COMME UN CHATEAU DE CARTES…
Jusqu’ici, nos médias nous avaient présenté l’économie de marché comme la seule économie capable d’innover et de répandre le progrès, voire le bonheur, « sans être entravée par les contraintes lourdes et paralysantes de l’économie socialiste».
On nous cite en exemple les réalisations grandioses de l’Emirat de Dubaï. Dans ce micro Etat du golfe Persique, l’initiative privée allait transformer un désert en un oasis super moderne, exemple de l’innovation pour le XXIme siècle. Et de nous montrer la construction miraculeuse de tours gigantesques, « les plus hautes du monde » capables d’accueillir dans leurs hôtels, au moins « sept étoiles ».
Nous n’inventons rien.
Ainsi, on pouvait lire pour « appâter » le client
"Dubaï démontre depuis quelques années sa motivation à conquérir de nouveaux marchés. D’ailleurs, les E.A.U ont récemment pris conscience de leur dépendance économique aux énergies naturelles (gaz, pétrole,…). Depuis, Dubaï a reconverti son économie, pour se pencher vers le développement des nouvelles technologies, du commerce mais aussi du tourisme, principalement dans l’industrie du luxe. Afin de réaliser cette politique de reconversion dans les meilleures conditions, le gouvernement de Dubaï s’efforce d’attirer les entreprises tout en maintenant une politique de restructuration et de reconstruction, à l’origine de nombreux complexes urbains, hôteliers, ou balnéaires.
L’innovation de ces réalisations force l’admiration du monde envers cet émirat.
...et sa régulation .
Il existe une zone franche qui vous permettra d’acquérir beaucoup plus d’avantages en tant qu’investisseur étranger. En effet la zone franche de Jebel Ali a été créée par un décret du gouvernement de Dubaï le 9 janvier 1985. Cette zone franche offre de nombreuses possibilités telles que le contrôle à 100% par l’entreprise étrangère, mais également, un rapatriement total du capital et des profits. Les impôts sur les revenus, à l’importation et à l’exportation, et sur les sociétés ne sont pas à l’ordre du jour.
Il n’y a pas de restrictions sur les permis de travail.
Enfin, il n’y a pas non plus d’obligation de se lier à un partenaire local."
De quoi faire saliver le monde des affaires !
Et la « pub » de nous faire espérer le paradis sur terre.
« Imaginez une ville construite au milieu du désert. Une oasis de verdure de près de 2 millions de m² avec le plus grand centre commercial du monde, des dizaines de gratte-ciels et des dinosaures grandeur nature. Voilà City of Arabia , qui actuellement en construction à Dubaï, accueillera à terme 38 000 habitants. Construite au sud de Dubaï, City of Arabia deviendra un de ses faubourgs. Elle est située dans Dubailand, la gigantesque zone de loisirs en construction. Après The Palm et Dubai Marina, c'est le plus grand projet d'urbanisme à Dubai. En voiture, seulement 20 minutes séparent la ville du front de mer grâce à l'autoroute Emirates Road.
City of Arabia accueillera également le plus grand centre commercial du monde avec 1 million de m², le "Mall of Arabia". Inspiré de l'architecture antique avec ses colonnes et ses statues grecques, le "mall" contiendra 1000 commerces répartis sur 4 niveaux. Il y aura des boutiques de mode, de haute couture, plusieurs hôtels de luxe et des restaurants. Dans le "Mall of Arabia", 50 000 m² seront consacrés à l'univers de la décoration et de la maison. Un marché de l'or ("golden souk"), un auditorium ainsi qu'un multiplex de 15 salles de cinéma sont également prévus. Et en sous-sol, un parking sur deux niveaux accueillera 10 000 véhicules.
Mall Of Arabia. Cette ville est conçue comme une oasis au milieu du désert. La ville, en forme de demi-lune, se construit le long de Emirates Road, l'une des plus longues route du monde avec ses 35 kilomètres, parallèle au front de mer et qui traverse Dubai. La ville nouvelle va coûter 1,3 milliard d'euros.
Début de construction : 2007
Fin de construction : 2010
Autre fierté de Dubaï, les îles artificielles qui sont actuellement en construction dans l'Emirat Première des 3 îles d'un ensemble baptisé « Palm Island », qui formera à terme un palmier vu du ciel, la « Jumeirah Palm » est pratiquement terminée. Elle accueille déjà villas et hôtels de luxe et ses premiers résidents. Et dans ce domaine, les projets de Dubaï sont sans limite, car l'Emirat parie également sur « The Word », un ensemble d'îles artificielles formant un planisphère pour devenir un site touristique unique dans le monde ».
Qui ne serait pas conquis ?
Certes, « ceux » qui construisent ces palais des Mille et une nuit, ce ne sont pas les citoyens de Dubaï.
Voici ce qu’en disent les «Cahiers de la Méditerranée » :
« Ainsi, la structure de la population de la ville évoque-t-elle assez celle de la Cité grecque antique, avec une division en catégories qui rappellent celles des « citoyens », des “métèques” et des “esclaves”. Rarement la citadinité n’a été aussi dissociée de la citoyenneté, bien que l’une et l’autre soient, par-delà les apparences, des notions qui se déclinent selon une gradation large et souvent subtile et difficile à percevoir pour un observateur étranger ».
Intéressons-nous donc à la troisième catégorie, celle des travailleurs.
« La troisième catégorie est celle qui remplit le rôle naguère dévolu aux esclaves. Certes, l’esclavage statutaire autochtone a disparu progressivement au cours des années et la population immigrée qui l’a remplacé et qui assure tout le fonctionnement de base de l’économie domestique, industrielle et de services, est salariée et recrutée sous contrat à durée déterminée, dans la plupart des cas.
Mais sa condition sociale durant son séjour se réduit à la valeur de son travail considéré comme une marchandise importée en fonction des besoins. Puisée dans les immenses réservoirs de main-d’œuvre de l’Asie du Sud et du Sud-Est, cette main-d’œuvre est interchangeable car peu qualifiée ; elle forme la majorité de la population. La raison d’être de sa présence est uniquement économique, mais son importance numérique s’explique aussi par le fait que les salaires qui lui sont versés sont très faibles, et que, en dépit de la modernité du cadre urbain, l’automation n’a pas encore remplacé le recours à la domesticité ou au travail humain pour répondre à de nombreux besoins de la vie quotidienne.
A cette population largement composée d’individus isolés ou en groupe (en dessous d’un revenu de 1000 $ par mois, il est interdit de faire venir sa famille et, d’ailleurs, l’entretien d’une famille sur place annulerait le bénéfice attendu de l’expatriation) est taillable et corvéable à merci. Elle est importée par des intermédiaires ayant pignon sur rue, dans certains villages ou régions précises, qui les mettent sur le marché après leur avoir avancé, à des taux usuraires, le prix du transport, du permis de séjour, de leurs services, ou bien par les entreprises elles-mêmes. Ils sont donc totalement dépendants de leur employeur ou de leur sponsor, qui conservent leur passeport et peuvent mettre fin d’un instant à l’autre, et sans compensation, à leur travail.
La durée de leur contrat est souvent indiquée à l’avance (durée d’un chantier, par exemple, pour lequel ils ne disposent, souvent, que d’un visa collectif) ou reconductible seulement en cas de comportement satisfaisant. Leur docilité est totale, d’autant qu’ils sont également menacés de rapatriement en cas de maladie ou d’accident, et, pour les femmes, de grossesse. Souvent, en fin de contrat, ces immigrants passent dans la clandestinité, pour garder une chance de continuer à envoyer de l’argent au pays. Mais ils vivent alors une existence marginale, sans garantie, subsistant grâce à de petits boulots au noir. Ils sont à la merci de mesures d’expulsion ou d’amendes, comme cela a été le cas en 2000 ».
(Cahiers de l Méditerranée)
Des facilités d’investissement étranger au faible coût de la main d’œuvre, taillable et corvéable à merci, tout paraissait parfait dans cette anticipation de la cité du nouveau siècle, modèle de la société, fille du libre marché, dans un monde mondialisé.
Et un beau jour, c’était hier, patatras, tout s’est effondré !.
Dubaï en état de faillite !
La tempête sur les marchés
Et si ce naufrage était le signe avant-coureur du bing bang du monde capitaliste ?
Jean LEVY