Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les médias français évoquent aujourd'hui le cinquième anniversaire du premier jour de la guerre menée par les Etat-Unis contre l'Etat irakien. Tous, avec un bel ensemble, se démarquent de l'aventure. Mais sans jamais employer le terme d'agression . Tant dans la presse qu'à la radio ou à la télé, le qualificatif  de rigueur utilisé, c'est celui d'erreur, imputée à l'administration américaine, et tout particulièrement à George Bush. 
L'expédition militaire US, "justifiée" à partir de mensonges d'Etat - les armes de destruction massive détenues par l'Irak, les liens entre Saddam Hussein et El Qaïda - se poursuit  de nos jours, avec pour seuls résultats une occupation sans fin d'un pays, de centaines de milliers de morts civils irakiens, quatre mille GI tués. 

Mais que disaient les politiciens et la presse française de l'époque ?
On rappelle la "position de la France", celle exprimée alors par Jacques Chirac et son ministre des Affaires Etrangères, Dominique de Villepin. Notre pays ne s'étant pas rallié à la stratégie américaine, il menaçant d'un veto, toute résolution du Conseil de sécurité qui approuverait Washington. Parfait.  Mais on laisse entendre aujourd'hui que la classe politique toute entière a fait sienne cette position. Pourtant, de Villepin, ce matin, sur France Inter, a rappellé l'opinion contraire de Nicolas Sarkozy, déjà aligné sur les Etat-Unis.
En fait, il n'était pas le seul à montrer son allégeance à l'allié américain. 
Ainsi, "à gauche", Laurent Joffrin, alors directeur du Nouvel Observateur, rétorque le 22 mars sur France Inter, à Philippe Tesson :
"Nous sommes les alliés des Etats-Unis et, de ce fait, je souhaite une victoire rapide des forces US".
Jacques Chirac, lui-même, ne réprouve pas; simplement, il "regrette" l'initiative des USA. Sa préoccupation n'est déjà plus la guerre, mais l'après-guerre et "la participation de la France à la reconstruction de l'Irak".
Pour sa part, "la Bourse qui n'aime pas l'incertitude" - elle avait plongé quand la négociation reportait chaque jour l'heure de la guerre - bondissait de plus de 20% en quatre jours, une fois l'offensive décidée...

Dès le premier jour du conflit, les télés diffusent en boucle les infos de source US, l'avancée triomphante des GI.. Les commentateurs, experts en retraite de la chose guerrière, se répandent en considérations stratégiques. Les armes sophistiquées yankees ne viseraient que Saddam et son état-major, repérés au fond de leur profond bunker.  Selon le New York Post, il aurait été blessé... Le Figaro, tout guilleret, titre sur six colonnes  "Les GI foncent en direction de Bagdad". Pierre Georges, dans Le Monde, se félicite que "les forcesanglo-américaines, et notamment les forces aériennes en leur maîtrise totale du ciel irakien, font preuve de relative retenue. Des milliers de bombes et de missiles frappent l'Irak-régime en tentant d'épargner l'Irak-peuple".
Face aux manifestations hostiles à la guerre, inquiets de l'état d'esprit des Français ( des sondages indiquent que " 34% se sentent 'plutôt du côté des Etats-Unis et des Anglais' et 25% plutôt 'du côté de l'Irak', 31%% ne se sentant prochesd'aucun d'eux"), les médias et les hommes politiques font passer le message : "la guerre n'est qu'une parenthèse, un mauvais moment à passer. Le conflit terminé, les bonnes relations reprendront". 
Il leur faut conjurer "l'anti-américanisme" qui se développe.
Déjà, on ne parle plus de "la guerre contre l'Irak", mais par une altération sémantique, de "la guerre d'Irak".
Raffarin, le Premier ministre met les points sur les i : 
"Il ne faut pas se tromper d'ennemi. Nous sommes contre la dictature, dans le camp de la démocratie !".
Et pour être encore plus clair, il ajoute : "Nous restons fidèles à nos alliés". 
Ministres et députés de la majorité emboîtent le pas. Tous demandent à Chirac de s'adresser à la Nation avec un message dans ce sens.
Nous sommes le 1er avril, et ce n'est pas un poisson.
Pourtant, au-delà du PCF, de la CGT et de "la gauche de la gauche", des voix s'élèvent contre la guerre. 
Le 8 avril, Emmanuel Todd, sur France Inter, exprime son dégoût, face à l'agression sauvage dont est victime un petit Etat sous-développé, de la part des Etats-Unis, forts de leur toute puissance.
Alors que Chirac rencontre Poutine et Schröder, à Saint-Petersbourg, Hervé Morin, président du groupe UDF à l'Assemblée, qualifie "d'insensée", cette réunion à trois, "alors que la France est fragilisée vis-à-vis des Etats-Unis", 
et d'ajouter :
"Les Britanniques ont choisi le bon camp, alors que la France et l'Allemagne se sont mises hors jeu (...) Il faut recoller les morceaux de l'alliance atlantique".
De son côté, Philippe Seguin, dans Le Monde, résume la situation :
"Il est vrai qu'après avoir été claire, nette et courageuse, la position française - quand elle reste audible -  devient incompréhensible (...) Le Premier ministre, à l'applaudissement de ceux-là même qui se proclament 'atlantistes', a donné a entendre que la réussite de l'intervention anglo-américaine emportait sa légitimité (...) Les efforts actuellement déployés pour introduire l'ONU dans le processus de reconstruction paraissent une bien mauvaise piste. Ne serait-ce que parce qu'ils reviennent à demander poliment et humblement une autorisation à l'alliance américano-britannique. Or il suffit d'entendre monsieur Bush pour le comprendre : l'ONU, dès lors, ne sera traitée que comme une sorte d'ONG (...) Rentrer dans ce jeu donne à penser au demeurant, qu'on ne conçoit plus les choses désormais qu'en termes de gros sous et de contrats juteux". 
On ne saurait mieux dire !
Les opérations militaires se terminent.

Le Monde revient aux choses sérieuses. 
Le quotidien affiche une publicité pour un nouveau livre :
"Les Sentinelles de la Liberté" de Laurent Cohen-Tanugi. 
On peut lire dans cet encadré :
"Un essai vigoureux en faveur d'un nouvel atlantisme", écrit Alain Duhamel, dans Le Point. "Une opinion rare à l'heure où l'antiaméricanisme semble être à la fois l'alpha et l'omega de la pensée politique en France", estime René Raffin, dans Le Progrès. Alain Frachon, du Monde, ajoute "Cohen-Tanugi répond à Kagan en appelant à la fondation d'une Europe stratégique, pour refonder le lien transaltlantique". 
Et Dominique Strauss-Kahn de conclure ce concert de louanges par : "C'est un grand livre !".

Le Premier mai, Georges Bush proclame la Victoire américaine. Pour lui, la guerre est terminée...

*Ce blog s'est inspiré d'une chronique :  
"JOURS DE COLERE", de Jean LEVY,
" La guerre américaine" rédigée au jour le jour, du 19 mars au 1er mai 2003.
publié dès mai 2003, par L'Harmattan.

Tag(s) : #international
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :