La mort d'Aimé Césaire a provoqué un grand moment d'hypocrisie et de cynisme de la part de "l'élite politique" de notre pays. Tous les politiciens en vue, à commencer par Nicolas Sarkozy, ont débordé de louanges envers "le grand poête", "l'humaniste", l'homme qui s'est fait le porte-parole de la "négritude" qu'il revendiquait pour lui-même. Un "consensus national" était ainsi réalisé, aux applaudissements frénétiques de tous les médias. En fait, tout ce beau monde voulait enterrer le grand disparu sous une avalanche de couronnes de fleurs vénéneuses
Pourtant, toute l'action politique des hommes de droite qui se pressaient en Martinique - et aussi de ceux qui se revendiquent de la "gauche" - est marquée par le combat qu'ils ont mené sans relâche, eux ou leurs prédécesseurs, contre les valeurs essentielles d'Aimé Césaire !
Faut-il rappeler que le leader martiniquais disparu déclarait :
"Je suis de la race de ceux qu'on opprime".
Dès sa jeunesse, avant guerre, poursuivant ses études à l'Ecole Normale Supérieure, il est de toutes les luttes contre le colonialisme. Il rassemble avec d'autres intellectuels d'extrême-gauche, une avant-garde pour la défense des "noirs".
Il se bat encore, dans son île natale, durant les premières années de la Seconde guerre mondiale, sous la coupe du gouverneur vichyste, l'amiral Robert, contre le colonialisme triomphant. Les élus locaux y étaient remplacés d'office par les "békés", les desendants des maîtres d'esclaves.
Et tout au long des décénnies qui ont suivi la Libération, Aimé Césaire est toujours aux côtés des peuples colonisés en lutte. C'est vrai jusqu'à quitter le Parti communiste qu'il avait rallié, du fait que celui-ci avait voté, en 1956, les pleins pouvoirs à Guy Mollet, Président du Conseil socialiste, celui-ci s'en étant servi pour intensifier la guerre en Algérie.
Relisons, aujourd'hui, le "Discours sur le Colonialisme", écrit par Aimé Césaire en 1950, où il met en exergue l'étroite parenté qui existe entre "nazisme" et "colonialisme" :
" Oui, il vaudrait la peine d'étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d'Hitler et de l'hitlérisme, et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXème siècle, qu'il porte en lui un Hitler qui s'ignore, qu'Hitler l'habite, qu'Hitler est son démon, que s'il le vitupère, c'est par manque de logique, et qu'au fond, ce qu'il ne pardonne pas à Hitler, ce n'est pas le crime en soi, le crime contre l'homme, ce n'est pas l'humiliation de l'homme en soi, c'est le crime contre l'homme blanc, c'est l'humiliation contre l'homme blanc, et d'avoir appliqué à l'Europe, desprocédés colonialistes dont ne relevaient, jusqu'ici, que les Arabes d'Algérie, les coolies des Indes et les nègres d'Afrique".
C'est toujours dans cet esprit qu'Aimé Césaire refuse de recevoir, en 2006, Nicolas Sarkozy, qui avait fait sienne, la loi votée le 23 février 2005, "sur les aspects positifs de la colonisation, qu'il faudrait intégrer dans les programmes scolaires".
Chacun mesure ainsi la fourberie du Président de la République qui, dans ses propos, ose couvrir de louanges l'homme de l'anticolonialisme !
On comprend que lors des cérémonies de Fort-de-France,le dimanche 20 avril, l'hommage rendu à Aimé Césaire ait prohibé tout discours officiel.