Décès du « Comandante » Juan Antonio Romero,
le journalier devenu dirigeant syndical CC.OO
et dirigeant communiste
opposant de première heure
à l'euro-communisme de Carrillo
Traduction AC http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Juan Antonio Romero avait 58 ans et fut secrétaire-général de la branche paysanne des Commissions Ouvrières (CC.OO), remplaçant Antonio Romero, député de Séville du PCA à la première législature du Parlement andalous de 1982 à 1986, il a été maire communiste de Badolatosa de 1987 à 1991, dont son frère Luis est actuellement le maire et il a été également un des fondateurs du Réseaux des municipalités pour la Troisième République.
Oraison funèbre de son frère:
Un grand communiste qui s'est trompé et a eu raison mille fois par sa volonté d'accélérer les transformations et le changement.
Le téléphone portable sonne, et mon frère Fidel, la voix nouée par l'émotion m'a apporté la nouvelle: « Juan Antonio est mort, apparemment un infarctus ». Quelques minutes plus tard, je recevais un message de Luis: « Mon frère, Juan Antonio, est mort ». Les communications téléphoniques diffusaient la douleur de l'autre côté du fil.
En cette année de centenaire de la naissance Miguel Hernandez, « si tôt... mon mal est tel que mon souffle est souffrance... »,l'élégie à la mort d'un ami, de son ami Ramon Sijé, la plus belle de la littérature espagnole, me vint à l'esprit.
Nous en avions convenu à Humilladero, tu viendrais à la présentation de mon livre de Mémoires. Cela te plut que Esperanza et moi faisions appel à toi, comptant sur ta contribution au développement de la branche paysanne des Commissions Ouvrières. On trouve aussi dans le livre une photo de nous deux lors du IXème Congrès du PCE. Nous étions très jeunes, toujours derrière nos moustaches.
Tu te rappelles que nous nous sommes connus dans les réunions avec Diamantino à Las Iglesias de la Sierra Sur? Nous militions déjà au PCE, nous étions des enfants. Ton rôle dans la lutte anti-franquiste fut remarquable. Une après-midi, nous sommes venus à Badolatosa et on nous dit que tu jouais au football, je crois que tu étais loin d'être mauvais, mais ton rêve était de lutter pour une société sans exploitation.
Tu te rappelles? On nous appelait les Romero, et avec d'autres camarades de grande valeur, nous avons organisé un puissant syndicat dans la paysannerie, plus fort et mieux structuré que celui existant sous la Deuxième république. Les premières années après la libération étaient précaires, nous dormions au siège sur des chaises et enveloppés dans le tissu des drapeaux.
Tu te rappelles quand tu as monté le courant Léniniste? Tu es allé à l'affrontement avec l'euro-communisme de Santiago Carrillo, tu as fait partie du PCPE avec Ignacio Gallego... tu t'es trompé mille fois, mais j'ai toujours fini par te pardonner, parce que tu le faisais pour accélérer la Révolution, les changements. Ta volonté révolutionnaire t'emmenait à essayer de nouvelles méthodes, de nouveaux outils organisationnels.
Tu te rappelles quand nous avons été députés au premier Parlement d'Andalousie? Les Commissions ouvrières de la paysannerie que nous dirigions depuis de nombreuses années luttèrent le 28 février, pour le pouvoir andalous, pour l'autonomie pleine et entière. Au Congrès extraordinaire de Montilla, nous avons choisi la Réforme agraire intégrale, l'unité syndicale dans la paysannerie et la construction nationale de l'Andalousie.
Tu te rappelles quand tu nous a aidé à gagner le Congrès avec Gerardo Iglesias contre Carrillo? C'était au Ciné Quevedo à Madrid. Ta contribution a été décisive.
La marche pour la Réforme Agraire a été une des luttes les plus importantes du mouvement ouvrier andalous, et tu en a pris la tête. Certains n'y croyaient pas, mais ta ténacité a fait que la marche, étape après étape, a gonflé ses rangs et a fini par attirer l'attention politique et médiatique de tout le pays.
La mairie de Badolatosa, de ton village, a été une étape dans ta vie révolutionnaire. Il était inimaginable qu'un fils d'une famille de journaliers du cœur géographique de l'Andalousie occupe des postes institutionnels aussi importants. Badolatosa n'avait jamais eu aucune personnalité de cette carrure, bien qu'elle figure dans l'histoire comme une terre de bandits. José Maria « El Tempranillo », dans son testament, blessé à mort, a laissé sa fille unique entre les mains d'une famille de Badolatosa.
Tu te rappelles que je t'ai appelé pour rejoindre la cause de la Troisième république? Nous en avions parlé avec Javier Parra et il t'a offert un espace dans laRepublica.es. Tu envoyais des articles régulièrement. Finalement, tu as appris à utiliser Internet.
Tu te rappelles des statuts, des projets de Constitutions, des normes aux assemblées locales? Pour cela, tu étais un maitre. Je souris encore quand je pense à ce barbier de Grenade où nous nous sommes rendus avant de participer à une réunion avec le gouverneur de droite (UCD) pour exiger de lui que soient accordés des fonds aux villages de Grenade mobilisés. Le barbier, qui semblait gay par ses manières, a bien confirmé notre intuition à la fin quand il affirma haut et fort: ce sont les deux moustaches les plus jolies que j'ai rasé de toute ma vie!
Tu te rappelles quand je suis allé au village de Jaen et qu'un camarade m'a dit: « la dernière fois que tu es venu, l'assemblée s'était bien passée »?
Je lui avais répondu que je n,étais jamais venu ici. Et un autre camarade s'incrusta dans la conversation:
« C'est bien ce que je te disais, l'autre était plus mat que celui-ci! »
Cher Juan Antonio, tu nous manques, mais j'ai la certitude que la cause républicaine avance en Espagne. Ta contribution a été très importante, et le capitalisme sera dépassé par un pouvoir constituant nouveau, par en-bas, pour que l'humanité survive. Tu voulais accélérer les changements, par tes désirs de justice.
Tout cela a marqué ta vie dans tous les domaines.
Jusqu'à la victoire!
Santé et République, Comandante
Antonio Romero Ruiz
ancien parlementaire andalous PCE/IU
Coordinateur du réseau des municipalités pour la IIIème République