Nicolas Sarkozy comptait sur la présidence de l’Union européenne, à laquelle il va accéder pour six mois, le 1er juillet, pour faire « avancer l’Europe ». La Défense intégrée de l’UE, l’Union pour la Méditerranée, une politique commune de l’énergie, la réforme de la PAC, la mise en pratique du traité de Lisbonne, figuraient parmi les projets qui, pour lui, étaient prioritaires. Fort de son activisme débordant qu’il met en pratique en France pour imposer ses « réformes », il se croyait en mesure d’arriver à ses fins, malgré les réticences des autres Etats membres, en particulier, celle de l’Allemagne d’Angela Merkel.
Las, les rêves de notre Président se sont évaporés : le peuple irlandais s’est mis en travers des perspectives élyséennes.
Que faire dans ces conditions ?
Le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement, réunis à Bruxelles, le 19 juin, ont décidé « qu’il était urgent d’attendre ».
Oh ! Les bons conseils n’ont pas manqué. Le président italien, Giorgio Napolito (un ancien dirigeant communiste rallié au libéralisme), déclarait tout de go :
« L’heure est venue d’accomplir un chois courageux pour ceux qui veulent donne un développement cohérent à la construction européenne, laissant en dehors ceux (…) qui menacent de la bloquer ». Exclure l’Irlande de l’Union pour « faute grave » (le vote de leurs citoyens), « ce n’est souhaitable ni juridiquement, ni moralement », a répondu Jean-Pierre Jouyet, notre secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, qui s’était dit pourtant « effondré » à l’annonce des résultats du référendum irlandais. Par contre, sans jamais l’exprimer verbalement, nombre d’eurocrates songeaient aux conditions, d’un nouveau scrutin à Dublin. C’est vrai, « ils » ont l’habitude : déjà en 2001, ils avaient dû revoter du fait du rejet populaire du traité de Nice. Mais, cette fois, Brian Cowen, le premier ministre irlandais, n’a pu prendre , à Bruxelles, aucun engagement de ce genre, ayant proclamé, avant le scrutin, « qu’il n’y aurait de second référendum », et persuadé qu’un résultat positif « est improbable dans le contexte actuel ».
Alors, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont contentés sagement d’attendre des jours meilleurs, espérant trouver « un arrangement juridique » avec Dublin.
Les difficultés des dirigeants européens ne se limitent pas au cas irlandais. Une ratification du traité de Lisbonne n’est pas assurée en République tchèque. Le parlement est divisé, le président Vaclav Klaus est « eurosceptique » et l’opinion populaire demeure hostile.
Mais comme un malheur ne vient jamais seul, la décision de la Cour suprême britannique a suspendu la ratification votée par la Chambre des Lords, jusqu’à son propre examen du traité. Or, le vote positif du parlement de Londres demeurait le seul élément de réconfort des dirigeants européens !
Donc, le « sommet » de Bruxelles n’a débouché sur rien.
Nicolas Sarkozy a bien tenté de jouer les matamores en menaçant d’interrompre l’élargissement de l’Union européenne si le traité de Lisbonne n’était pas ratifié par les « 27 ». Mais ce chantage a eu pour effet de provoquer des réactions scandalisées de petits Etats, tel celui du Danemark…
En attendant, la ratification du traité « doit se poursuivre », telle a été la « décision » prise à Bruxelles ! Par la voie parlementaire, naturellement telle qu’elle avait été pratiquée en Irlande, avec 95% des élus ayant voté OUI. .On connaît la suite …
Le Monde, pour sa part, préconise, dans son édition des 15 et 16 juin, une Europe à deux vitesses :
« Pour sortir de ce cercle vicieux, il n’y a qu’une seule possibilité : créer à côté de l’Union européenne actuelle, une avant-garde composée de pays prêts à accepter la rèle de la majorité qualifiée pour approfondir l’intégration ».
La fuite en avant, en quelque sorte.
Le quotidien du soir, qui note, page 7, « le divorce croissant entre l’Europe et les citoyens, qui se sentent délaissés », estime, page 6, que « selon le dernier sondage d’Eurobaromètre publié en décembre 2007, les Néerlandais et les Irlandais sont parmi les Européens les plus favorables à l’Union. Ils sont 79% et 74% à considérer l’UE ‘comme une bonne chose’ ». Et seulement 60% des Français à partager le même sentiment…
Comme quoi les sondages ne sont pas le reflet de l’opinion, mais un moyen de pression psychologique pour peser sur les électeurs.
Nous avons donc déjà un sursis de quatre mois assuré jusqu’au nouveau Conseil prévu en octobre. Faisons de ce délais une intense période de mobilisation populaire contre les projets européens, et au-delà, pour exiger que notre peuple exerce son droit souverain de pouvoir se prononcer sur son avenir.