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Elections italiennes :
le choix d'une population
écrasée par l'austérité

 

La Lombardie. 10 millions d'habitants. 16 % du PIB de la péninsule.
Capitale : Milan. Cette région est le moteur et le poumon économique de l'Italie depuis toujours. Pourtant là aussi, la crise et la cure d'austérité imposée depuis fin 2011 ne sont pas sans conséquences.
 Les PME notamment souffrent plus que jamais.
A l'occasion d'une journée spéciale élections italiennes sur France Info, Mathilde Lemaire est allée à leur rencontre.

L'atelier de Vinci Uomo, usine de prêt-à-porter qui subit la crise © Radio France - Mathilde Lemaire

 

En Italie encore bien plus qu'en France, les entreprises sont de petites entreprises. 98 % ont moins de deux salariés. En Lombardie les PME, très familiales, ont toujours constitué l'essentiel de l'économie. Une économie en récession de 2 % l'an passé et qui va encore se contracter cette année.

"Je résiste pour ne pas licencier, mais depuis trois ans, je ne remplace plus les nombreux départs en retraite  (un patron italien)

L'exemple de la mode est parlant. Depuis un an et demi, des ateliers mettent chaque jour la clef sous la porte dans le secteur de Milan. Donato Vinci, très élégant quinquagénaire, dirige une de ces petites usines avec 22 salariés – usine de prêt-à-porter et chaussures pour homme. Il explique comment son chiffre d'affaire et son activité ont chuté en seulement quelques mois. "Mes clients sont pour l'essentiel des Italiens. Comme leur pouvoir d'achat a chuté, ils font des coupes dans leurs dépenses d'habillement. Ca se ressent, c'est dur pour moi. Je résiste pour ne pas licencier, mais depuis trois ans, je ne remplace plus les nombreux départs en retraite. Il y a cette baisse de la demande mais je dois aussi faire face aux taxes qui se sont terriblement alourdies avec le gouvernement 'technocrate' de Mario Monti", commente le patron qui ne cache pas son inquiétude pour l'avenir du secteur textile italien, pourtant si renommé depuis des décennies.

Lors des derniers grands défilés milanais à l'automne, Giorgio Armani lui-même - bien qu'à l'abri pour sa part grâce au très haut de gamme qui séduit les marchés chinois et russes - s'est ému publiquement de cette situation des PME de l'habillement.

La moitié du salaire reversé à l'Etat

D'autres secteurs comme l'ameublement ou la métallurgie souffrent également. Chez Satinox, petite entreprise qui produit depuis 35 ans des tubes en aluminium à Vigano di gaggiano, en banlieue de Milan, le patron Giorgio Richardelo confie qu'il dort très mal ces derniers mois. "Ca a commencé il y a un an  avec les clients qui n'arrivaient plus à nous payer. Ca s'est répercuté sur notre trésorerie rapidement. C'est dur d'autant qu'apparaissent des fournisseurs chinois concurrents avec des prix très bas. Nous, on a des charges sociales qui ont flambé cette année. 52 % de ce que je gagne, je dois le reverser à l'état. Et je ne vous parle pas du coût de l'électricité qui a explosé". 

Une colère noire contre les banquiers

L'autre gros problème soulevé par la quasi-totalité des responsables de PME que l'on croise en Lombardie, ce sont les banques qui ont "fermé le robinet de crédit". "C'est scandaleux", explique Giorgio Richardelo, "ces banques ne veulent plus nous prêter alors que depuis des décennies, c'est nous qui avons fait leur patrimoine. C'est injuste. Il faut que je bataille chaque jour sur chaque ligne de crédit avec mon banquier" s'énerve-t-il.

En colère ce petit patron vient d'écrire au président du conseil Mario Monti, chef du gouvernement technique aux commandes du pays depuis la fin 2011. "Je voulais lui dire en somme : oui peut-être que votre cure d'austérité avec 100 milliards d'économie a rassuré les marchés, la finance et Bruxelles, mais elle a créé des dégâts irréversibles sur le terrain, dans l'économie réelle", explique-t-il.

Un sacré "pasticcio"

L'inquiétude et l'amertume se manifestent aussi chez les chômeurs et précaires de plus en plus nombreux. Le taux de chômage dans la péninsule est passé de 7 à 11 % depuis 2009. Une expression imagée revient beaucoup dans les conversations : "On se trouve dans un sacré pasticcio ", disent beaucoup de Lombards. Cela signifie " on se trouve dans une sacrée pâte à gâteau !".

Le secteur du bâtiment a dû licencier en masse ces derniers mois. Le rythme des constructions et des restaurations d'immeuble a très sérieusement ralenti. Claudio 60 ans, géomètre licencié en décembre parle de sa "galère" depuis son licenciement il y a un an.

Pendant 12 mois, il a reçu des indemnités, mais elles se sont arrêtées net cette année et il doit attendre sept ans pour toucher sa retraite. "La politique d'austérité me fait enrager. Ils veulent faire payer aux plus pauvres la mauvaise gestion passée du pays. On devient des esclaves. Moi, le chômage m'a brisé. Je n'ai plus de rêve je passe mon temps avec mon stylo et mon carnet à compter le moindre euro pour survivre. Quand je passe devant une librairie, si un livre me plait ? Je ne peux même pas l'offrir !", témoigne Claudio. Même s'il est diplômé il explique chercher toutes sortes d'emplois dans l'espoir de trouver des ressources. "Je postule même pour des boulots d'homme de ménage, de concierge, ou pour décharger des camions. Mais on ne me prend plus en considération".

Des syndicalistes qui deviennent assistantes sociales

Ces personnes en marge du monde du travail se tourneraient bien vers Pôle emploi. Mais le gouvernement Berlusconi en 2003 a supprimé le service public de l'emploi. Il reste donc les agences d'intérim, et pour les quelques aides, ils doivent s'adresser directement au trésor public. Ce qui relève du parcours du combattant.

Du coup, ce sont les syndicats qui assurent le lien avec les chômeurs. Au bureau milanais de la CGIL - premier syndicat du pays avec six millions de membres - l'essentiel de l'activité n'est pas de préparer des manifestations, mais d'aider les chômeurs qui affluent et  prennent un ticket pour attendre leur tour.

Comme beaucoup de salariés de la CGIL, Corrado Mandreoli a quasiment une mission d'assistante sociale. "Ici dans nos bureaux, je vois défiler tous les jours des situations désespérées. Dans l'histoire du mouvement ouvrier, on a eu des périodes difficiles, mais là, c'est différent, il n'y a aucune perspective. Les relations humaines en souffrent, c'est la guerre entre tous pour le moindre job. Les cas de dépressions, de recours aux anxiolytiques et de suicides sont de plus en plus nombreux", raconte-t-il amer.

Même des postes à 700 euros mensuels échappent donc à Claudio. Si les seniors sans ressources broient du noir. Les jeunes aussi.

Chez les moins de 25 ans : il y a en Italie 37 % de chômeurs.

La CGIL, principal syndicat italien a pris le relais du service de l'emploi supprimé en 2003 © Radio France Mathilde Lemaire

A défaut de trouver des réponses pratiques avec des emplois qu'ils ne peuvent pas inventer, les responsables de la CGIL mettent en place des groupes de rencontre. Chaque jour, des précaires se réunissent pour parler de leur malaise. "Il faut impérativement rapprocher les gens dans cette adversité" conclut-il. Son téléphone se remet à sonner, Corrado reprend sa mission : répondre aux questions, répondre à l'inquiétude des plus précaires.

La colère des petits patrons, la détresse des chômeurs favoriseront-elle le centre gauche en tête des sondages ? Beaucoup sont tentés aussi de succomber aux sirènes de Beppe Grillo, le Coluche italien, comédien reconverti en politique avec son mouvement "5 étoiles", à gauche toute. Grillo remplit les places publiques et veut créer la surprise.


 

 

 

 

Tag(s) : #Europe
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