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Pedro Castillo, l'élu des masses pauvres paysannes pour l'essentiel, le plus souvent indiennes,

Keiko Fujimori, candidate de la bourgeoisie riche, des villes en particulier (en carré jaune sur la carte), dont la capitale Lima en premier

Il s'agit bien d'un vote de classe comme en Bolivie.

35 : Le Pérou : CI, géographie, histoire - Martine autour du monde ...

Cette dimension sociale du vote se retrouve également dans les provinces où existent d'importants conflits autour de projets d'exploitation minière. Alors que Fujimori avait annoncé que les résultats démontreraient le soutien des populations riveraines aux projets contestés, Castillo y obtient une victoire écrasante, recevant par exemple 80,64% des voix à Celendín (Cajamarca) où se déroule la lutte contre le tristement célèbre projet Conga.

Comme l’on souligné plusieurs militants rencontrés sur place, de nombreux électeurs de secteurs et régions marginalisés et discriminés ont pu se reconnaître dans la figure de Castillo, son origine rurale, sa façon de parler, ses références culturelles. Des traits qui tranchent radicalement avec ceux des dirigeants politiques traditionnels et qui, en lien avec des propositions et slogans remettant en cause le modèle actuel (« pas de pauvres dans un pays riche »), lui ont permis d’exprimer la volonté de changement d’une part importante de la population.

Un deuxième élément ayant permis la victoire est l’unité des forces de gauche et des organisations populaires au second tour, en soutien à Pedro Castillo et contre Keiko Fujimori. Celle-ci était pourtant loin d’être une évidence. Perú Libre avait en effet refusé de rejoindre la coalition Juntos por el Perú et ses dirigeants, ainsi que Castillo, avaient eu des mots durs contre celle-ci, qualifiée notamment de « caviar » et accusée d’être déconnectée du Pérou profond. Sur le plan programmatique et idéologique, les divergences sont également manifestes, notamment sur la question des droits des femmes (en particulier du droit à l’avortement) ou le mode d’exploitation des ressources naturelles.

Cependant, devant une situation historique – la première fois qu’un candidat de gauche arrivait en tête au premier tour – et le risque de l’arrivée au pouvoir de Keiko Fujimori, symbole de corruption et d’autoritarisme, l’ensemble des partis de gauche (communistes, socialistes, progressistes), mais aussi syndicats de travailleurs, organisations paysanne et autochtones, secteurs urbains démocrates antifujimoristes, se sont unis dans un front commun pour gagner les élections.

La victoire acquise, cette unité s’est maintenue afin de faire bloc contre les tentatives de déstabilisation et de remise en cause du résultat du vote par Keiko Fujimori et ses alliés. Elle sera tout aussi fondamentale dans les mois à venir, pour garantir l’application de mesures d’urgence en faveur de la grande majorité de la population et une rupture – même progressive – avec le néolibéralisme, alors que les classes dominantes s’efforceront de coopter des membres du nouveau gouvernement, de diviser et de placer toutes sortes d’obstacles à des mesures de changement.

La gauche péruvienne montre ainsi que l’unité est à la fois un combat et une arme pour la lutte.

Dans un pays polarisé et fragmenté, où la confiance dans les institutions et les organisations politiques est très faible, la revendication, désormais centrale, d’une Assemblée constituante peut permettre de lancer un débat national autour de propositions transformatrices et rassemblant les secteurs ayant intérêt au changement. Et de commencer ainsi à créer ainsi une nouvelle hégémonie, indispensable à une transformation profonde et durable.

Cyril Benoit
membre du collectif Amérique latine du PCF

Au Pérou, une lutte pour le changement
Tag(s) : #Pérou
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