Johnson M'a tuer
LOUIS THEILLIER
Le Projet:
Le 31 Janvier 2011, la multinationale Johnson Matthey (leader mondial de la production de catalyseurs automobiles et autres industries à base de platine) annonce la fermeture de son site Bruxellois. L'entreprise est pourtant largement bénéficiaire, mais vient d'ouvrir une usine en Macédoine, avec la bénédiction financière de l'Europe.
Des négociations s'engagent entre les syndicats et les représentants de la maison mère anglaise, encadrées par la loi Renault. Les 300 travailleurs attendent que leur sort se scelle à l'issue de longs mois de négociations, toujours en cours à l'heure actuelle. Nous vivons dès lors le thriller social de l'intérieur, dans une usine au ralenti, et nous résignons à rejoindre la cohorte des "victimes de la crise".
Nous assistons impuissants à un cynisme systémique, banalisé par la fréquence des plans sociaux divers, relayés sous forme de dépêches fatalistes dans les journaux, et les ouvriers ne sont généralement médiatisés qu' à la suite d'actes désespèrés. Notre expérience reste pourtant particulièrement représentative des conséquences du libéralisme économique, et tous les travailleurs peuvent se sentir concernés.
Faisant le constat de ce manque de visibilité, je cherche dès le départ du conflit à développer un moyen original et positif pour nous faire entendre médiatiquement.Je réalise alors ce journal de bord graphique au sein de l'entreprise, utilisant la création comme cheval de Troie, pour rendre compte en interne de l'humanité cachées derrière les chiffres.
Autant de chroniques rythmées par les discussions enflammées, les assemblées, les réactions pleine d'humanité, des situations amères ou drôles, à la recherche d'une logique dans la complexité des situations. Ces chroniques conçues en temps réel, au fil des évènements alimenteront régulièrement le blog et une édition en plusieurs tomes sera diffusée aux travailleurs. Cet objet est le résultat des conditions d'urgence dans lesquelles il se réalise. Étant donné que toute entrée de matériel extérieur est proscrit, il ne me reste que l'inoffensif Bic fourni par l'employeur pour immortaliser les faits.
Résumé de la situation:
Depuis l'annonce, le 31 janvier, de l'intention de la direction du groupe de fermer l'usine de Bruxelles, les travailleurs de Johnson Matthey ne se résignent pas.
Il n'y a aucune raison économique compréhensible pour la fermeture de cette usine : L'entreprise est largement bénéficiaire, fabrique un produit écologique d'avenir (catalyseurs automobiles et filtres à particules), en plein boom, sur lequel le coût de la main-d'oeuvre n'a qu'une faible incidence, un marché où la concurrence est très faible, et une production sur un site, à Evere, le plus proche des clients finaux. Le site belge a en outre largement bénéficié d'aides régionales, bénéficie des intérêts notionnels et est "fiscalement optimisé".
Il n'y a aucune raison économique compréhensible pour la fermeture de cette usine : L'entreprise est largement bénéficiaire, fabrique un produit écologique d'avenir (catalyseurs automobiles et filtres à particules), en plein boom, sur lequel le coût de la main-d'oeuvre n'a qu'une faible incidence, un marché où la concurrence est très faible, et une production sur un site, à Evere, le plus proche des clients finaux. Le site belge a en outre largement bénéficié d'aides régionales, bénéficie des intérêts notionnels et est "fiscalement optimisé".
La procédure Renault donne le droit aux représentants du personnel de poser toutes les questions utiles à comprendre un éventuel problème industriel et à pouvoir proposer une solution alternative pour le maintien de l'emploi. Jusqu'ici, les chiffres donnés par la direction n'expliquent pas la décision de fermeture. Le groupe assène comme un mantra un problème de "surproduction", mais ce n'est qu'une surproduction créée au sein du groupe par le groupe lui-même, car les commandes ne diminuent pas. Le choix de supprimer le site d'Evere irait de pair avec une augmentation de la production dans les autres sites du groupe. Cette fermeture coïncide également avec l'ouverture d'un tout nouveau site en Macédoine...
Le maintien de l'emploi à Bruxelles est d'autant plus crédible que la direction du site belge a elle-même proposé au groupe un plan alternatif maintenant la moitié des emplois. Le plan aurait été refusé par la direction anglaise du groupe. Ce plan, même s'il est insuffisant pour les représentants du personnel, va maintenant être analysé, ainsi que toutes les autres opportunités pouvant maintenir l'emploi sur le site d'Evere, avec l'aide des ministres fédéral et régional de l'Emploi, Mme Joëlle Milquet et M. Benoît Cerexhe.
Dans ce dossier, les licenciements ne sont nullement une fatalité économique.
Au contraire, les accepter serait aussi accepter la fin de toute perspective industrielle en Belgique.
Soutien aux 300 travailleurs
de Johnson Matthey Bruxelles