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Haut-Karabakh : vers une résolution du conflit? (1/2)

Comment va réagir l’Iran face à la reprise du conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie ?

Le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie autour de la région contestée du Haut-Karabagh dure depuis longtemps. Les derniers affrontements et échanges de coups de feu entre les deux États se sont produits lors d’une série d’accrochages en 2016 qui a duré quatre jours.

Le conflit s’est maintenant de nouveau ravivé, mais de façon différente. Cette fois, les affrontements ont lieu en dehors du district contesté du Haut-Karabagh et se sont étendus au territoire arménien.

Les raisons de ce conflit sont ancrées dans l’histoire. Des conflits frontaliers et territoriaux existaient entre les deux pays lorsqu’ils faisaient partie de l’Union soviétique, et à l’époque, Moscou, en particulier sous Staline, a essayé de garder le contrôle sur les deux pays en préservant les différences. Mais depuis l’effondrement de l’Union soviétique, les conflits territoriaux demeurent une vieille blessure qui se rouvre de temps en temps.

Le 12 juillet, les ministres de la défense des deux pays ont annoncé que des affrontements avaient lieu dans le district frontalier de Tovuz. Les deux camps se sont accusés mutuellement d’avoir violé le cessez-le-feu et d’être à l’origine des accrochages. Le ministre de la défense azerbaïdjanais a annoncé qu’au moins 11 soldats et un civil azerbaïdjanais avaient été tués, tandis que de l’autre côté, l’Arménie a fait état de la mort de 4 de ses soldats au cours des affrontements.

Ce regain de tension est particulièrement problématique pour l’Iran, qui borde les deux pays.

La politique de Téhéran à l’égard des deux pays et du conflit qui les oppose revêt donc une importance capitale. Les deux camps attendent de l’Iran qu’il s’allie à eux, et la situation compliquée dans la région fait qu’il est difficile pour l’Iran de prendre parti pour l’un ou l’autre.

La position officielle de l’Iran a toujours été de privilégier le dialogue et la diplomatie pour résoudre le conflit entre les deux pays. Le 15 juillet, le ministre iranien des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, lors de deux appels téléphoniques distincts avec des hauts diplomates arméniens et azerbaïdjanais, a invité les deux pays à faire preuve de retenue et à résoudre les différends par le dialogue.

Par ailleurs, lors d’une conversation téléphonique ultérieure avec le nouveau ministre azerbaïdjanais des affaires étrangères Djeyhoun Baïramov le 17 juillet, Zarif a indiqué que Téhéran était prêt à servir de médiateur.

L’Iran déploie ces efforts à un moment où les hostilités entre les deux pays ont gagné la société. Le 16 juillet, des milliers de citoyens azerbaïdjanais en colère sont descendus dans les rues de Bakou pour demander au gouvernement de déclarer une mobilisation et ont appelé l’armée à mener une guerre contre l’Arménie. Les citoyens azerbaïdjanais indignés ont appelé leur gouvernement à libérer la région du Haut-Karabagh en envahissant l’Arménie. La police azerbaïdjanaise a dû arrêter plusieurs manifestants pour que cette situation instable reste sous contrôle.

Quelle est la véritable position de l’Iran au sujet de cette crise ?

La nature compliquée de la géopolitique de la région fait qu’il est plus difficile pour l’Iran de définir clairement sa politique relative au conflit du Haut-Karabagh. Tout d’abord, « l’Iran appuie une solution pacifique », m’a déclaré sous couvert de l’anonymat un diplomate iranien de haut rang. « Nous n’accepterons en aucun cas l’ingérence de puissances extérieures à la région et de puissances internationales dans cette crise, et notre priorité est de résoudre le conflit pacifiquement. »

Le diplomate de haut rang a ajouté : « D’autre part, nous nous opposons à la guerre. Bien que nous appuyions l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan dans cette crise et que nous souhaitions résoudre le conflit par le dialogue en faveur de l’Azerbaïdjan, nous ne sommes pas du tout favorables à la guerre et au conflit militaire et préférons maintenir le statu quo. »

Pourtant, l’Azerbaïdjan est l’un des principaux alliés d’Israël dans la région. D’après l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, l’Azerbaïdjan était en 2017 le troisième plus gros acheteur d’armes israéliennes, avec des achats d’un montant de 137 millions de dollars. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, lors de sa visite officielle à Bakou en décembre 2016, a révélé que l’Azerbaïdjan avait acheté jusque-là pour 5 milliards de dollars d’armes israéliennes.

Il s’agit d’une source d’inquiétude pour l’Iran. Israël, qui est perçu comme la menace principale pour la République islamique d’Iran, est fortement présent aux frontières nord-ouest de l’Iran à travers l’Azerbaïdjan. Cela renforce l’intérêt de l’Iran à recourir à une solution pacifique plutôt qu’à un conflit militaire.

D’autre part, en dépit de ses relations étroites avec la Turquie, l’Iran ne semble pas favorable aux idées panturques soutenues par Ankara, ni à la volonté présumée de la Turquie de ressusciter l’Empire ottoman en Asie centrale. [Le panturquisme revendique l’origine eurasienne et ottomane des peuples turcophones, avant leur origine musulmane, NdT]

Même si l’Iran entretient des relations chaleureuses avec Ankara, l’attitude du président Recep Tayyip Erdogan dans les conflits régionaux, comme les conflits syrien et libyen de ces dernières années, montre qu’il n’est pas réticent à intervenir au mépris des intérêts iraniens. C’est pourquoi Téhéran n’est pas favorable à une nouvelle guerre dans la région, car l’envoi de soldats turcs en Azerbaïdjan pour affronter l’Arménie pourrait ouvrir la voie à la formation d’une ceinture pro-turque autour des frontières nord de l’Iran.

En outre, une importante communauté ethnique azérie vit en Iran, peuplant principalement les provinces de l’Azerbaïdjan oriental et de l’Azerbaïdjan occidental, qui bordent l’Azerbaïdjan, la Turquie et l’Arménie. Cela pousse l’Iran à s’associer à l’Azerbaïdjan dans son conflit avec l’Arménie, étant donné qu’une partie de la minorité azérie iranienne souhaite que l’Iran fournisse un appui militaire à l’Azerbaïdjan.

Ruhollah Hazratpour, un législateur siégeant au parlement iranien originaire d’Urmia, la capitale de la province de l’Azerbaïdjan occidental, a avisé l’Arménie sur son compte Twitter le 13 juillet d’éviter « la folie » car, selon lui, les pays de la région ne toléreraient pas qu’un territoire islamique soit occupé par l’Arménie, qu’il a accusée de mettre en oeuvre des politiques israéliennes et américaines.

Des commentaires semblables formulés par des individus issus d’un milieu turco-azéri en Iran foisonnent. Par conséquent, le gouvernement iranien doit tenir compte des sensibilités locales de son vaste groupe ethnique turco-azéri dans ses choix politiques relatifs au conflit du Haut-Karabagh.

Même si des nationalistes panturcs tels que le législateur iranien précité essaient d’obtenir l’appui de Téhéran en faveur de Bakou dans le conflit du Haut-Karabagh sous prétexte de soutenir un pays islamique ami, Téhéran agit en conformité avec ses propres intérêts nationaux plutôt qu’avec des croyances islamiques ou chiites.

De plus, même si l’Azerbaïdjan entretient des liens plus étroits avec Israël que ne le fait l’Arménie, les relations entre l’Iran et l’Arménie sont traditionnellement chaleureuses et étroites. Pour toutes ces raisons, l’Iran est davantage favorable à une résolution pacifique du problème que ne le sont d’autres acteurs et ne verrait pas d’un bon oeil l’éclatement d’un conflit violent entre ses deux voisins.

SourceResponsible Statecraft, Saeid Jafari
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

 

Tag(s) : #Iran- Turquie - Arménie -Azerbaîdjan
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