Bruxelles
s'engage pour
l'ingérence en Syrie
Pierre Lévy
Les braves gens ! Ces messieurs-dames du Conseil des ministres européen sont très émus par la situation en Syrie. Le 14 novembre, ils ont adopté un nouveau paquet de sanctions contre Damas. Le septième. Et ont accueilli avec enthousiasme la décision prise par la Ligue arabe de suspendre de ses rangs la Syrie.
Un « tournant diplomatique » majeur, a souligné Bruxelles.
Car cela va sans dire : dès lors qu’elles proviennent de pays voisins ou coreligionnaires, toutes les intrusions et ingérences en deviennent ipso facto légitimes. A ce titre, n’est-il pas par ailleurs tout à fait naturel que les Européens prennent directement les commandes de la Grèce ?
La Ligue arabe constitue en tout cas une référence incontestable en matière de droits de l’Homme. L’Arabie saoudite, l’un des piliers de l’institution, est par exemple un havre renommé de démocratie et de tolérance, au point qu’on se demande bien pourquoi l’actuel roi Abdallah n’a pas encore reçu le Nobel de la paix. Peut-être les Sages d’Oslo le réservent-ils aux émirs du Golfe, dont les pays sont des pionniers incontestés de la démocratie participative ? Parmi eux, le roi du Bahreïn – qui est venu à bout de son propre « printemps » grâce aux troupes saoudiennes, et en embastillant jusqu’aux médecins qui avaient essayé de porter secours aux centaines de victimes – est lui aussi horrifié en pensant au sort réservé aux opposants syriens.
Quant aux généraux égyptiens, qui viennent de montrer leur humanisme à balles réelles sur la place Tahrir du Caire, ils ont également fait chorus pour exprimer leur colère face au sort des habitants de Homs ou de Hama.
La Turquie, quant à elle, a lancé l’idée d’une intervention armée en Syrie pour ménager une « zone de sécurité » où trouveraient refuge les civils. Les Kurdes aussi, M. Erdogan ? On sait en effet avec quel amour et doigté ces derniers ont toujours été traités par Ankara. Le pouvoir turc vient du reste de donner une autre éclatante manifestation de son engagement exemplaire pour les droits de l’Homme : le 22 novembre a débuté le procès de onze journalistes (en détention préventive) qui pourraient rejoindre leurs cinquante-neuf confrères déjà derrière les barreaux, certains ayant été condamnés pour avoir simplement consulté un site de « propagande kurde » (Bruxelles vient poliment d’exprimer son désaccord, tout en renforçant ses consultations avec Ankara en vue de la liberté en Syrie).
Enfin, tout cela ne se fait pas sans la paternelle tutelle des Etats-Unis, dont l’histoire se confond littéralement avec la promotion des droits de l’Homme et la protection des civils (Hiroshima, My Lai, Abou Ghraïb, Falloujah…).
En réalité, jusqu’au dernier garçon d’étage du Quai d’Orsay (dont le chef vient de proposer la mise en place de corridors sécurisés, autrement dit une intervention militaire directe), tout le monde le sait : en cherchant à « faire tomber » le président syrien (un objectif que n’auraient pas renié les pires faucons du temps de George Bush, et qui est maintenant ouvertement assumé tant à Washington qu’à Bruxelles), le véritable but est de déstabiliser puis de faire basculer l’Iran.
Or nul n’ignore que le Moyen-Orient est une véritable poudrière. Jusqu’à quel point les actuels docteurs Folamour joueront-ils impunément avec les allumettes ?
Sur Cri du Peuple 1871 :