Ce dimanche 3 février, Idriss Déby, le président du Tchad, est encerclé dans son palais présidentiel, à Djaména. Les forces militaires françaises vont-elles intervenir pour sauver leur fidèle ami ? Ou Paris, considérant la situation comme perdue, va-t-il tenter de changer de monture, pour sauvegarder ses intérêts ?
Les prochaines heures nous apporterons la réponse.
Hier, Bernard Kouchner, se déclarait pour "une trêve", des "négociations" et un "arrangement" entre le pouvoir et la rébellion. C'est dire l'inquiétude, mais aussi la prudence des autorités françaises vis-à-vis de la crise tchadienne. On les comprend !
Car c'est bien le gouvernement français qui a piloté, en 1990, le coup d'état fomenté par Idriss Déby contre le président de l'époque, Issène Habré, dont il était le chef des armées. La connivence était si ouverte qu'un honorable agent de la DGSE, Paul Fontbonne, était alors devenu le "conseiller de la Présidence", à Djaména, poste qu'il occupa jusqu'en 1994.
Pourquoi cette sollicitude ?
En 1992, la France obtient sa participation au consortium pétrolier, à direction américaine, appelé à exploiter le pétrole du Sud-Tchadien. Un oléoduc, long de 1070 kms, doit acheminer l'or noir de Doba, au Tchad, jusqu'au port camerounais de Kibri. Ce projet reçoit l'approbation de la Banque mondiale, au bénéfice de la compagnie US Exxon-Mobil et Chevron.
La construction de cet oléoduc fut confiée à Bolloré, Bouygues et Alcatel-Altsom. De quoi affermir de solides amitiés ...
Pendant tout ce temps-là, Idriss Déby, pour se maintenir au pouvoir, a recours, en permanence à des méthodes de terreur. Déjà, lorsqu'il était le chef d'état major d'Hisséne Habré, de 1982 à 1990, il était tenu pour responsable de 40.000 morts ou disparus.
En 1993, il est donc à la tête de l'Etat tchadien. Amnesty International écrit :
"La terreur règne toujours. O continue de repêcher des cadavres dans les eaux du Chari, le fleuve qui arrose Djaména. Plus de 800 personnes ont été exécutées, de façon extra-judiciaire. Les assassins, les tortionnaires, les ravisseurs qui sévissent au Tchad, appartiennent aux forces de sécurité d'Idriss Déby".
Chaque année, 1994, 1995, et toutes celles qui suivent, d'"expéditions" en massacres, la répression demeure toujours sanglante.
François-Xavier Verschave, le spécialiste de l'Afrique, écrit un ouvrage, Noir silence*, où est consigné, pays par pays, les horreurs organisées et planifiées par les potentats locaux, en lien étroit avec les "services" français. Le Tchad y tient une bonne place. Verschave traite Déby "d'assassin invétéré". Le dictateur, de même que les présidents Sassou Nguesso, du Congo et Omar Bongo, du Gabon, poursuivent l'auteur en justice. La Cour d'appel de Paris déboute les plaignants, qui s'estimaient calomniés. François-Xavier Verschave, dans son livre, qui porte en sous-titre "Qui arrêtera la françafrique ?", n'a donc fait qu'écrire la vérité !
Telle est la nature du régime et de l'homme qui l'incarne, Idriss Déby.
Voilà sur qui s'appuie le pouvoir français pour défendre les intérêts privés qui sont investis dans le pays, et dans lequel Paris entretient des milliers de soldats.
Dernière minute,
Au matin, du 4 février, les forces rebelles annoncent leur retrait - provisoire - de Djaména, "pour permettre l'évacution des ressortissants étrangers", tout en dénonçant l'aide militaire apportée par la France à Idriss Déby. Paris, de son côté, attend de connaître la position du Conseil de Sécurité, saisi par le dictateur tchadien, à l'encontre du Soudan, accusé de soutenir militairement les forces rebelles. Si cette ingérence était reconnue par les instances internationales, le gouvernement français pourrait reconsidérer sa position et "défendre le Tchad contre l'agression de Khartoum"...
Les apparences seraient sauves !
* "NOIR SILENCE" de François-Xavier VERSCHAVE
Editions Les Arènes