Nicolas Sarkozy réfléchit.
Il s'inquiète même, si l'on en croit Françoise Fressoz, qui commente ainsi les états d'âme du Président ( le Monde du 29 janvier) :
"Il faut s'arrêter quelques instants sur les confidences distillées par Nicolas Sarkozy depuis que la crise s'est abattue sur le pays. Le président de la République affirme qu'il veut poursuivre les réformes, mais il confesse aussi que : 'La France n'est pas le pays plus simple à gouverner du monde'. Il rappelle que 'les Français ont guillotiné le roi', 'qu'au nom d'une mesure symbolique, ils peuvent renverser le pays'. Il parle de la France comme d'un 'pays régicide' ".
Nicolas Sarkozy aurait-il des idées noires ? Fait-il la liaison entre l'histoire et sa propre personne ? Pour s'isoler et faire le point, en toute tranquilité, il a choisi, nous dit-on, un lieu prédestiné : Versailles. Comme les rois d'antan, il s'exile, quand le besoin s'en fait sentir, loin de la capitale, loin de la "populace", C'est à la "Lanterne" qu'il a jeté son dévolu. Mais, en ces jours sombres, est-il traversé par un sentiment de stress, comme diraient les psychiâtres, quand il évoque le supplice de Louis XVI ? Nicolas aurait-il perdu la tête ? Certes, la Lanterne n'est plus aujourd'hui, qu'une résidence de luxe, qui jouxte le parc royal. Mais son nom reste évocateur.
Donc, le Président songe au passé. Baillonner, sanctionner, embastiller, les rois savaient faire. Suivre leu trace, est-ce le bon chemin ?
L'agitation qui grandit aujourd'hui, le mécontentement qui gagne des couches nouvelles, n'était-elle pas déjà le climat du royaume de France, début 1789 ?
Rappelons-nous : dans des villes comme Rennes (40.000 habitants à l'époque), la réunion du Parlement de Bretagne, en décembre 1788, est l'occasion de l'un des premiers heurts entre la noblesse et le clergé, d'une part, et de l'autre, le Tiers Etat.
Celui-ci reçoit "le soutien tumultueux que leur apporte, tout autour, un étrange amalgame de jeunes gens bien mis et de pauvres hères presqu'en guenille. Première manifestation de l'osmose élaborée, surtout dans les cafés avoisinnants entre la Société des Jeunes Gens, c'est-à-dire les étudiants en Droit de l'Université, et les "Jeunes citoyens", nom donné aux ouvriers sans travail, donc disponibles pour n'importe quelle agitation, que les étudiants tentent depuis un mois de rassembler et d'organiser. Ensemble, ils sont bruyants, insolents avec les nobles, et se déclarent patriotes, selon le mot encore imprécis, mais à tonalité revendicative, qui commence à courir en France".*
Les Nobles croient mater l'agitation en armant leurs valets pour frapper les manifestants.
C'est peine perdue :
"Aux environs du 20 janvier (1789), la plupart des villes bretonnes, même de faible importance, sont en ébullition, de Rennes à Nantes, et jusqu'à Quimper (...) Le Tiers Etat, lui, est déjà surchauffé, ne fût-ce que par l'agitation 'clubiste' qui a son foyer dans quinze à vingt librairies bretonnes où s'opére la jonction entre les bourgeois éclairés et les 'manants' les plus évolués (...) Les temps changent".*
Quelques mois plus tard, les Parisiens prennent la Bastille.
La Révolution française commence.
L'histoire est pleine d'enseignements qui peuvent éclairer les lanternes des plus aveugles.
Nicolas, s'en souvient-il ?
* Claude MANCERON "Les hommes de la liberté" Le sang de la Bastille 1787-1789