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SUITE de l'article de
Michel COLLON *

L'élite US se divise.

Il y a dix ans, Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller du président Carter et stratège le plus important des Etats-Unis, publiait Le Grand Echiquier, sorte de mode d'emploi du « Comment rester la seule superpuissance dominant le monde » (5) . Il y expliquait, avec la brutalité de quelqu'un qui n'est plus aux affaires, que Washington devait absolument affaiblir ses rivaux : Russie, Chine, mais aussi Europe et Japon, et les empêcher de s'allier entre eux. Diviser pour régner.

Aujourd'hui, quel est le bulletin de George Bush, sur base des critères définis par Brzezinski ? A-t-il réussi à affaiblir les grandes puissances rivales ? Disons : mention assez bien en ce qui concerne le Japon, assez bien (pour l'instant) en ce qui concerne l'U.E., mais mauvais en ce qui concerne la Russie, et très mauvais en ce qui concerne la Chine.

Globalement, Bush a provoqué tant de résistances que la domination des Etats-Unis s'est affaiblie. Les secteurs qui l'avaient porté au pouvoir - armement, pétrole, automobile, défense, compagnies pharmaceutiques - constatent que les guerres de Bush n'ont apporté ni de grands profits, ni de nouvelles zones d'exploitation. En fait, elles ont coûté davantage qu'elles n'ont rapporté. Et l'administration Bush s'est révélée être un petit cercle restreint, pensant beaucoup à s'en mettre personnellement plein les poches, mais incapables de finesse tactique et de réelle vision à long terme.

Une fois l'échec devenu évident, les divisions se sont exacerbées au sein de l'élite US, et même de l'administration Bush. A partir de 2006, les néocons ont dû céder du terrain. Ils ont dû accepter le remplacement du ministre de la Guerre, Donald Rumsfeld, par Robert Gates, un homme de la Trilatérale et de la tendance Brzezinski. Le nouveau ministre a en quelque sorte admis la faiblesse du militarisme US dans un discours prononcé devant les élèves de l'Académie militaire de West Point : « Ne combattez pas à moins d'y être obligés. Ne combattez jamais seuls. Et ne combattez jamais longtemps. » (6). Puis, la commission bipartisane Baker - Hamilton a condamné la tentative de Bush de remodeler le 'Grand Moyen-Orient' comme étant irréaliste et elle a prôné au contraire une approche plus tactique envers la Syrie et l'Iran.

Même au sein des services secrets et de l'Armée, plusieurs frondes se sont déclenchées. En décembre 2007, lorsque Bush a voulu préparer une attaque contre l'Iran sous le classique prétexte des armes de destruction massive, seize services de renseignement US ont surpris tout le monde en publiant un rapport qui constatait que l'Iran avait suspendu son programme nucléaire militaire depuis au moins 2003.

« Le déclin des Etats-Unis est inévitable ».
(Zbigniew Brzezinski)

Dans son livre, Brzezinski proposait une stratégie agressive et machiavélique pour sauver l'Empire US. Mais lui-même, croit-il que ça marchera ? Aussi surprenant que ça paraisse, la réponse est : Non. On peut lire, page 267 :

« A long terme, la politique globale est vouée à devenir de moins en moins propice à la concentration d'un pouvoir hégémonique dans les mains d'un seul Etat. L'Amérique n'est donc pas seulement la première superpuissance globale, ce sera très probablement la dernière. »
La raison tient dans l'évolution de l'économie, pages 267-268 :
« Le pouvoir économique risque aussi de se disperser. Dans les prochaines années, aucun pays ne sera susceptible d'atteindre 30% environ du PIB mondial, chiffre que les Etats-Unis ont maintenu pendant la plus grande partie du 20ème siècle, sans parler de la barre des 50% qu'ils ont atteinte en 1945. Selon certaines estimations, l'Amérique pourrait encore détenir 20% du PIB mondial à la fin de cette décennie pour retomber à 10-15% d'ici l'an 2020, tandis que les chiffres d'autres puissances - l'Europe, la Chine, le Japon - augmenteraient pour égaler approximativement le niveau des Etats-Unis.(...) Une fois que le déclin du leadership américain sera amorcé, la suprématie dont jouit aujourd'hui l'Amérique ne pourra être assurée par aucun Etat isolé, u
ne fois que le déclin du leadership américain sera amorcé ".
Brzezinski ne parle donc pas d'une possibilité, mais d'une certitude. Il écrit cela en 1997. Aujourd'hui, il est devenu clair que le déclin est bel et bien amorcé. Le monde devient multipolaire.

Mais peut-être Brzezinski est-il un pessimiste isolé ? Peut-être que les néocons qui ont inspiré Bush sont plus 'optimistes', si l'on ose employer ce mot ? Eh bien, en fait, pas beaucoup plus. Dans le texte fondateur de toute la politique de l'administration, le Project for a New American Century (PNAC), rédigé en 1992 par Paul Wolfowitz et ses amis, on trouve évidemment toute l'idéologie de la nouvelle croisade militariste, mais aussi une remarque qui attire l'attention :
« Actuellement, les Etats-Unis ne rencontrent aucun rival mondial. La grande stratégie de l'Amérique doit viser à préserver et étendre cette position avantageuse aussi longtemps que possible (...) Préserver cette situation stratégique désirable dans laquelle les Etats-Unis se trouvent maintenant exige des capacités militaires prédominantes au niveau mondial. » (7).


« Aussi longtemps que possible », ici aussi, donc, on ne croit pas qu'il sera possible pour les Etats-Unis de rester éternellement les maîtres du monde. Voilà bien un grand paradoxe. Le monde  entier craint les Etats-Unis. Mais les dirigeants US, eux, savent qu'ils sont aux commandes du Titanic. Et pour sauver l'Empire autant que possible, ils sont partagés entre deux options...*

* VOIR NOTRE BLOG DU 22 SEPTEMBRE :
"Quelle sera demain la politique internationale des USA ?" (1) 

Tag(s) : #international
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