"J'ai très mal au travail", tel est le titre du documentaire que nous propose Jean-Michel CARRE.
Ce film est construit à partir de témoignages de salariés, ouvriers, employés et cadres, qui confient leur 'mal au travail' , et aussi d'analyses de sociologues, de médecins, de psychanalystes, d'économistes qui apportent chacun leur diagnostique sur la maladie et ses symptômes. Le constat est accablant.
Depuis plus deux décennies, au-delà de l'exploitation traditionnelle ( le 'taylorisme', les cadences infernales ), les entreprises ont aggravé celle-ci par un 'management' savamment élaboré, qui a conduit à briser toute solidarité entre les travailleurs. Ceux-ci sont condamnés à l'isolement, non seulement physique, mais essentiellement moral. Ils n'ont plus ce lien social qui existait à travers le syndicat, la présence permanente des délégués du personnel dans l'atelier, le service. Toute complicité entre salariés a disparu. Elle a fait place, entre eux, à la méfiance, à la concurrence entre individus, dûment organisée par les patrons. Ceux-ci ont recours au mépris, à l'humiliation, au flicage généralisé, qui brisent la résistance humaine du corps et de l'esprit. D'autres méthodes sont parallèlement employées, plus subtiles, plus pernicieuses encore : l'adhésion de l'ouvrier, de l'ingénieur à sa propre exploitation. Des stages de performance, des initiatives 'festives' sont organisées pour que les salariés fassent eux-mêmes, la promotion de la marque, du label de l'entreprise, et s'identifient à elle.
"La qualification n'est plus la caractéristique essentielle exigée pour l'embauche ou la promotion. Le degrè de vassalité du collaborateur est devenu l'élément déterminant pour les DRH et les 'chasseurs de tête'", constate un sociologue.
Résultats de cette enquête : le stress, les dépressions, les suicides s'ajoutent aux millions d'accidents du travail, aux morts quotidiens.
Un philosophe conclut :
"Nous n'entrons pas dans la décadence d'une civilisation, nous sommes en plein dedans !".
Le film rend responsable "l'Entreprise" et son objectif de consommation à outrance. Certes, mais motivant cette volonté, il y a la course au profit, immédiat et sans limite, engendrée par un système économique qui a un nom : le capital financier qui a investit jusqu'au pouvoir politique.
Tel est l'Hydre qui détruit notre société.