Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Echec d'Emmanuel Macron au Conseil de Sécurité : alors qu'alors que la France et la Grande-Bretagne exigeaient des Taliban la cession une "Zone protégée" sous protection occidentale à Kaboul autour de son aéroport, les Etats-Unis suivis le la majorité du Conseil, se limitaient à' un souhait : que les les nouveaux maîtres d'Afghanistan laissent librement partir les Afghans désirant quitter le pays..

.La Russie et la Chine se sont abstenues.

Les Etats-Unis, sous le coup d'un désastre historique, n'étaient pas en condition de prendre le risque d'un nouvel engrenage militaire. En effet, les Taliban avaient rejeté la proposition franco-britannique : "la France accepterait-elle de céder ses aéroports à une puissance étrangère ?"

Avec sa proposition, Emmanuel Macron prenait le risque d'un nouvel engrenage armé en terre étrangère... Pour redorer son blason, ou simple manoeuvre diplomatique ?

Dans les deux cas, c'est l'échec.

Jean LEVY

Afghanstan : échec d'Emanuel Macron au Conseil de Sécurité. Nos médias aux ordres taisent l'information...Commentaire de Jean LEVY

Un accord de paix qui n’en est pas un

Débandade américaine en Afghanistan

Drôle d’accord entre les talibans et Washington, qui entérine le retrait des troupes américaines sans aucune contrepartie ou presque pour les premiers. Quant au pouvoir de Kaboul, il est dans l’impasse. Même le secrétaire d’État Mike Pompeo, en visite-éclair le 23 mars, n’a pas réussi à l’en sortir. Conséquence : les États-Unis ont coupé leurs aides de 1 milliard de dollars (sur 5).

 

Le 29 février dernier, M. Zalmay Khalilzad pour les États-Unis et le mollah Abdul Ghani Baradar pour les talibans ont enfin signé à Doha l’accord qu’ils négociaient depuis septembre 2018. Accord de paix ? On en est loin. L’usage abusif du mot « paix » depuis le début du processus a faussé l’analyse et créé de faux espoirs. À l’annonce de la signature, beaucoup d’Afghans ont dansé de joie, pour en rabattre le lendemain lorsque les talibans ont repris les combats… En réalité, il n’a jamais été question de négocier la paix (1) — exercice impossible puisque le gouvernement afghan était exclu des pourparlers —, mais de trouver les conditions d’un retrait des forces américaines, sans trop de déshonneur et de manière impérieuse puisqu’il s’agissait d’une promesse de campagne que le président Donald Trump avait bruyamment réaffirmée en décembre 2018. Pour faire bonne mesure, il s’agissait aussi d’obtenir que les talibans, en échange, acceptent quatre concessions : un cessez-le-feu, une négociation avec le gouvernement de Kaboul, un engagement qu’aucun attentat ne serait jamais fomenté contre les États-Unis depuis le sol afghan, et des garanties de sécurité pour le retrait graduel des troupes.

Si M. Khalilzad, lui-même d’origine afghane, n’a pas ménagé sa peine, il n’a presque rien obtenu de la délégation talibane depuis le premier blocage de janvier 2019. Renversant l’ordre des choses, le mollah Baradar a toujours refusé un cessez-le-feu avant le retrait et le moindre dialogue avec un gouvernement qualifié de « marionnette » ; les talibans acceptaient seulement de garantir la sécurité du départ des troupes et de s’engager à rompre tout soutien à des groupes terroristes. D’évidence, la déclaration de décembre 2018 avait inversé le rapport de forces au détriment de sa propre délégation, puisque le président Trump affichait alors son empressement d’en finir avant d’entrer en campagne pour sa réélection, en novembre prochain.

Concessions bien légères

Dans les rues de Kaboul, la (modeste) liesse populaire n’a guère duré. Les talibans, eux, n’ont cessé d’exprimer leur sentiment de victoire. Le cessez-le-feu, qui devait être un préalable, a été remplacé par une petite semaine de « réduction de la violence » (sic) avant signature, tandis que le dialogue intra-afghan n’a pas connu le début d’une réalité. Les modalités pratiques du traité montrent que les concessions des Américains occupent plus de place dans le texte que celles consenties par leurs adversaires, peu contraignantes et imprécises. La proposition initiale de M. Trump consistait à retirer très vite la moitié de ses troupes, l’autre moitié en quatre ou cinq ans ; les troupes des autres membres de la coalition internationale — plus de huit mille soldats — devaient se maintenir aussi longtemps que nécessaire pour assurer la formation de l’armée afghane. Or, dans le traité final (2), Washington promet de retirer la totalité des militaires, en quatorze mois, ainsi que tous les civils non diplomates, agents privés de sécurité, conseillers, formateurs, etc., selon un calendrier serré : cent trente-cinq jours pour évacuer cinq bases militaires et réduire d’un tiers ses effectifs. Curieusement, l’accord, signé par les seuls États-Unis, oblige également les autres pays de la coalition à faire de même et dans la même proportion. Le reste des troupes devra être parti dans les neuf mois et demi qui suivent.

Les Américains se sont également engagés — au nom du gouvernement afghan, qui n’a pas été consulté — à libérer cinq mille prisonniers talibans « avant le 10 mars », à mettre fin aux sanctions, avant le 27 août prochain, et à supprimer la liste des talibans dont la tête est mise à prix. Pour l’heure, aucun de ces points n’a été réalisé.

En contrepartie des engagements américains très contraignants, les concessions des talibans semblent bien légères et très vagues. Ceux-ci s’engagent à négocier avec les « parties afghanes » (« Afghan sides »), mais le texte ne précise pas de quelles « parties » il s’agit, puisque les talibans ne reconnaissent pas le gouvernement de Kaboul. Quant au cessez-le-feu, il ne sera plus qu’un élément dans le calendrier de ladite négociation. Garantir la sécurité du retrait est de leur intérêt puisqu’il s’agit là du cœur de ce qu’ils appellent leur victoire.

En revanche, l’engagement de rompre avec Al-Qaida est beaucoup plus douteux puisque le numéro deux de la direction exécutive des talibans n’est autre que M. Seraj Haqqani, fils de Jallaluddin Haqqani, ancien chef du réseau terroriste du même nom. Il joue le rôle d’interface d’Al-Qaida au sein de cette direction, comme le fit son père aux côtés du mollah Omar : celui-ci avait offert à Oussama Ben Laden la possibilité d’installer sa première base dès 1986 à Djadi, un des fiefs Haqqani, et avait ensuite permis le développement d’Al-Qaida lorsque des éléments venus, entre autres, de Tchétchénie, d’Ouzbékistan et du Xinjiang (Chine) s’étaient installés dans ses zones d’influence (le Paktya en Afghanistan et le Waziristan au Pakistan). Mais tout cela n’est sans doute pas grave aux yeux des talibans, une page d’histoire qu’ils assument. Pendant les négociations de Doha et par le biais de leur site officiel, Voice of Jihad (3), ils ont affirmé être, eux aussi, désormais engagés dans la lutte antiterroriste puisqu’ils combattent l’Organisation de l’État islamique sans relâche.

L’écart est tel entre la réalité sans solution de ce traité et l’engouement médiatique qui l’a accompagné — certains titres rivalisant sur le thème de « jamais l’Afghanistan n’a été aussi proche de la paix » — que la « communauté internationale » et les mêmes médias sont restés cois lorsque les talibans ont repris le combat, dès le 1er mars. Le site américain Long War Journal recense 147 attaques dans 27 des 35 provinces, entre le 1er et le 10 mars. Mais, conformément au traité, elles ont épargné les forces étrangères, car ils ne s’étaient engagés qu’à cela ! Dans la version de Voice of Jihad en pachtoune, une fatwa (avis religieux) rappelle que « les talibans continueront le djihad jusqu’à l’avènement de leur Émirat islamique d’Afghanistan (4) ». Par ailleurs, le président afghan, M. Ashraf Ghani, furieux de n’avoir pas été consulté, refuse d’abord de libérer les 5 000 prisonniers. Puis il décide ensuite d’en libérer certains, mais au compte-gouttes : 1 500 au rythme de 100 par jour à partir du 7 mars, puis 3 500 au rythme de 500 toutes les deux semaines, après le début des négociations sur lesquelles les talibans se sont engagés. Ces derniers refusent tout net et affirment qu’il n’y aura aucune négociation avec le régime de Kaboul avant la libération de la totalité des prisonniers.

Trois semaines après la signature, ces accords de Doha demeuraient ainsi coincés dans une autre impasse, de même nature que celle de 2014 — ces récurrences éclairant crûment le mal qui ronge l’Afghanistan. Il s’agissait alors du retrait des troupes de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), qui devait être précédé d’un « accord bilatéral de sécurité » (BSA) — situation peu ou prou comparable à celle d’aujourd’hui pour le retrait des forces armées résiduelles. Cela se déroulait en pleine élection présidentielle, particulièrement chaotique. Le président sortant d’alors, M. Hamid Karzaï, ne pouvait selon la Constitution prétendre à un troisième mandat et refusait donc de signer le BSA pour ne pas engager la responsabilité de son successeur. Mais le processus électoral avait duré huit mois, MM. Ghani et Abdullah Abdullah se disputant âprement la victoire. Huit longs mois durant lesquels le pouvoir exécutif afghan était en totale déshérence, privant les Américains de tout interlocuteur. À l’heure où sont écrites ces lignes, les mêmes se disputent les résultats des élections du 28 septembre 2019, occasionnant une nouvelle déshérence du pouvoir exécutif. Le négociateur américain, M. Khalilzad, se démène pour résoudre la crise, les talibans jubilent : ils n’ont pas d’interlocuteurs pour des négociations qui devaient commencer le 10 mars. Dix jours plus tard, les jeux restaient bloqués.

Retrait sans gloire

Comme toujours, une solution même fragile sera trouvée, mais ces deux impasses expriment les deux fractures dont souffre l’Afghanistan. Celle des zones pachtounes alimente les insurrections dont se nourrissent les talibans (5) ; la dispute récurrente entre MM. Ghani et Abdullah figure la fissure territoriale : le Nord non pachtoune du pays est le bassin électoral de M. Abdullah, ex-compagnon du commandant Ahmed Chah Massoud, dont les supporteurs sont fatigués de l’excessif poids politique pachtoune depuis plus de deux siècles ; tandis que le fief électoral de M. Ghani, même si celui-ci dépasse les clivages ethniques, se situe naturellement dans la zone tribale pachtoune d’où sa tribu Ahmadzai est originaire.

Il s’agit là de réalités de l’histoire et d’une anthropologie politique qui, à elles seules, expliquent les résiliences insurrectionnelles ; les stratèges américains n’y ont guère prêté attention et M. Trump pas du tout. Une approche anthropologique pour la réconciliation de la nation afghane, à défaut d’être magique, aurait au moins gêné le grand retour des talibans. Mais c’est chose faite : les accords de Doha ne sont pas des accords de paix, ils fixent seulement le retrait sans gloire d’un pays exsangue et signent le retour en force de ceux que les plus puissantes armées du monde, les États-Unis à la tête d’une coalition de trente-huit pays, étaient censées vaincre jusqu’au dernier.

Georges Lefeuvre

Tag(s) : #Afghanistan
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :