Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Monde 2" du 3 mai (le supplément du quotidien, le vendredi), livre ses "archives".
Celles-ci portent sur le "Tibet. Un demi-siècle d'oppression
".
Vous l'aurez compris, il s'agit d'une enquête impartiale, documentée, en tous points conforme aux qualités requises pour un journal de référence. Les sujets abordés sont explicites :
"Entretien avec le dalaï-lama", "Nous retrouvons notre terre", "Le dieu-roi fuit Lhassa", "L'invasion chinoise", "Les fausses idées sur le Tibet" et "La propagande par l'image".
Il faut vous rassurer : les deux derniers titres, comme on pourrait l'imaginer,  ne visent pas, de la part du Monde, à effectuer une quelconque auto-critique.
Le texte de tous les articles, au long des neuf  pages de l'enquête, est à l'avenant.
Ca commence par une interview de "Sa Sainteté", effectuée en ...1970 par Maryse Choisy "écrivain et psychanalyste", et publiée, alors par Le Monde des 23 et 24 août de cette année-là :
"Je suis tibétain. J'aime mon pays. Le Tibet était indépendant. Maintenant, il est occupé par des soldats étrangers (...) Je suis très reconnaissant au monde libre qui a compris les problèmes d'un pays en quête d'indépendance et qui nous aide".
1970, c'était l'époque où "le monde libre" "aidait", par les moyens que l'on sait, le Viet Nam en quête d'indépendance. Maryse Choisy et Le Monde d'hier et d'aujourd'hui, ne sont pas choqués par cette déclaration.
Au contraire. l'article vire à la dévotion. Il baigne dans  l'encens :
"Je ne sais quoi d'ineffable rayonne, joue avec les sons et les sens. Le mot 'surnaturel me vient aux lèvres. Personne n'a remarqué ce fait insolite en plein XXème siècle. A la barbe des troupes d'occupation, Sa Sainteté, sa mère, ses soeurs, son petit frère, ses ministres et toute sa suite ont quitté Lhassa (en mars 1959). Malgré les avions chinois, cette colonne de trois cents personnes, qui ne saurait passer inaperçues pendant un mois de marche à travers les cols neigeux des Himalayas, a pu franchir la frontière. On songe à la nuée qui protégeait Moïse et le peuple élu quand ils s'enfuirent d'Egypte".

A cette prose divine succède des éléments "d'information", toujours repris dans la prose du quotidien du soir, à différentes époques. C'est ainsi que Manuel Lucbert, dans Le Monde du 18 mars 1984 décrit, sous le titre "Le dieu-roi fuit Lhassa", le départ du dalaï-lama en mars 1959. Reprendre en 2008, un article publié en 1984, relatant un fait qui s'est produit vingt-cinq ans plus tôt, c'est ce qu'on appelle être à la pointe de l'information !

Ensuite, une chronologie rappelle les principales dates qui ont marqué les rapports entre la Chine et le Tibet :
"1244 Le Tibet tombe sous la domination mongole.
 1368 La dynastie Ming (chinoise) prend le contôle du territoire jusqu'en 1517 où les mongols reconquièrent Lhassa.
 1720 L'armée mandchoue entre à Lhassa.
 1904 Les Britanniques occupent Lhassa.
 1914 Londres reconnaît la 'suzeraineté' de Pékin sur le Tibet.
 1950 L'armée chinoise pénètre au Tibet
."

C'est ce que Le Monde nomme L'invasion chinoise.
(
Extraits du Bulletin de l'Etranger Le Monde du28 octobre 1950)
Que peut-on retenir de ces dates ?
Depuis le XIII ème siècle, le Tibet fait partie de la Chine, quelle qu'en soit la dynastie au pouvoir à Pékin, Ming, mongole ou mandchoue. Ainsi, cette province est chinoise bien avant que Lille et la Flandre ne soient françaises (sous Louis XVI). Ne parlons pas de la Savoie et du comté de Nice, seulement français depuis 1860...

Certes, au début du XXème siècle, en 1914, l'accord tripartite de Simla (Grand-Bretagne, Chine et Tibet) établit une "suzeraineté" de Pékin sue Lhassa. Mais les Chinois s'opposent à ce que les Tibétains soient traités à égalité avec eux, et refusent leur signature.
Rappelons qu'à cette époque, la Chine est exsangue à la suite de  la guerre de l'Opium. Au XIXème siècle, les Etats occidentaux, lui ayant imposé des "traités inégaux" avec ses "concessions étrangères", dominent les ports chinois.
De cela, Le Monde n'y fait nul écho.
Plus grave encore, le quotidien du soir publie une carte du Tibet, qualifié "d'historique" (celui que revendique le dalaï-lama), qui déborde largement de la Région autonome. Il englobe  des provinces de population chinoise où vit une minorité de 2, 6 millions de Tibétains.

Cette présentation unilatérale et tronquée du problème tibétain, par Le Monde, est exemplaire des méthodes toujours employées  par ceux qui veulent justifier leurs revendications territoriales.
Cela mène à la violence et à la guerre comme moyens pour résoudre l conflit.

C'est ce que fit Hitler avec la minorité allemande des Sudètes, la région tchèque frontiére, avec son annexion par "l'accord de Munich", et la Seconde guerre mondiale.
On se souvient de la campagne médiatique pour "ces pauvres Kosovars, maltraités par les Serbes", la guerre que l'Occident mena contre la Serbie en 1999, et le dépeçage de celle-ci qui s'ensuivit.
Aujourd'hui, en Bolivie, c'est toujours au nom de "l'autonomie" d'une province, celle de Santa-Cruz où sont concentrées les 2/3 des richesses minières et énergétiques du pays, que les intérêts privés (et Occidentaux), s'en prennent à la souveraineté et à l'unité de l'Etat bolivien. En effet, son Président, Evo Morales, a décidé la nationalisation du gaz pour en faire profiter toute la population, et d'abord les plus pauvres, d'origine indienne.
Ce qui ne fait pas l'affaire ni des propriétaires, ni des multinationales, qui préparent des affrontements.

Face à l'intoxication de l'opinion publique, nous devons être vigilants :
ça commence par une offensive médiatique et ça finit dans le sang.

Tag(s) : #Contre l'impérialisme
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :