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Marianne2 2012

 

 

Coco Chanel,
agent du Reich
Mardi 2 Octobre 2012 

 

Aude Lancelin
Directrice adjointe de la rédaction de Marianne, responsable du service culture et idées

UNE MISSION SECRÈTE

L’hiver 1943 est extrêmement rigoureux. Les températures chutent, la bise souffle sur Paris. L’humeur plonge en même temps que les thermomètres. L’image de l’ennemi, le bel et fier aryen défilant sur les Champs-Elysées en flirtant avec de jolies demoiselles, se transforme : il s’agit maintenant de soldats autoritaires, arrogants, trop âgés pour se battre sur le front russe. A la réticence résignée du Parisien succède le renoncement lugubre de l’occupé. 

A la fin de l’année, une franche hostilité se manifeste plus ouvertement. En 1943, un dignitaire nazi rapporte à Berlin qu’il n’est plus temps de nier «le rejet de tout ce qui est allemand» et l’espoir partagé par les Français «d’un effondrement imminent de l’Allemagne et d’une victoire alliée au cours de l’année».
Dincklage et Chanel se demandent s’ils pourront échapper à la fureur de la Résistance. Les relations de Chanel avec les nazis, son antisémitisme virulent et sa déclaration : «La France a eu ce qu’elle méritait», faite lors d’un déjeuner sur la Côte d’Azur en 1943, sont enregistrés dans les dossiers des renseignements français de Londres.
Ainsi Chanel, Jean Cocteau et Serge Lifar [nommé par Göring à la tête des ballets parisiens] sont-ils désignés à la vindicte. Dincklage sait sa vie menacée. Les agents clandestins britanniques et français travaillant en France et les Français libres de Londres possèdent des dossiers relatifs à ses missions sur la Côte d’Azur, à Paris et en Suisse. Sa coopération avec la Gestapo, les juifs qu’il a dénoncés en France et le fait qu’il ait rencontré un jour Hitler, tout est consigné.
C’est désormais inévitable : Chanel et Dincklage subiront des représailles. Ils savent que le rideau descend sur leur petit monde. 

Mais ils ont un plan. Elle doit rencontrer son vieil ami l’ambassadeur britannique sir Samuel Hoare, à Madrid. Il s’agit d’une répétition de sa mission madrilène avec Vaufreland, mais cette fois c’est une cause en laquelle elle croit. Chanel sait, grâce à Sir Samuel, qu’elle pourra correspondre avec le duc de Westminster à Londres via le réseau de communication de l’ambassade britannique à Madrid.
Avec l’aide de Bend’or, elle espère informer le Premier ministre Churchill que certains dignitaires nazis voudraient renverser Hitler et cesser les hostilités avec la Grande-Bretagne. Churchill doit le comprendre : il serait désastreux que l’Allemagne tombe aux mains de l’Union soviétique. [Cette opération baptisée «Modelhut» mènera Chanel jusqu’à Berlin fin 1943, à la rencontre de Schellenberg, homme de confiance d’Himmler.]

COCO LA BARAKA

Depuis 1942, la couturière figure sur les listes noires officielles des Forces françaises de l’intérieur. En cette première semaine de septembre 1944, une poignée de jeunes FFI la conduisent devant un comité d’épuration. 

Les biographes de Chanel révèlent qu’elle méprise ces jeunes en bras de chemise, chaussés de sandales. Cependant, le groupe qui l’interroge ne sait rien de son travail clandestin ; ils ignorent tout de sa collaboration avec l’Abwehr ou de sa mission en 1941 avec Vaufreland à Madrid. En outre, ils ne connaissent pas son rôle clé dans la mission «Modelhut». D’après tous les récits, Chanel se sent plus insultée par la grossièreté et la conduite des FFI que par son arrestation.
Après quelques heures d’un interrogatoire mené par le comité d’épuration, elle revient rue Cambon. Selon sa petite-nièce, Gabrielle Palasse-Labrunie, lorsque Chanel rentre chez elle, elle explique à sa fidèle Germaine : «Churchill m’a fait libérer»

Bien qu’il n’y ait pas de preuve, Mme Labrunie et certains biographes de Chanel pensent que le Premier ministre [ami de la créatrice avant-guerre] est intervenu en personne pour la faire relâcher, par l’intermédiaire de Duff Cooper, l’ambassadeur britannique auprès du gouvernement provisoire de De Gaulle. Paul Morand écrit à ce propos que Churchill a ordonné à Cooper de «protéger Chanel».
Germaine, la femme de chambre, s’est livrée à la petite-nièce de Chanel : «Après le départ de Mademoiselle de la rue Cambon, elle a reçu un message urgent [du duc] de Westminster» par l’entremise d’une personne inconnue qui lui a dit : «Ne perdez pas une minute, [...] quittez la France».
Quelques heures plus tard, Chanel part dans sa Cadillac avec chauffeur en direction de la Suisse, et plus précisément de Lausanne. 

  • Article paru dans le numéro 805 de Marianne
  • daté du 22 septembre 2012.

 

70 ans après...


 

Mode: Chanel dans le vent

PARIS (Reuters) - Chanel a une fois encore vu grand pour présenter son prêt-à-porter de l'été prochain mardi sous la verrière du Grand Palais à Paris, où treize éoliennes brassaient l'air tandis qu'une armée de filles en jupes courtes défilaient sur un podium photovoltaïque.

"C'est surtout une histoire de vent", a déclaré Karl Lagerfeld, écartant toute idée d'inspiration puisée du côté de l'écologie. "J'ai commencé à dessiner cet été à Saint-Tropez et il faisait tellement chaud que je voulais de l'air frais."

 

Tag(s) : #Histoire
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