CÔTE D’IVOIRE
Quand le professeur François Fillon fait son cours, à Abidjan, sur le colonialisme…
par Jean LEVY
Le Monde, des 17 et 18 juillet, nous en fournit, par son titre, la teneur :
« La France affirme ses ambitions économiques pour la Côte d’Ivoire » et de préciser ses objectifs :
« François Fillon, en visite à Abidjan, a rappelé au président Ouattara la ferme détermination à rester le premier partenaire de la Côte d’Ivoire face à la concurrence des Chinois ou des Libanais »
Pour que les choses soient claires, François Fillon, entouré d’une vingtaine de chefs d’entreprise, insiste sur le rôle de la France, au cours de la dernière crise. Le quotidien du soir s’en fait l’écho, quand il rappelle qu’ « Alassane Ouattara, doit largement à l’armée française d’avoir été rétabli dans ses droits ».
Donc, le président ivoirien doit « renvoyer l’ascenseur » et ouvrir toutes grandes les portes de son pays aux entreprises françaises.
C’est la moindre des politesses.
Ainsi, selon Le Monde, « la construction d’un barrage hydroélectrique à Soubré (ouest), attribué, sous Gbagbo, à l’entreprise chinoise Sinohydro, pourrait être confiée au français Alstom. Selon la même logique, la société pétrolière angolaise Sonangol, actionnaire de la Société ivoirienne de raffinage (SIR), pourrait en être évincé au profit de Total, en raison du soutien de Luanda à M.Gbagbo ».
On ne peut être plus franc : les affaires sont les affaires, y compris les affaires militaires.
« La France », c’est clair, ne supporte plus la concurrence, en particulier celle des Chinois. Or, ceux-ci, Gbagbo mis hors circuit, reviennent à la charge : le 25 juin dernier, le vice-ministre des Affaires étrangères de Pékin débarquait à Abidjan « porteur d’un chèque ‘non remboursable’ de 80 millions de yuans (8, 8 millions d’euros, d’une annulation de la dette ivoirienne d’un montant équivalent, ainsi que d’un don de ‘matériels urgents’ d’1,6 million d’euros », précise Le Monde.
De quoi émouvoir François Fillon et Nicolas Sarkozy, et le Premier ministre de se précipiter dare-dare à Abidjan pour rappeler à Ouattara « Qui t’a fait roi ? ».
Mais les choses ne sont pas si simples. L’argent n’a pas d’odeur. Le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire, Jean-Louis Billon, de signaler à l’auguste visiteur que « le centre de l’économie mondiale s’est déplacé en Asie », marquant ainsi la volonté des patrons de « diversifier leurs interlocuteurs » et de préciser que « Nous (les chefs d’entreprise) n’avons aucun intérêt à traiter avec les mêmes baroudeurs (les grands groupes français) qui tournent sur le continent »
Telle est la dure loi du libre échange.
Jusqu’aux « Etats-Unis, ardents défenseurs de M.Ouattara, (qui) auraient manifesté leur agacement de voir ce dernier privilégié la France pour les marchés liés à la sécurité et la défense », selon La lettre du Continent, éditée par la Chambre de Commerce.
Comme quoi, de nos jours, il ne suffit plus d’envoyer des troupes et des armes pour conquérir un marché : la concurrence est immense à la hauteur des appétits.