VOUS AVEZ DIT LA « JUSTICE » ?
par Jean LEVY
« Selon que vous serez, puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »
Ce bon Jean de la Fontaine et sa fable sont d’une brûlante actualité sous le règne du roi Nicolas.
Deux scandales politico-financiers touchent de près nos élites et le prince lui-même.
« Vous n’avez pas de preuves » rétorquent celui-ci et ses courtisans, pour faire taire la rumeur.
Affaire des frégates de Taïwan, affaire des sous-marins de Karachi, les investigations menées par des juges conduisent justement à ces preuves.
La réplique est immédiate : « SECRET DEFENSE », pas question pour les enquêteurs d’approcher. Les documents qui feraient éclater la vérité sont interdits d’examen. « Circulez, y a rien à voir ! ».
Autre affaire : celle du « suicide » de René Boulin, un ministre de Giscard, trouvé noyé dans un verre d’eau en 1979, à Saint-Léger-en-Yvelines. La famille se bat depuis plus de trois décennies pour faire éclater la vérité. Pour elle, il n’y a pas eu suicide mais assassinat. Des documents le prouveraient. Ils sont sous scellés à la chancellerie. Ou du moins, ils y étaient. Sur le point de les examiner, pfuit…disparus…envolés.
Conclusion : plus de preuves, plus de nouveau procès !
Heureusement, nous avons l’affaire Kerviel, le trader de la Société Générale, en ce moment, traduit devant les tribunaux, pour avoir fait disparaître 5 milliards d’euros des profits de la banque.
Vous pensez qu’il affronte la justice pour avoir spéculé avec l’argent d’autrui ?
Pas du tout !
Depuis plusieurs années, il faisait ce métier au plus grand bénéfice de la Société Générale : des milliards joués, mais gagnés, dans la même salle des marchés, avec les mêmes clics des ordinateurs, véritables machines à sous des casinos de la finance.
Kerviel était alors félicité, montré en exemple et largement récompensé.
Un jour, le vent a tourné. Kerviel, à l’égal des économistes distingués, n’avait pas prévu la crise des subprimes et la chute de Lehman Brothers. La bulle a crevé. Plouf !
Et voilà, pour une fois, notre trader a perdu. La banque a bu la tasse.
Elle ne l’a pas digérée. Et de désigner ce « pelé, ce galeux d’où venait tout le mal » devenu un vrai gibier de potence.
Et nous revoici plongé à nouveau dans la fable qui ouvrait cette chronique.
Telle est la justice, en France, en l’An de grâce 2010.