- Il y a 70 ans, par les Accords de Munich, le gouvernement français donnait le feu vert à Hitler pour poursuivre sa politique d’agression qui débouchera, un an plus tard, sur la Seconde guerre mondiale.
- Il y a 50 ans, à la suite du putsch militaro-fasciste du 13 mai à Alger, de Gaulle installait la Cinquième république, approuvée par 80% des Français.
Ces deux évènements ne sont guère célébrés, ni par le gouvernement, ni par les médias. Et pourtant, ils sont à l’origine de deux bouleversements de notre système politique, en ouvrant la voie à un régime fasciste, avec l’Etat français de Pétain, en Juillet 40, à un pouvoir personnel et autoritaire avec Charles de Gaulle, à l’automne 58.
Il ne s’agit pas pour nous de mettre un signe d’égalité entre l’Etat français et la Cinquième république. Mais de démontrer que les deux évènements ont eu pour cause l’adaptation de la Constitution et de notre régime politique aux besoins du Capital..
Examinons aujourd’hui la crise de septembre 1938.
En 1938, les forces économiques françaises - et les politiciens de droite et de « gauche » à leur service – en lien avec le pouvoir hitlérien, les konzerns et les banquiers du Troisième Reich, estiment indispensable de mettre à la raison les forces populaires, les communistes en particulier. Leur objectif est d’avoir les coudées franches en vue d’instaurer, à l’abri des baïonnettes allemandes, un régime totalitaire qui puisse réaliser les objectifs économiques et sociaux du patronat.
Face à la puissante vague de grèves de juin 1936, avec l’occupation des usines, le patronat avait dû céder la semaine de 40 heures, les congés payés, les délégués du Personnel, de conséquentes augmentations de salaire, mesures confirmées par le vote de la Chambre, élue en mai, à majorité Front populaire.
Le CGPF (Confédération Générale du Patronat Français, le Modef de l’époque), met alors tout en œuvre pour revenir sur ces conquêtes ouvrières.
Le gouvernement commence par « assouplir » la loi des40 heures », et par accorder aux industriels un « contingent d’heures supplémentaires ».
Ces mesures « fort modestes sans être négligeables » selon Le Temps, l’organe du Comité des Forges, n’étaient pas suffisantes, aux yeux des patrons.
Depuis janvier 1933, avec l’avènement d’Adolf Hitler à la tête de l’Allemagne, le patronat français s’intéresse vivement au système politique nazi et à la mise au pas par celui-ci de la classe ouvrière outre-Rhin car le régime hitlérien avait annihilé toute résistance de masse organisée des travailleurs et permis leur exploitation sans borne ?
« Pourquoi ne pas instaurer, en France, un tel type de gouvernement ? », tel est devenu l’objectif des grands patrons français. Mais pour l’atteindre, fallait-il, comme condition, se défaire de la démocratie, et en premier lieu éliminer l’opposition communiste. Ce n’était pas chose facile à réaliser face à la puissance du PCF et des traditions révolutionnaires de notre peuple. La grande bourgeoisie a bien vite le sentiment qu’il fallait rechercher des appuis décisifs à l’étranger, et d’abord, auprès du Reich nazi. Ainsi, pour mater le peuple de France, seule la défaite militaire et la présence des baïonnettes allemandes permettraient un changement de régime
Dans cette perspective, une vaste trahison des élites s’étend en France pour organiser la défaite. Les grands secteurs industriels, la métallurgie, la sidérurgie, la chimie étaient déjà liés, au sein du capital des entreprises, avec leurs homologues allemands. La « collaboration » économique n’avait pas cessé des deux côtés du Rhin depuis les années 20. Il suffisait, dans les années 30, d’y ajouter une coopération étroite au niveau politique et, par celle-ci, mettre au point un plan de domination du Reich sur l’Europe. Ainsi, toutes les agressions hitlériennes – remilitarisation de la rive gauche du Rhin, annexion de la Sarre, intervention militaire auprès de Franco contre la République espagnole, en 1936, Anschluss sur l’Autriche en mars 1938 – furent avalisées par les nations occidentales.
Restait à désarmer la Tchécoslovaquie, notre alliée, en livrant le territoire des Sudètes à Hitler (lieu de ligne fortifiée plantée au cœur de l’Allemagne), et à offrir le potentiel militaire tchèque avec les usines Skoda à Krupp.
Telles furent les clauses des Accords de Munich, signés le 30 septembre 1938 par le britannique Neuville Chamberlain et par le français Edouard Daladier, en présence du quatrième larron, Benito Mussolini, le complice italien du Führer. Le gouvernement tchèque, la victime, n’avait pas été convié. Et l’Union soviétique, liée aux Etats occidentaux par un traité d’assistance, avait été exclue des négociations…
Les dirigeants français et anglais ont présenté les Accords comme le gage de la Paix ! Seuls les 72 députés communistes et deux autres députés, ont le courage et l’honneur de voter contre la capitulation de Munich.
Dès le lendemain, le gouvernement Daladier Reynaud obtient « les pleins pouvoirs » de la Chambre par 331 voix contre 78, dont toujours les 72 députés communistes. Le gouvernement a ainsi la possibilité de légiférer par décrets, sans passer par la Représentation nationale. Ce fut ainsi sa seconde abdication.
Paul Reynaud annonce les premières mesures antisociales à la radio, le 12 novembre, la réduction drastique des salaires et prononce sa fameuse phrase : « la semaine des deux dimanches a cessé d’exister ».
La réaction ouvrière ne se fait pas attendre. Des grèves éclatent. Mais le climat politique, la répression, la division au sein de la CGT les rendent difficiles. La minorité anticommuniste des Belin, Froideval, Dumoulin, sabote la résistance. Nous retrouverons ces responsables comme ministre de Pétain, pour le premier, et parmi les plus durs de la collaboration avec l’ennemi.
La CGT lance un mot d’ordre de grève générale pour le 30 novembre 1938, aussitôt contesté par la minorité.
La garde mobile et la police quadrille la France et occupe les points stratégiques. La grève échoue. Des dizaines et des dizaines de milliers de salariés sont licenciés. Des milliers – les « meneurs » - sont arrêtés et condamnés à des peines de prison.
Quelques jours après, le 6 décembre, le gouvernement reçoit en grande pompe Joachim Ribbentrop, le ministre nazi des Affaires Etrangères du Reich, festivités dont sont exclus les ministres d’origine juive. Georges Bonnet, le ministre français promet au représentant hitlérien « de mettre les communistes à la raison »…
Déjà, le 2 mai précédant, un décret sur « la police des étrangers » est promulgué. Et le 12 novembre, un nouveau décret précise les conditions de l’assignation à résidence et de l’internement des étrangers. Le premier camp de concentration français est ouvert à Rieucros (Lozère), le 21 janvier 1939…Les réfugiés antifascistes venus d’Allemagne et d’Europe orientale en sont les premiers occupants.
La mise en place d’un pouvoir autoritaire est en marche.
Pour le finaliser avec Pétain et l’Etat français, il faudra attendre la défaite militaire programmée.
En son temps, nous relaterons les raisons et les conséquences du pacte de non-agression signé par l’URSS isolée et l’Allemagne, le 23 août 1939.
Sur cette période, lire :
Annie-LACROIX-RIZ
De Munich à Vichy
L’assassinat de la Troisième république - 1938-1940
Chez Armand Colin.
Annie LACROIX-RIZ
Le choix de la défaite
Les élite françaises dans les années 1930 Chez Armand Colin.
Chez Armand Colin.
Jean LEVY et Simon PIETRI
De la République à l’Etat français
Le chemin de Vichy 1930-1940
Chez L’Harmattan