La télé, LCP précisément, nous a montré le soir du 16 juin un film documentaire sur "l'exode" de mai-juin 40, nom donné à cette séquence de notre histoire qui a vu des millions et de millions de Français errant sur les chemins (mais aussi des Belges et des Hollandais), fuyant les blindés allemands dont la victoire dans les Ardennes, avait toutes grandes ouvertes les portes de la France à l'Allemagne d'Hitler.
Ainsi s'est écoulé sur les routes de notre pays, le flot bigarré des paysans quittant leurs fermes, les armoires ouvertes, abandonnant leurs troupeaux, leurs villages, et leurs bourgs, avec une charrette, une paire de draps, une couverture, le chat, un matelas, une cage et l'oiseau, un vélo, et pour les plus chanceux, une voiture ou s'entassait une famille.
A chaque ville traversée, se joignaient les habitants effrayés par ce bouleversement. Ils cheminaient sur les routes, avec les vieillards et les nouveaux nés. A cette foule disparate, se joignaient des soldats en déroute, débraillés, avec un peu de tabac, et leur fusil.
Où allait cette foule hirsute ? Le plus possible loin de chez eux, vers l'ouest et vers le sud, au-delà de la Loire qui leur semblait infranchissable à l'ennemi.
Le soleil et la faim, leurs pieds tuméfiés, le coucher pour la nuit, et surtout boire de l'eau, pour tenter d'étancher leur soif. C'est à ce propos qu'on a vu s'étaler la bassesse humaine et l'âpreté du gain, quand il a fallu payer à nombre de coquins, le verre d'eau...
Et le flot s'écoulait sous le feu terroriste des Stukas mugissants, les avions à croix gammée, piquant à l'improviste sur ces civils désarmés, hagards et désemparés, laissant sur le chemin les cadavres de femmes, d'hommes et d'enfants. "Faites confiance aux soldats allemands !" fera croire plus tard l'Occupant sur ses affiches aux populations asservies.
Pas la moindre nouvelle des événements. Radios, journaux, et bien sûr la Poste, étaient aux abonnés absents. Plus la moindre police ou de fonctionnaires.
Et le film nous présente le préfet de Chartres, Jean Moulin, restant seul à son poste, les bourgeois s'enfuyant, et déjà résistant jusqu'au sacrifice, face aux officiers allemands.
Sur les routes, les semaines passant, il a fallu s'apercevoir que les side-cars des militaires allemands avec leurs casques, leurs grosses lunettes et leur imperméable vert-de-gris, allaient plus vite que les populations abandonnées, en plein désarroi.
Et, le 17 juin 1940, la voix chevrotante d'un vieillard étoilé, celle de Pétain, puisqu'il faut l'appeler par son nom, appelant à cesser le combat a stopper net l'exode des multitudes.
Si certains ne pouvaient pas rentrer chez eux, étant Alsaciens-Lorrains, natifs de la zone interdite décidée par l'Occupant, ils terminaient leur voyage dans un bourg vendéen, corrézien ou près de la Garonne, la famille épuisée tentant de reconstruire un nouveau foyer où l'exode l'avait mené. Les autres, la majorité, prenaient le chemin du retour vers leur village et ville d'origine, se demandant dans quel état ils retrouveraient leur maison, bombardée ou vandalisée, leur linge et leur troupeau.
Ce fut le premier contact avec les militaires allemands, qui faisaient bombance dans les campagnes françaises, volailles et jambons, raisins et laitages, conserves et bon vin, "réquisitionnés" pour ne pas les payer...
La propagande de l'Occupant commence.
Certains soldats pour tenter de briser la réserve des Français offraient du chocolat, une boite de sardines à des habitants pour les amadouer...Résultats contrastés entre ceux qui refusaient ce qui venait de l'Occupant ou s'en méfiaient, et les futurs collabos, qui acceptaient de faire bombance avec ces dons volés à la population.
C'est ainsi que commençait la longue nuit de l'Occupation, qui devait se poursuivre quatre ans durant.
Mais ceci est une autre histoire !
JEAN LEVY
article mercredi
20 juin 2023
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