De Gaulle et Staline à Moscou
Aujourd'hui, si vous trouvez drôle que nul média ne mentionne la vaccination volontaire de masse en cours en Russie avec Spoutnik 5, comme essai grandeur nature, dernier épisode avant la mise sur le marché, votre critique implicite des moyens d'information français fera de vous un agent de la Russie...Et si vous insinuez que le débarquement en Normandie, en 1944 et la libération de la France, ont été rendu possible grâce à l'offensive de l'armée rouge sur le front de l'Est, c'est que vous êtes sûrement lié aux services de renseignement moscovites.
Poutine est, selon nos médias, l'un des ennemis, si non l'ennemi principal, du monde occidental. Si vous ne partagez pas cette affirmation, c'est que des liens obscurs vous lient à la Russie.
Voyez ce qui est arrivé au mensuel"Ruptures" et à son site : leur hostilité déclarée à la construction européenne et à ses structures bruxelloises viennent les classer comme dépendant de Moscou. On ne serait pas étonné dans les "milieux bien informés" d'apprendre que c'est Poutine lui-même qui en rédige les articles !
Pour poursuivre sur cette lancée, ne devrait-on pas classer le général de Gaulle parmi les traitres vendus au Kremlin ? Les positions publiques que le chef du gouvernement provisoire à prises en 1944, puis comme président de la République vis-à-vis de la Russie et de ses gouvernements, sont éloquentes.
Nous en dressons l'acte d'accusation.
L'acte d'accusation
UN TRAITE D'ALLIANCE DE LA FRANCE AVEC LA RUSSIE
Décembre 1944 : De Gaulle à Moscou signe un traité d'alliance avec Staline
Introduction
Le général de Gaulle, s'il condamne toutes les formes de totalitarisme, n'en demeure pas moins ouvert au monde soviétique, qu'il soit le puissant allié de la Deuxième Guerre mondiale, ou l'ennemi de l'Occident lors de la Guerre froide qu'il ne désespère pas de faire évoluer vers une forme de libéralisation permettant un dialogue européen "de l'Atlantique à l'Oural". Refusant toutes les formes d'hégémonie, et plus particulièrement celles qu'exercent les Américains, il pousse la France à ouvrir un dialogue direct avec les pays de l'Est.
1940-1957 : de Gaulle face à l'allié soviétique
L'offensive du IIIe Reich à l'encontre de l'Union soviétique (juin 1941) marque le tournant de la guerre. Immédiatement, le Général offre son soutien et propose une alliance militaire.
En septembre 1941, le gouvernement soviétique reconnaît officiellement de Gaulle comme le chef de la France Libre, la seule France, et offre sa collaboration. Jusqu'en 1945, la France et l'URSS entretiennent d'assez cordiaux rapports d'entraide et de collaboration. Ainsi, en décembre 1944, de Gaulle arrive-t-il à Moscou où il conclut un pacte franco-soviétique prévoyant une assistance mutuelle en cas d'attaque allemande.
La République gaullienne face au géant soviétique
De retour au pouvoir en 1958, de Gaulle engage une politique où la France doit peser sur le destin du monde et être capable de défendre elle-même ses intérêts. Il refuse la domination des deux blocs, soviétique et américain : la primauté de l'État-nation est pour lui essentielle. C'est pourquoi il décide de sortir progressivement de l'OTAN (sous contrôle américain), processus parallèle à la constitution d'une force nucléaire. C'est aussi la raison pour laquelle il tente de faire émerger l'Europe comme un troisième bloc indépendant, capable de devenir le médiateur entre les deux camps ennemis.
Dans le contexte de la Guerre froide, de Gaulle souhaite lier avec l'URSS des relations diplomatiques sans avoir à demander la permission de Washington. Ainsi, Khrouchtchev est-il chaleureusement accueilli à Paris en mars 1960. Si chacun reste campé sur ses positions, il est tout de même décidé de la tenue d'une conférence des "4 Grands" à Paris, où doivent être discutés les grands problèmes du monde.
Le toast porté par de Gaulle à l'occasion de la réception à l'Elysée de Khrouchtchev et de son épouse permet de retrouver les thèmes majeurs des vues du Général sur les rapports avec l'URSS. Après les politesses d'usage, il place d'emblée son intervention sous le signe de la nécessité de nouer des relations directes : " La Russie et la France ont eu besoin de se voir ".
Et pour bien montrer qu'à ses yeux, l'emploi du terme " Russie " pour désigner l'URSS ne résulte pas d'un lapsus, il développe longuement l'histoire des relations franco-russes.
Au demeurant, il note qu'alliées au cours des deux guerres mondiales, la Russie et la France n'ont entre elles aucun contentieux, territorial ou moral.
Alors ? De Gaulle agent de Moscou ?