Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

"canempechepasnicolas"
entreprend la diffusion d'une étude sur :


"L’enseignement de la « construction européenne »
dans le système scolaire français"

Par Benjamin Landais, Pierre Yaghlekdjian.


Chacun comprend l'utilité de connaître, au niveau de l'enseignement officiel,  les moyens utilisés par l'idéoogie dominante, pour imposer une Histoire conforme aux intérêts du capital et de sa construction européenne.

L'ampleur de  cette étude nécessite, pour notre blog, une diffusion chapitre par chapitre.
Nous commençons aujourd'hui de publier la première partie.
Nous  poursuivrons la diffusion du texte , jour après jour.

(1)

L’histoire « institutionnelle », celle enseignée dans les écoles de la République, ne se situe pas directement dans une problématique de construction d’une science historique. Elle pose d’abord la question de la conscience historique que les politiques, les pédagogues, les éditeurs de manuels, les chefs d’établissement et finalement les professeurs choisissent plus ou moins consciemment de mettre en avant.
Depuis une décennie, l’Union européenne occupe une place grandissante dans les enseignements du primaire (sous forme d’outils pédagogiques proposés aux instituteurs) au lycée (un tiers du programme de terminale générale d’histoire et une bonne place dans celui de géographie de première) en passant par le collège (comme option dans les cours d’éducation civique) [
1].

 

Dans le même temps, la remise en cause profonde des politiques mises en place depuis plus de trente ans, la situation de crise actuelle du capitalisme pose de façon concrète chez les salariés la question d’un changement profond du système. Le rejet des politiques et des institutions européennes, associées depuis leur fondation au renforcement et aux mutations du capitalisme monopoliste à l’échelle continentale et mondiale, va crescendo. Tous les efforts sont donc requis par les pouvoirs en place pour redorer le blason d’une telle structure mise à mal à chaque nouveau référendum national.

 

Les débats sur la mémoire collective dans l’Union européenne en sont d’autant plus vifs. Les projets visant à créer artificiellement une histoire officielle au niveau européen se multiplient. Après le Rapport Linblad criminalisant les « régimes totalitaires communistes », le parlement européen votait le 23 septembre 2008 une résolution qui assimilait « nazisme, stalinisme et les régimes fascistes et communistes », afin de faire du 23 août une journée de commémoration des victimes de ces régimes présentés comme équivalents [2].

 

Sans qu’un lien direct puisse être établi entre les efforts répétés des partisans de « l’Europe politique » pour la promotion d’une « identité européenne » et l’inflexion des programmes, nous sommes forcés de constater que les nouvelles générations d’historiens et de professeurs seront de plus en plus amenées à lutter s’ils veulent pouvoir garder toute l’indépendance nécessaire à l’exercice de leur activité.

Une absence inquiétante de débats

L’histoire enseignée reste évidemment un rapport de force entre courants idéologiques. Elle est en dernière analyse un rapport de force entre classes sociales qui, si elles partagent une histoire commune dans un espace géographique donné, se sont, pour ainsi dire, souvent trouvées « de part et d’autre de la barricade ». C’est pourquoi la plupart des changements d’orientation sont l’objet d’une extrême vigilance de la part de l’ensemble du corps enseignant et fait régulièrement l’objet de polémiques plus ou moins virulentes. Les confusions sont fréquentes entre lois mémorielles, commémorations à l’école et contenu des programmes d’histoire. Sous le gouvernement Raffarin, c’est « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord », qui est au centre du débat.
Après l’élection de Nicolas Sarkozy, c’est l’identité nationale et la mémoire du génocide juif qui suscitent la polémique.

 

Etonnamment, l’évolution des programmes concernant la mise au premier plan de la « construction européenne » se fait sans bruit, c’est-à-dire sans débats publics et sans contestation majeure. Pourtant, le cadre communautaire européen, nouvel horizon des cours d’histoire géographie en France, n’est rien de moins que contestable.

 

Ce silence relatif peut s’expliquer par le fait que le changement concerne – en apparence – le seul cadre géographique de l’enseignement. Donner une perspective européenne ou franco-allemande à une analyse historique qui nuancerait un point de vue « franco-français » a de quoi séduire ceux qui contestent depuis longtemps – pouvant au moins remonter jusqu’aux arguments des fondateurs des Annales – le bien fondé d’une histoire strictement nationale.

Mais la promotion du niveau européen n’est pas innocente. Elle s’accompagne d’une volonté certaine de faire progresser, par définition, la conscience historique européenne, si ce n’est une « conscience européenne commune » qu’appellent de leurs vœux les européistes convaincus depuis des décennies.

 

Dès lors, demandons-nous si le passage discret d’une perspective française à une perspective européenne ne risque pas de nous faire retomber dans les mêmes travers qu’une histoire nationale servant d’instrument à la promotion d’un nationalisme étroit voire d’un impérialisme de type européen. En effet, la longue tradition critique et la lucidité de l’enseignement de l’histoire en France reste normalement prévenu contre ce type de dérives mais menace de perdre sa validité lors du passage au cadre européen. C’est par l’analyse des programmes et des manuels, en particulier ceux de terminale, que nous pourrons répondre le plus sûrement à cette interrogation.

[1] La programmation au CAPES et à l’agrégation d’histoire 2008/2009 de la question suivante : « Penser et construire l’Europe de 1919 à 1992 (hors des expériences propres au monde communiste) », dans la poursuite du cinquantenaire du traité de Rome, est un des symptômes de cette place croissante que prend la « question européenne » dans l’enseignement dispensé dans les collèges et les lycées.

[2] A noter que si cette déclaration (adoptée massivement par les députés allant de l’extrême droite aux verts) se donne pour objectif « la réconciliation » laquelle, affirme-t-on, « présuppose la reconnaissance de la responsabilité, la demande de pardon, et l’encouragement à une rénovation morale », M. Linblad est aussi connu pour être allé fleurir le 3 juin 2004 le mémorial de Riga en hommage aux SS lettons…


LIRE LA SUITE, DEMAIN SUR NOTRE BLOG...

Tag(s) : #Histoire
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :