Des images pour comprendre [Blog d'Olivier Berruyer]
Approfondissons l’étude des évolutions des revenus moyens. Le graphique suivant compare le niveau du revenu moyen du Top 1 % et du Bottom 99 % (en dollars constants 2008) depuis un siècle (échelle logarithmique, de 1 à 5).
Ce graphique est hors plus-values réalisées en capital. Si on en tient compte, le graphique est encore plus édifiant :
On constate bien l’effet de la « Grande Compression » (pour reprendre le terme de Paul Krugman) survenue durant les 30 Glorieuses : le revenu moyen de la très vaste majorité de la population a stagné jusqu’en 1940, fortement et régulièrement augmenté jusqu’en 1973, et enfin a stagné depuis lors.
Au contraire, les hauts-revenus ont stagné jusqu’en 1982 et explosé depuis lors ; ils ont fini par rattraper le retard de croissance accumulé : c’est « la Grande Divergence ». Notons qu’il s’agissait d’un retard en pourcentage, mais que les écarts se sont approfondis en dollars réels (passer de 10 000 à 40 000 $ n’est évidemment pas tout à fait la même chose que passer de 200 000 à 800 000 $)
Le schéma précédent, issu des travaux du Congrès des États-Unis, montre la captation opérée par le haut de l’échelle des revenus, même après impôts. En près de 30 ans, les revenus nets en dollars constants du Top 1 % ont augmenté de 256 %, alors que ceux de 80 % de la population n’ont augmenté que de 10 à 30 %.
Le tableau précédent montre bien à quel point une minorité infime phagocyte les revenus. Ainsi, durant l’expansion Bush, le Top 1 % a capté à lui seul 65 % de la totalité de la masse de nouveaux revenus annuels. A contrario, il n’a capté que 47 % de la récession en 2008. Ainsi, sur les 15 dernières années, et durant 2 cycles économiques, ce sont 52 % des nouveaux revenus du pays qui sont allés au seul Top 1 %.
Le cerise sur le gâteau concerne ces 2 dernières années de “pseudo-reprise” : 93 % de toute la création de richesse est allée au Top 1%, les 7 % de miettes sont allées aux autres 99%…
Du coup, je le mets en anglais (si vous pouvez le poster sur des blogs américains, ce serait super…)
Vu la tendance, le Top 1% va sans doute finir par capter plus de 100 % de la richesse produite… C’est bien ce qu’on appelle un régime néo-féodal comme nous allons le voir…
Poursuivons avec un peu de recul :
On l’observe sur l’édifiant graphique précédent, représentant l’évolution du revenu moyen de différents quantiles, en base 100 en 1996. On observe d’impressionnants taux de croissance annuels du Top 0,01 % de +22 % en 1997, +18 % en 1998, +13 % en 1999, +24 % en 2000. Et, après le krach, de nouveau +31 % en 2004, +23 % en 2005, +9 % en 2006, +15 % en 2007. Ces hausses phénoménales semblent donc être un excellent indicateur avancé des crises majeures.
Le graphique suivant montre l’évolution de l’indice de Gini avec celui du revenu médian des familles :
Contrairement à la doctrine néoconservatrice, on constate bien que l’augmentation des inégalités ne s’est nullement accompagnée d’une amélioration de la situation des individus. C’est même le contraire qui s’est produit : la plus forte hausse du revenu médian est survenue avec une baisse de l’indice de Gini. Il en est de même au niveau mondial, où aucune corrélation n’apparait :
Nous conclurons sur une note historique cette analyse des revenus américains : les deux graphiques suivants montrent la distribution des revenus aux États-Unis en 2007 et en Angleterre au XVIIe siècle (grâce au remarquable travail de Peter Mathias qui a analysé les revenus de l’ensemble des classes de la population).
Le résultat est édifiant : les inégalités sont nettement plus accentuées aux États-Unis actuellement que dans l’Angleterre du XVIIe siècle ! Essentiellement en raison de l’accaparement du millile (Top 0,1 %) supérieur. Les 150 000 très gros salaires actuels accaparent donc 3 à 6 fois plus de revenus que ne le faisaient les 186 lords (Top 0,01 %) et les 1 400 baronets et chevaliers de l’aristocratie anglaise du XVIIe siècle…
Rappelons que Barack Obama vient tout juste de re-prolonger les réductions d’impôts votées par Georges Bush, n’ayant pu limiter celles accordées au plus hauts revenus en raison de sa défaite aux élections législatives de novembre. Elles ont estimées à 860 Md$ sur deux ans…