En 1949, alors que l'armée populaire de Mao libére le continent chinois et déclare la République Populaire de Chine, les troupes de Tchang Kai-chek se replient sur la dernière province encore sous leur contrôle, l'île de Taïwan, et forts de la situation géographique déclarent qu'ils sont la seule Chine... Position non acceptée par les Nations Unies, qui ne reconnaissent une seule Chine, comprenant Taîwan, ce que les USA approuvent alors ...
Mais depuis que Washington mène une guerre froide contre Pékin, les Etats-Unis font de Taïwan leur base militaire dressée contre la Chine et tiennent des discours guerriers à son égard.
Jean LEVY
Les relations entre les États-Unis et la Chine vont probablement s’aggraver, malgré les avertissements clairs de Pékin. Seule une crise telle de la Crise des Missiles de Cuba peut réveiller les élites politiques de Washington.
Par Finn Andreen.
La politique étrangère contreproductive étatsunienne s’exprime tout à fait dans le cas de Taïwan, qui est un sujet d’extrême sensibilité et importance pour la Chine. Les Chinois ne manquent pas de continuellement le déclarer, et ce au plus haut niveau.
Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères, a souligné lors de son échange avec Blinken :
La question de Taïwan est la plus sensible entre la Chine et les États-Unis. Si elle est mal gérée, elle causera des dommages subversifs et globaux aux liens bilatéraux.
C’est d’ailleurs pour cela que les USA concentrent sur Taïwan la même politique ambiguë et incohérente qu’envers la Chine en général, ce qui explique pourquoi Taïwan est devenu le point géostratégique le plus sensible de la scène politique internationale.
LES INCOHÉRENCES DE LA POLITIQUE AMÉRICAINE FACE À LA CHINE
D’abord, Washington refuse de tirer pleinement les conséquences de sa reconnaissance en 1979 de la République Populaire de Chine comme étant la « seule Chine ». Car les USA maintiennent ce que ses hauts fonctionnaires appellent une « ambiguïté stratégique » sur Taïwan, grâce à leurs assurances faites en sa faveur et affirment supporter la « Politique d’une seule Chine », alors qu’ils ne définissent jamais précisément de quelle Chine ils parlent. Pis, leurs actions racontent une tout autre histoire, ce qui évidemment ne peut que détériorer les relations avec la Chine.
Selon Pékin, le 15 novembre 2021 :
Biden a réaffirmé la politique de longue date du gouvernement américain d’Une Seule Chine, et a déclaré que les États-Unis ne soutenaient pas l’indépendance de Taïwan.
Le communiqué de la Maison Blanche de cette même réunion confirme au moins la première partie de la version chinoise :
À propos de Taïwan, le président Biden a souligné que les États-Unis restent attachés à la politique d’une seule Chine.
Cependant, après cet entretien entre Biden et Xi, et malgré ces déclarations, les USA et Taïwan ont lancé une nouvelle collaboration économique au niveau gouvernemental. Ces dialogues économiques sont alors naturellement considérés par Pékin comme une « trahison des promesses de Biden » faites devant Xi Jingping le 15 novembre 2021. Qui plus est, une pique additionnelle et évidemment délibérée a été portée par les États-Unis à la Chine Populaire, quand ils ont caractérisé ces échanges avec Taïwan comme étant favorables à la « défense commune de la liberté et des valeurs démocratiques partagés. »
Déjà le 25 octobre 2021, Anthony Blinken avait indiqué, lors des 50 ans de l’exclusion de Taïwan des Nations-Unies (en faveur de la Chine Populaire), qu’il soutenait « la participation solide et significative de Taïwan dans l’ensemble du système des Nations Unies et dans la communauté internationale. » Ces mots ont évidemment été perçus par Pékin comme une provocation rendant ses propos incompréhensibles, étant donné ensuite la déclaration de Biden du 15 novembre lors de son entretien avec Xi Jingping.
Il faut mentionner aussi le support militaire américain sous forme d’abord d’exportations d’armes à Taïwan qui perdurent depuis 40 ans, pour une valeur mirobolante de 5 milliards de dollars uniquement pour l’année 2020, et pour un territoire considéré comme une province de la Chine Populaire, non seulement par Pékin, mais aussi supposément par Washington…
Des navires de guerre américains passent aussi régulièrement par le Détroit de Taïwan, et ce fut le cas une semaine seulement après l’annonce de Biden à Xi. Certes, ce détroit est composé en son centre d’eaux internationales, mais ces passages sont compris par toutes les parties pour ce qu’ils sont : des démonstrations de force et de soutien américains à Taïwan.
Ces actions américaines ne violent pas forcément les engagements internationaux des États-Unis au sujet de Taïwan, mais il est évident qu’elles ne sont pas du tout conformes avec l’idée de Taïwan comme province chinoise. Toutes ces actions et ces déclarations des États-Unis en soutien de Taïwan sont évidemment contreproductives, si le but est aussi d’obtenir la coopération de la Chine dans divers domaines.
Elles paraissent même sottes, car elles ne sont pas accompagnées d’une communication politique cohérente qui les rendent compréhensibles ; elles trahissent donc une absence de stratégie claire et un manque de coordination inquiétants au plus haut niveau du pouvoir politique américain.
Même le New York Times, peu connu pour être un journal défendant le droit international aux dépens des intérêts du gouvernement américain, a publié un article estimant que cette différence entre les paroles et les actions de Washington est contreproductive, non seulement à la réalisation des intérêts américains envers la Chine, mais également aux projets communs dans lesquels les deux pays pourraient s’embarquer, si ce n’était pour cette position incohérente et idéologiquement de Washington.
Lors de cette réunion du 15 novembre Xi Jinping a exposé devant Joe Biden une raison de l’intervention de Washington au sujet de Taïwan : « l’intention de certains Américains d’utiliser Taïwan pour contenir la Chine ». C’est la même tactique étatsunienne utilisée dans une autre région chinoise, le Xinjiang, terre des Ouighours…
Le président chinois a ajouté qu’il ne fallait pas jouer avec le feu. En effet, comme l’analyste militaire Scott Ritter l’a expliqué très clairement, les États-Unis seraient dans l’impossibilité de défendre Taïwan dans le cas où Pékin déciderait de prendre le contrôle de l’île par la force. Encore une fois, on ne comprend donc pas à quoi joue Washington.
Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, a indiqué devant Blinken, de manière peu diplomatique afin de bien marquer son interlocuteur américain :
Nous exhortons les États-Unis à poursuivre une vraie politique d’« Une Seule Chine », au lieu d’une fausse ; à remplir ses engagements envers la Chine fidèlement plutôt que traîtreusement. Nous exhortons également les États-Unis à mettre réellement en œuvre la politique d’« Une Seule Chine », au lieu de dire une chose et de faire le contraire.
On ne peut pas dire que les États-Unis n’ont pas été avertis.
TAÏWAN : VERS UNE CRISE INTERNATIONALE MAJEURE ?
Plus la politique des États-Unis envers la Chine se révélera sans issue, plus cela confirmera l’arrivée du monde multipolaire et la perte de pouvoir des États-Unis dans le monde. Washington veut évidemment éviter d’être perçu comme un tigre de papier ou un empereur nu. Cet instinct de préservation devrait naturellement avoir tendance à pousser la politique étrangère américaine vers une approche plus sobre et plus adaptée aux réalités politiques contemporaines.
Mais l’inertie des bureaucraties est bien connue, ainsi que la pression domestique que subissent beaucoup de politiciens à Washington. La politique étrangère américaine envers la Chine ne changera pas facilement de direction, cela fait trop longtemps que les deux axes de cette politique étrangère sont en place.
Les relations entre les États-Unis et la Chine vont donc probablement s’aggraver, malgré les avertissements clairs de Pékin. Il est donc malheureusement possible que seule une crise telle de la Crise des Missiles de Cuba puisse réveiller les élites politiques de Washington.
Une telle crise diplomatique semble aujourd’hui être la seule manière pour que les États-Unis commencent à aborder finalement la politique internationale de manière plus respectueuse et compréhensive envers les intérêts d’autres nations, davantage en ligne avec ses propres capacités, ainsi qu’avec les intérêts du peuple américain.