Le Monde, daté de 6 et 7 avril, publie un entretien avec Rama Yade, la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme. Le quotidien titre :
"Rama Yade : les 'trois conditions pour que M. Sarkozy se rende à l'ouverture des JO' ". A la question :
"Que compte faire la France face aux atteintes aux droits de l'Homme en Chine ? Rama Yade répond :
"Nous demandons la remise en liberté immédiate de Hu Jia, qui vient tout juste d'être condamné à trois ans et demi de prison."
"Et par rapport au Tibet ?" :
"Nous demandons que la Chine entreprenne un dialogue réellement constructif avec le dalaï lama. Ces discussions doivent porter sur la reconnaissance de l'autonomie tibetaine et de l'identité spirituelle, religieuse et culturelle des Tibétains. A ce jour, la Chine a mené une politique d'assimilation en colonisant les zones tibétaines, ce qui a marginalisé sa population. On assiste aussi à une folklorisation de la culture tibétaine et l'enseignement du tibétain est battu en brèche. Enfin, rien que pour 2007, on compte 132 moines arrêtés pour des motifs politiques."
"Cela peut-il conduire le président Nicolas Sarkozy à boycotter la cérémonie d'ouverture des JO ?"
"Il prendra sa décision au regard de l'évolution des évènements actuels et s'exprimera après avoir consulté nos partenaires européens, car il parlera alors en tant que président en exercice de l'Union européenne. Néanmoins, trois conditions sont indispensables pour qu'il s'y rende : la fin des violences contre la population et la libération des prisonniers politiques, la lumière sur les évènements tibétains et l'ouverture du dialogue avec le dalaï-lama".
"Serez-vous sur le parcours de la flamme olymique à Paris ?":
"Traditionnellement, ce sont les ministres des sports, Bernard laporte et Roselyne Bachelot, qui assistent à l'évènement. Moi, aujourd'hui, j'aimerais plutôt être à Dharamsala (ville du nord de l'Inde où vit en exil le dalaï-lama).
Ces propos tenus par la "dalaï-rama Yade" du gouvernement, font polémique.
D'abord, un démenti de la secrétaire d'Etat : "Je n'ai jamais parlé de conditions !", suivi d'une confirmation aussi catégorique du Monde, comme quoi, elle a bien utilisé ce terme.
Sur ce point, on peut croire le quotidien du soir, car le titre est justifié par la réponse donnée par l'intéressée au journaliste, Jacques Follorou.
Alors ? A-t-elle tenu le rôle d'éclaireur, anticipant la position de Nicolas Sarkozy, ou, animée d'un zèle ultra-bouddiste, Rama a explicité sa propre position, quitte à mettre le président en fâcheuse posture ? Dans ce cas, on peut dire "Yade-la joie" au sein du pouvoir.
Yade va se retrouver "consule" aux îles Fidji !
Au-delà de ces péripéties, les propos exprimés par un membre du gouvernement, et qui ne sont pas remis en cause, sont graves.
La France intime l'ordre aux dirigeants chinois, non seulement, de reprendre le dialogue, qualifié de "constructif" pour mettre les points sur i, avec le dalaï-lama, mais précise les objectifs que le dialogue doit atteindre : "la reconnaissance de l'autonomie tibétaine et de l'identité spirituelle, religieuse et culturelle des Tibétains". Nicolas Sarkozy s'arroge le droit de dicter à un Etat souverain sa politique, particulièrement en matière 'religieuse' ! Certes, on connaît la fougue religieuse du chanoine de Latran, mais cette distinction ne lui permet pas encore de s'immisser dans les affaires intérieures d'un autre pays. Pas plus que les injonctions françaises visant la "politique d'assimilation", menant à la "folklorisation de la culture tibétaine", de même que la dénonciation de l'enseignement du tibétain, "battu en brèche".
Non seulement, cela ne regarde pas Nicolas Sarkozy et ses ministres, mais ceux-ci semblent oublier la politique d'assimilation pratiquée par la Troisième République, avec l'interdiction de pratiquer en classe les langues régionales. C'est cette volonté unitaire qui a permis a nôtre peuple de se fondre dans le même creuset, de se sentir français du Morbihan à la Provence, immigrés compris.
Certes, ce ne fut pas sans réactions hostiles, réactivées à dessein aujourd'hui, au nom de l'Europe des Régions ...Pourtant, seul le corse Talamoni dénonce "l'Etat français oppresseur". Que dirait-on à Paris, si ces divagations étaient reprises à Pékin, avec la même vigueur que la propagande antichinoise ici-bas?
Mais au fait, au Tibet, comment les choses se présentent réellement ?
Y a-t-il "colonisation" de la part des Chinois ? Ces derniers ont-ils rayé toute trace d'autonomie ? Le dalaï-lama est-il le représentant authentique du peuple tibétain, du point de vue spirituel, religieux, politique ?
Nous tenterons de répondre à ces questions demain.