AJACCIO (Reuters) - L’ancien avocat d’Yvan Colonna, Antoine Sollacaro, figure du nationalisme corse, ainsi qu’un autre autonomiste de l’île ont été abattus mardi en Corse, ce qui porte à 15 le nombre d’homicides dans l’île depuis le début de l’année.
L’ex-bâtonnier du barreau d’Ajaccio a été tué mardi vers 09h00 au volant de sa voiture dans une station-service du centre d’Ajaccio où il avait l’habitude de s’arrêter pour acheter son journal.
Il a été atteint d’au moins six balles, à la tête, au thorax et à l’épaule, et neuf douilles de 11.43 ont été retrouvées sur les lieux, a déclaré le procureur d’Ajaccio, Xavier Bonhomme.
Son assassinat a provoqué une vive émotion dans l’île et sur le continent où la Conférence des bâtonniers a dénoncé "un acte inqualifiable à l’égard d’un homme qui consacrait sa vie à la Défense".
"Quand la robe de l’avocat est attaquée, c’est un des symboles de l’Etat de droit qui est mis en cause", a déclaré le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls.
"Face à une telle violence, je veux dire aux habitants de la Corse que le combat pour leur sécurité est mené avec la plus grande résolution", a-t-il ajouté dans un communiqué.
Toutes les audiences au tribunal d’Ajaccio ont été suspendues jusqu’à vendredi. Les magistrats et fonctionnaires du se réuniront mercredi sur les marches du palais pour la lecture d’une motion et d’une minute de silence.
Antoine Sollacaro, 63 ans, a été l’un des avocats d’Yvan Colonna, condamné à perpétuité pour l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998. Il s’était retiré de la défense lors du dernier procès devant la cour d’assises spéciale de Paris.
Père de deux enfants, il était considéré comme le plus brillant pénaliste de l’île après avoir obtenu quelque 70 acquittements et s’était rendu célèbre par ses envolées lyriques.
Il était également proche d’Alain Orsoni, aux côtés duquel il avait milité dans les années 1990 au sein du Mouvement pour l’autodétermination (MPA).
"L’INFRANCHISSABLE A ÉTÉ FRANCHI"
Mardi matin, il a été suivi par deux hommes à moto, un pilote et un tireur, qui a fait feu à plusieurs reprises sur l’avocat avec une arme semi-automatique de calibre 11.43 avant de l’achever de plusieurs balles dans la tête.
La scène a été filmée par la caméra de vidéo-surveillance de la station-service.
"L’infranchissable a été franchi", a déclaré le maire divers gauche d’Ajaccio, Simon Renucci, qui s’est rendu sur la scène du crime.
"Je suis atterré par ce qui vient de se passer en Corse ce matin : deux assassinats. Celui de l’avocat Antoine Sollacaro et celui de Jean-Dominique Allegrini-Simonetti, ancien militant nationaliste. La société corse va vraiment mal", a déclaré le président de l’Assemblée de Corse, Dominique Bucchini, sur Facebook.
Sauveur Gandolfi-Scheit, député UMP de Bastia, réclame une intervention forte des pouvoirs publics, "qui sont seuls capables d’apporter une réponse d’ampleur à cette dérive mortifère."
"Nous sommes en proie à une escalade meurtrière sans fin qui vient de frapper deux nouvelles familles insulaires", déclare-t-il dans un communiqué.
Le corps de Jean-Dominique Allegrini-Simonetti, avait été retrouvé un peu plus d’une heure avant celui de l’avocat, criblé de balles dans sa voiture à Aregno, un village de Haute-Corse situé à 60 km de Bastia. Cet homme de 51 ans était proche de l’ancien mouvement clandestin Armata Corsa (armée corse).
Le double assassinat de mardi intervient dans un climat de tensions agitant tant les milieux nationalistes que le banditisme insulaire.
Les autorités ont dénombré 15 assassinats et neuf tentatives depuis le mois de janvier sur l’île.
Face à la montée des tensions, les ministres de l’Intérieur et de la Justice, Manuel Valls et Christiane Taubira, qui avaient prévu de se rendre sur l’île, pourraient se rendre en Corse plus vite que prévu.
Roger Nicoli, avec Gérard Bon à Paris, édité par Yves Clarisse