Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 


Avec l'élection de Barack Obama, quelle va être la politique étrangère des Etats-Unis ?
C'est la question posée par les médias français.
La nominaton aux postes responsables de la nouvelle administration américaine, de personnalités, soit ayant déjà joué un rôle sous la présidence Bush, soit qui ne s'en sont pas démarqués, peut laisser croire que peu de changements sont à attendre sur le plan des affaires internationales.
Le recours à des pesonnages de l'entourage de Clinton - la femme de celui-ci nommée au département d'Etat - est un indice inquiétant.  Mais, si les objectifs des responsables étatsuniens, démocrates ou républicains, demeurent ceux du capital, la conception d'une défense plus efficace de ceux-ci peut entrainer, au-delà d'un changement de style, des choix stratégiques  différents.
George W. Bush laisse les Etats-Unis dans une situation diffficile.  Aux yeux de l'étranger, l'image des USA s'est dégradée considérablement, altérant leur volonté et sa possibilité d'assumer le rôle  exclusif de maître d'un monde unipolaire. Tel était pourtant l'objectif déclaré de  Washington.
Obama parvient à la Maison Blanche avec le passif de deux guerres, sans solution militaire. Une crise économique et sociale, sans précédent , fait vaciller les Etats-Unis et toute la planète. Durant la dernière décennie, de grandes puissances se sont affirmées sur la scène mondiale. La Chine s'est hissée à la troisème place, parmi les Etats industrialisés. La Russie a rompu avec son allégence à l'Occident. Elle a retrouvé l'intégralité de sa souveraineté, abandonnée par Eltsine, dans les années 90. L'Amérique latine se libère à grands pas de l'hégémonie américaine. Elle retrouve, pays après pays, sa souveraineté, ouvrant la voie à un développement progressiste, dans le cadre d'une coopération régionale économique et sociale. Après quarante ans d'isolement dû au blocus US, Cuba a, non seulement résisté à l'étranglement américain, mais le pays de Fidel et du Che est devenu le phare de tout le continent.
Tous ces changements, survenus en une décennie, modifient la donne.
Les USA sont contraints de s'adapter à cette nouvelle situation. L'ère Bush laisse un champ de ruines. Le grand capital américain en a tenu compte. Il a dû changer d'équipe. Barack Obama, avec sa jeunesse et son origine, correspond à cette mutation. Son image est utilisée pour envoyer un nouveau message au monde.
La question se pose donc : quelle sera la teneur de ce message, en particulier dans le domaine international  ?
Nul ne doute que la politique du nouveau président sera le reflet des intérêts des forces économiques, qui l'ont mis en place. Inutile d'attendre un virage "progressiste" des orientations fondamentales des USA. Mais, est-ce à dire que la nouvelle stratégie américaine sera la soeur jumelle de celle suivie par l'administration républicaine ?
Nous ne le croyons pas.
Les Etats-Unis vont donner la priorité absolue à la défense des intérêts immédiats de ses classes dirigeantes. La situation désastreuse de leur économie, le déficit abyssal du budget US, qui ne peut que s'aggraver avec le plan de relance envisagé, pourraient conduire à pratiquer "la politique du pire" : une "fuite en avant" conduisant à un nouveau conflit mondial, serait une solution de désespoir, sans garantie d'en sortir victorieux.  Cette voie, un secteur de l'économie américaine - celui de l'armement, très lié au clan Bush - pourvait l'envisager. Mais l'économie yankee ne se résume pas à la fabrication des missiles et des bombardiers.
Aussi, la stratégie envisagée par l'administration Obama peut emprunter une autre direction pour sauver l'essentiel de la puissance américaine. Des acteurs de la diplomatie, en place du temps de Clinton, tels Zbigniew Brzezinski*, Richard Holbrook** , prêchent pour une politique extérieure plus souple sur les moyens.
Constatant l'irruption chinoise, russe, indienne, brésillienne sur la scène mondiale, la nouvelle diplomatie US envisage de prendre une forme différente : "la co-participation responsable" des autres nations à la gestion du monde, en particulier, celle qui, aujourd'hui directement concurrente, menace sa suprématie : la République populaire de Chine.

Robert Zoellick, cofondateur du PNAC (Project for a New American Century),  s'adressant à la commission parlementaire américaine, qui suit les relations entre les États-Unis et la Chine, a déclaré :

« Nous devons encourager la Chine à se muer en coparticipante qui se comportera de façon responsable. En tant que coparticipante responsable de la communauté internationale, la Chine serait plus qu’un membre, elle soutiendrait avec nous le système international qui a permis son succès. »

De « rivale stratégique » à « coparticipante responsable », c’est là toute la transition.

En décembre 2007, alors que le ciel au-dessus du système financier et industriel de l’Occident est déjà chargé de sombres nuées d’orage, Zoellick déclare :

« La Chine est un moteur de croissance dans le monde. Elle peut nous aider à éviter une récession mondiale. L’économie chinoise et l’économie mondiale sont liées l’une à l’autre. Nous devons dès maintenant agir conformément à notre concept de coparticipante responsable. »

 

Robert Zoellick n’est pas seul à nourrir cette conception. L’un de ses partisans s’appelle John Ikenberry, un homme qui jouit d’une grande autorité à Washington. Ce professeur en relations internationales critique depuis des années la politique du président Bush.
Ikenberry déclare :
«Les États-Unis ne peuvent contrer la montée de la Chine. Mais nous pouvons toutefois faire en sorte que la Chine exerce son pouvoir dans les limites des règles et des institutions que les États-Unis et leurs partenaires ont mises sur pied le siècle dernier, une coparticipante responsable dans les limites des structures et des règles que nous avons instaurées. ».

« Les États-Unis veulent que la Chine soit absorbée dans les institutions et forums internationaux. Ils veulent qu’elle n’ait pas la possibilité de défier les normes et standards existants. »
En clair, Washington serait prête à ouvrir à Pékin, et aux autres puissances montantes, la porte des "institutions et forums", à condition que ces Etats acceptent les règles du jeu établies par les USA.
Disons, pour reprendre un langage boursier, qu'aux OPA brutales ("hostiles", selon les termes de Wall Street),  opérées pour prendre le contrôle de firmes concurrentes, seraient substituées des OPA amicales, réalisées avec l'accord des entreprise absorbées. 
Autrement dit, les Etats-Unis convieraient les autres nations à entrer dans le Conseil d'Administration du monde, présidé et dominé par eux.
Telle pourrait être la nouvelle stratégie américaine.
Mais les Chinois se rendent compte que les Américains changent de politique afin de pouvoir garder leur propre rôle et ne pas modifier le caractère des relations économiques Nord-Sud.
Wang Yiwei, de la section des Études internationales de l’université de Fudan, a déclaré :

« Le concept de ‘coparticipation responsable’, c’est comme une longue ligne de pêche avec laquelle on veut attraper un gros poisson. Ce gros poisson, c’est le rapport à la Chine dans le cadre de l’ordre international dirigé par les États-Unis. »

De son côté, Ruan Zongze, de l’Institut chinois des Études internationales écrit dans le quotidien du Parti communiste :

« Le concept montre clairement que Washington ne veut toujours pas renoncer à ses efforts en vue de faire valoir partout dans le monde sa propre conception de la démocratie… »

Pour Washington, le pari n'est pas gagné.

*   Auteur du célèbre livre sur la stratégie  globale américaine "Le grand échiquer".
** Ancien négociateur, dans les Balkans, de l'Accord de Dayton, devenu "Représentant       personnel" d'Obama, pour le Proche-Orient.

 

Tag(s) : #international
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :