus en colère. Il faut donner à 1.500 à tout le monde. Beaucoup ont travaillé le week-end et la nuit. » « Cette prime, c’est foireux, estime, de son côté, Vincent Bounes, directeur du Samu 31. On aurait mieux fait de donner 1.000 euros à tout le monde. Tous les jours, les membres de la direction étaient là et ce ne sont pas les plus gros salaires de l’hôpital. Ils ne l’ont pas volé. »
Le CHU de Toulouse n’est pas le seul hôpital où ce débat exacerbe les tensions. A Nantes (Loire-Atlantique), la CGT demande aussi à ce que l’ensemble du personnel puisse percevoir la prime de 1.500 euros. « On n’a pas à diviser les gens, tout le monde a participé à cette crise », défend Olivier Terrien, secrétaire général de la CGT. Par mail, le CHU nous a répondu qu’« il a été décidé d’aller au maximum des possibilités réglementaires et de verser une prime de 1.500 euros à 40 % des effectifs, soit plus de 4.000 personnes ». Sur les 12.529 professionnels de l’établissement.