Dans notre chronique précédente, nous avons voulu démontrer que le désastre militaire, la capitulation et l'Etat français, ne sont pas tombés du ciel, un soir de juin 40. Ces faits ne constituent pas une 'rupture' avec l'histoire des années antérieures.
Au contraire, il y a 'continuité', puisque le "choix de la défaite" a été sciemment celui de la bourgeoisie française, tout au long des années trente.
Cette réalité est systématiquement gommée par l'histoire officielle, tant celle diffusée par l'Education nationale, que par les médias. On comprend leurs motivations. Mettre en cause le rôle des élites dans ces années-là, ouvrirait des interrogations dangereuses sur leur politique aujourd'hui.
Mais l'histoire officielle ne se contente pas de plomber le passé, elle répand, depuis des décennies, une version falsifiée des faits concernant l'entrée en résistance des communistes. Ceux-ci n'auraient franchi le pas , seulement, après l'agression de l'Union soviétique, le 22 juin 1941. Disons tout de suite que beaucoup de resistants non-communistes connus, ont attendu davantage pour s'opposer activement aux Allemands et à Vichy. Pour certains d'entre eux , la victoire de Stalingrad, en février 1943, a été un élément déterminant dans leur choix. Personne ne leur en tient rigueur.
Revenons donc aux faits.
D'abord, la résistance au fascisme a constitué, bien avant la guerre, un axe essentiel de l'activité du Parti communiste français.
Ainsi, le PCF a montré le chemin , le 9 février 1934, en s'opposant dans la rue, aux bandes factieuses qui , le 6 février, avaient tenté d'abattre la République. Le sang ouvrier a coulé : neuf communistes ont trouvé alors la mort, sur le pavé parisien. Les premières victimes de la résistance ?
Ensuite, les communistes ont été le fer de lance des Brigades internationales des volontaires français en Espagne. Nombre de leurs jeunes combattants ont fait leurs premières armes dans la lutte contre les franquistes et les forces allemandes et italiennes : Pierre George, qui deviendra le colonel Fabien, l'ouvrier Tanguy, le futur Rol-Tanguy, commandant l'insurrection parisienne, en août 44.
Quand la réaction a commencé à prendre sa revanche sur le Front populaire, en 1938 et mis en cause ses conquêtes sociales, les communistes ont animé les grèves ouvrières, en particulièrement, celle du 30 novembre 1938. Malheureusement, la minorité anticommuniste de la CGT, celle groupée autour de Belin - qui deviendra le ministre du Travail de Pétain - sabotera le mouvement, qui échouera. La répression sera féroce : des dizaines de milliers de militants licenciés, des responsables syndicaux arrêtés par centaines par le gouvernement Daladier Reynaud.
Cet évènement se produit deux mois après la capitulation de Munich, laissant les mains libres à Hitler en Tchécoslovaquie, capitulation approuvée par l'ensemble de la classe politique de l'époque, sauf les communistes. Cerise sur le gâteau, une semaine après la grève générale réprimée, le gouvernement recevait en grande pompe le ministre allemand des Affaires Etrangères, le nazi von Ribbentrop, et signait avec lui un accord de coopération qui stipulait que "les communistes seraient mis à la raison...".
Face à cette situation, l'Union soviétique commence à suspecter les Etats occidentaux de jouer double jeu.
Malgré Munich, les dirigeants de l'URSS tentent, tout au long de l'année 1939, d'obtenir de la France et de l'Angleterre, la possibilité de franchir la frontière polonaise en cas d'attaque allemande, l'Union soviétique n'ayant pas de frontière commune avec l'Allemagne.
Cette requête, relevant d'un bon sens stratégique, s'est vue opposer un refus.
C'est alors que Staline, observant le manège, a décidé, pour gagner du temps et éviter de se retrouver isolé face une offensive allemande, de répondre favorablement à la demande de Berlin de signer un pacte de non-agression, et non d'alliance, avec Moscou.
La France et la Grande-Bretagne se retrouvaient prises à leur propre piège. Elles n'avaient aucune envie de faire la guerre à Hitler, souhaitant même que celui-ci s'engage à l'Est, et régle son compte à l'Union soviétique.
En France, avant même l'invasion de la Pologne par la Wehrmacht, le Premier septembre, le gouvernement décide d'interdire le Parti communiste, de déchoir de leurs mandats ses élus, de supprimer sa presse et de faire la chasse à ses militants. La raison invoquée est le refus des dirigeants du PCF de condamner le pacte de non-agression germano-soviétique, jugé par lui comme une contre mesure de défense.
Ainsi, contraints à la clandestinité, traqués et envoyés dans des bagnes, les militants communistes condamnèrent une guerre, que le gouvernement français ne menait pas militairement.
Quand les blindés nazis bousculèrent l'armée française le 10 mai 1940, le PCF clandestin proposa la levée en masse pour faire face à l'envahisseur et la mise hors d'état de nuire les hitlériens français qui bénéficiaient, eux, de toute liberté de s'exprimer. Cette demande fut rejetée par le gouvernement. Les panzers se ruaient sur Paris.
Ce fut la capitulation, l'occupation des deux-tiers du territoire, un gouvernement de trahison installé à Vichy.
Des millions de pauvres gens sur nos routes, mitraillés par les stukas, deux millions de prisonniers de guerre, la France en loque était assommée, traumatisée par la débâcle.
5000 militants communistes sont en prison ou dans des camps.
Nombre d'entre eux, ainsi cueillis par la Gestapo, seront les première victimes de la répression nazie.
Dès juillet, sans attendre d'ordres, des Français, encore isolés, ramassaient quelques armes échouées, çà et là. Des câbles électriques sectionnés, des graffitis sur les murs indiquaient que tous ne se résignaient pas à la défaite.
Et les communistes, dans tout cela ?
Comme le reste de la population, ils étaient dispersés, sans contacts, ni direction cohérente. C'est alors, début juillet, que quelques miltants prirent la décision de demander aux autorités d'occupation de faire reparître L'Humanité, interdite depuis aoûr 39. Cette initiative, tactiquement fausse et politiquement dangereuse, relevaitd'un dogmatisme mal digéré, l'dée entretenue dans la théorie qu'il fallait utiliser tous les moyens légaux pour s'exprimer publiquement, le plus largement possible.
L'initaitive tourna court : Benoît Frachon, refusant de quitter le sol national (il va devenir l'un des trois dirigeants de la Résistance communiste, en France), et Maurice Thorez, (recherché par toutes les polices et qui se trouve en URSS), tous deux condamnent la manoeuvre. L'Humanité paraîtra, clandestinement, régulièrement, tout au long de l'occupation, dénonçant la trahison et l'occupant. Ses rédacteurs seront au premier rang des fusillés.
La Propaganda Abteilung de notre temps a 'oublié' ces faits, occultés naturellement par tous les médias, de droite comme de 'gauche'.
Le Parti communiste ne met guère de temps à s'organiser avec le retour des citadins dans les villes.
Un historien socialiste, combattant de la Résistance, Henri Noguères, écrit en 1967, un ouvrage, "L'histoire de la Résistance en France", de toutes les résistances, en cinq volumes.
Il écrit :
"Démobilisé après la campagne de France, au cours de laquelle il a été cité avec son régiment, Henri Rol-Tanguy, trente-deux ans, un ancien des Brigades internationales, rentre à Paris le 19 août 1940, au petit matin...
Il raconte :
'Ma femme qui faisait partie de la Résistance, me dit : "J'ai un rendez-vous ce matin à 11 heures avec des camarades qui ont mis sur pied des comités populaires, et tu pourras les rencontrer".
Il s'agissait de mes vieux camarades de lutte : Timbaud, Gautier, Hénaff, Henri Jourdain, Lacazette, Tollet, Sémard...enfin tous ceux qui, se trouvant à Paris, avaient déjà organisé ces comités populaires dont la mission était de défendre les intérêts des travailleurs (...) A travers cette action revendicative qui commençait à redonner confiance parce que l'on obtenait çà et là des résultats, nous aidions les travailleurs à affermir et concrétiser leur résistance. Nous dénoncions Pétain et Laval. (...) Nous avons commencé l'action directe avec les GSD (Groupes de Sabotage et de Destruction). Nous nous y retrouvions nombreux, anciens des Brigades internationales en Espagne, antifascistes aguerris".
Nous avons cité longuement ce document car il montre comment les communistes ont pris, dès qu'ils ont pu, durant l'été 40, leur place dans la Résistance. Rol-Tanguy rencontre dès août, d'autres communistes engagés comme lui dans la lutte, et qui tomberont à Chateaubriant ou ailleurs,sous les balles allemandes.
Faut-il rappeler aussi l'appel du PCF appelant le peuple français, le 10 juillet 1940, à la lutte "pour demeurer un peuple libre" ? Ou l'arrestation, le même été, de Guy Môquet par la police française ?
Tous ces faits sont occultés pour que notre jeunesse ignore l'action glorieuse des communistes dès les premières semaines de l'Occupation, et pas seulement "après le 22 juin 1941".
C'est à nous de rappeler sans cesse cette vérité qui fait mal à la bourgeoisie.