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REPRIS DU SITE
« SAUVONS L’ECOLE PUBLIQUE »
Dans un article navrant publié dans Le Monde daté du 1er avril (ce n’est pas malheureusement un « poisson »), et intitulé “Les facs mobilisées voient leur image se dégrader“, trois journalistes (Christian Bonrepaux, Benoît Floc’h et Catherine Rollot) présentent ce qu’ils appellent une “enquête” menée dans trois facs mobilisées, Montpellier III, Rennes II et Toulouse-Le Mirail.
Entre Tintin au Congo et Les Pieds Nickelés, nos trois “envoyés spéciaux” (ne va pas à Beyrouth qui veut) ont donc pris la température de ces lieux étranges, les facultés de lettres, et en ramènent, au péril de leur vie et pour le prix d’un billet Prem’s, un récit qui fait frémir. Leur conclusion est sans appel : en se mobilisant, les facs en question nuisent à leur image !
On admirera, tout d’abord, le sujet même de l’article : pas un mot sur les réformes, la question est uniquement celle de “l’image”. Quant à savoir sur quoi repose ce problème d’image… on ne trouvera pas la moindre précision sur ce qu’il faut entendre par “mobilisation,” même si cela doit rendre le propos incompréhensible, voire totalement fantaisiste.
Jamais le malheureux lecteur ne saura si par “mobilisation”, il faut entendre grève des enseignants-chercheurs, manifestations, ou blocage par les étudiants, trois situations nettement distinctes et présentes à des degrés et à des moments divers dans les trois facs dont il est question. La comparaison avec les blocages estudiantins liés au CPE ne fait qu’aggraver la confusion….
Jamais on ne saura si cette mobilisation porte sur la réforme du CNRS (hé oui, il y a des personnels CNRS à l’Université…), sur la “masterisation” des concours, ou la réforme du statut. Quelle importance ? Il y a du bazar, le bazar nuit à “l’image”, pas besoin d’aller plus loin. La surface suffit. On admirera au passage les progrès qu’ont pu faire les modes de pensée sarkozystes (l’apparence contre le fond, la réduction des questions les plus graves à l’opposition ordre/désordre, le flou conceptuel) dans l’esprit de nos reporters intrépides.
Jamais on n’apportera la contradiction aux critiques, systématiquement prises au premier degré. Jamais on ne mettra en perspective les réactions des uns et des autres. Jamais on ne contextualisera un tant soit peu les propos tenus en rappelant les enjeux généraux. Du grand journalisme, dans une prose élégante et fraîche : une fois encore, et comme Le Monde nous y a habitués, le prix Albert Londres n’est pas loin…
Il se dégage de tout cela une impression pénible, que l’on pourrait ainsi résumer : aux yeux de nos trois prétendants au Pulitzer, protester contre des réformes absurdes, mal conduites et destructrices pour l’avenir de l’éducation (je pense en particulier à la masterisation), cela crée du désordre, et c’est mal. Cela trouble, par exemple, Madame Isabelle Cayzac, présidente de la fédération de la PEEP, qui déclare :
“J’ai deux fils en terminale, déclare Isabelle Cayzac, présidente de la fédération de parents PEEP pour l’Hérault. S’ils avaient voulu faire des études de lettres, je me serais opposée à ce qu’ils aillent à Montpellier-III. Cette université donne une image de chaos, de bazar, de glandeurs.”
Alors si la présidente de la PEEP Hérault est mécontente de l’image de Montpellier III, qu’elle trouve, comme n’importe quel beauf placé face à des étudiants d’arts, de lettres et de sciences humaines, qu’il n’y a là que des “glandeurs”, cela prouve bien que tout cette agitation est un scandale ! Rentrez dans le rang, inconscients que vous êtes, vous voyez bien que cette opposition à Nicolas Sarkozy donne de vous une image déplorable, et ne fait que confirmer la piètre opinion qu’ont de vous tous ceux qui ont voté pour notre Fossoyeur Présidentiel !
Pauvre Monde. Alors qu’elle aurait pu laisser tranquillement ces trois plumitifs décortiquer les dépêches AFP qui leur permettraient de produire leur prose éclairée, confortablement installés à plat-ventre, la direction leur a payé des frais de mission pour faire cette grande découverte : la mobilisation et la protestation dérangent.
Mais le véritable drame n’est pas là. Le pire, c’est que cette découverte soit publiée.
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Pour “réformer”, il fallait tout d’abord n’engager aucune consultation et s’empresser d’oublier ceux qui font tourner la boutique. Car dans ce pays, on ne “réforme” par une institution, on “réforme” contre elle.