Le 6 février 2013,
POLEX, en partenariat avec l’Ambassade de Cuba,
organisait une rencontre-débat sur le thème :
« Indépendance nationale et internationalisme en Amérique latine.
Quels enseignements pour les pays européens ? »
Cette initiative réunissait 75 personnes, dont de nombreux jeunes (17 à 35 ans). On notait que 12 nationalités, sans compter Cuba et la France, étaient représentées dans la salle Alejo Carpentier : Italie, Espagne, Venezuela, Bolivie, Canada, Arménie, Liban, Syrie, Mexique, Belgique, Equateur, Algérie.
* Orlando Réquiero Gual, Ambassadeur de Cuba, ouvrait la rencontre en présentant le bilan de la 3ème assemblée générale de la CELAC (Communauté des Etats Latino-Américains et Caraïbéens) qui réunit les 33 pays de cette zone du monde et compte 600 millions d’habitants. A l’exception des USA et du Canada, délibérément mis à l’écart dès la création de la CELAC, en Décembre 2011 à Caracas. Un acte historique de portée mondiale.
Exposé d’une très grande clarté et d’une richesse d’informations sur le sujet contrastant avec le silence assourdissant de tous les médias français sur le sujet. A l’issue des débats, de nombreux participants – notamment les plus jeunes - n’ont pu s’empêcher de dire leur désapprobation des méthodes de la presse dès qu’il est question des progrès notoires de la démocratie en Amérique latine.
* Françoise Germain-Robin, journaliste (L’Humanité), très au fait de l’épineux sujet du nationalisme et des séparatismes en Belgique, mettait en lumière les origines et les conséquences politiques de ces phénomènes dans ce pays mais aussi, par exemple, en Espagne ou en Italie.
* Dominique Dionisi, membre du Bureau du Collectif communiste POLEX, exprimait la position de celui-ci sur l’internationalisme, le patriotisme et l’indépendance nationale.
Voici l’intégralité de sa déclaration, au nom de POLEX :
Comme nous tenons à le rappeler à chaque fois que l’occasion se présente, le propos de POLEX n’est pas de prétendre à une quelconque affirmation péremptoire sur ce que doivent être les choix politiques des pays mais il est des principes fondamentaux qui sont les piliers de POLEX et que nous considérons être, en même temps, les meilleures armes contre la barbarie et la garantie de l’exercice le plus large de la démocratie et du droit des peuples et des pays à disposer, eux-mêmes, de leurs avenirs respectifs.
Ces principes fondamentaux sont :
* La lutte contre tous les impérialismes, d’où qu’ils viennent et quelles que soient leurs motivations.
* Le respect de l’expression patriotique, à ne pas confondre avec le nationalisme étroit dont, malheureusement, différentes formes ont abouti au fascisme, au nazisme. Nous verrons que si le second n’est plus à la tête ne serait-ce que d’un seul état dans le monde, il n’en est pas de même pour le fascisme. Ou plus exactement les différentes formes de ce dernier.
* L’internationalisme dont la solidarité internationale entre tous les peuples est l’une des applications les plus perceptibles.
* Et comme nous le disons dans le nom même de notre collectif, Collectif communiste POLEX, nous affirmons clairement et sans ambiguïté que pour atteindre cette forme de société, le combat pour toujours plus de progrès économique, social et culturel ne peut se mener et aboutir sans avoir comme objectif le renversement du système capitaliste qui, lui, ne connaît qu’un internationalisme, celui de la finance concentrée entre les mains de toujours moins de décideurs.
0,0001% de la population mondiale possède près de 33% des richesses mondiales.
Etre anti-impérialiste est le comportement le plus digne que puissent avoir un humain, un groupe ou une nation à l’égard de leurs alter ego.
En effet, comment peut-on affirmer qu’on respecte le droit d’un peuple à vivre sur ses terres et selon le mode d’organisation dont il s’est doté quand on use contre lui d’armes de destruction massive aussi diverses que le « gaz moutarde », des pangermanistes mise au point par les laboratoires BAYER avant la 1ère guerre mondiale, « l’agent orange » et le napalm étasuniens contre les populations vietnamiennes, les chambres à gaz des nazis contre les populations de religion juive ou, encore et tout autant criminel, le blocus imposé par les USA contre le peuple cubain, ou Israël contre le peuple palestinien ?!
Je rappelle que les USA et Israël agissent dans le plus grand mépris des condamnations officielles de l’ONU.
L’impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme sont bien aux antipodes du combat pour la démocratie quand des chefs d’états et de gouvernements occidentaux, choisissent à la place d’un peuple qui sera le président, même par intérim, de tel ou tel autre pays.
Tout cela sous couvert du discours « droitdelhommiste ».
Un exemple tout récent concerne directement la France :
Comment peut-on se dire soucieux du bonheur d’un peuple, même géographiquement éloigné, quand dans un pays on arme et finance des groupes fascistes cachés derrière l’argument religieux et dans un autre on combat ces mêmes groupes ?
Être patriote, cela voudrait-il dire que les antifascistes italiens, tués par les « chemises noires » de Mussolini ou les républicains espagnols opposés jusqu’à la mort aux troupes de Franco (le comparse du précédent et d’Hitler) ou les résistants grecs qui payèrent un très lourd tribut à la lutte contre le nazisme, auraient été des êtres à l’esprit fermé, aux idées les plus réactionnaires, les plus réfractaires au progrès social ?
Absolument pas ! Ils en étaient le contraire.
Et que dire des Résistants en France dont le programme du CNR fait toujours trembler d’effroi le MEDEF!!
Le patriotisme est l’expression la plus claire de l’amour qu’on porte à la terre qu’on a sous les pieds parce qu’on y vit et qu’on y travaille. Les portraits de la fameuse « Affiche rouge » sont ceux de polonais, de hongrois, d’italiens, d’un arménien, d’un espagnol. Ils appartenaient à ce qu’on a appelé la « M.O.I », la Main d’Oeuvre Immigrée.
Tous vivaient et travaillaient en France.
Il ne faut pas oublier que le nationalisme est très souvent imprégné d’idées rétrogrades et toujours dirigées contre l’autre.
L’autre, c’est LE responsable de tous nos malheurs alors que le système économique dominant en est la source. C’est alors qu’apparaissent les tentations de séparatisme et le discours nationaliste.
Surtout quand on ne veut pas regarder plus loin que le bout de son nez.
Ou qu’on vous en empêche en censurant l’information.
Au sujet de la censure de l’information, je voudrais ouvrir une parenthèse et saluer, ici, le syndicat SNJ-CGT des journalistes. Il a été amené, récemment, et à ma connaissance il est le seul syndicat de la profession à l’avoir fait, à dénoncer la façon déshonorante, honteuse mais pas du tout innocente à laquelle les médias nationaux se sont pliés dans le traitement de l’information concernant l’intervention militaire française au Mali.
Il y a quelques jours, Françoise GERMAIN-ROBIN me disait :
« On en sait bien plus sur le sujet en écoutant les radios et télés belges !! ».
Je referme la parenthèse.
Dès qu’on élève un peu son regard et sa pensée on est déjà plus proche de celui qui est de l’autre côté du fleuve ou de la montagne mais aussi parfois à des milliers de kilomètres.
Et, ce n’est pas un hasard si, en Europe, les mouvements séparatistes se retrouvent toujours aux côtés de racistes et de xénophobes qui prônent toujours l’exclusion. Des séparatismes dont le ressort est presque toujours l’égoïsme régional et le refus de la solidarité nationale.
C’est bien quand on va vers l’étranger ou quand on le reçoit que naît la prise de conscience de la dimension internationale de l’existence humaine. L’internationalisme ne peut se penser sans la solidarité internationale qui lui donne sa taille humaniste.
C’est ce que des gouvernements progressistes latino-américains soutenus par la grande majorité de leurs compatriotes ont assimilé et mis en pratique malgré leurs situations internes plus que difficiles. Je veux parler de Cuba, du Venezuela, entre autres, mais on pourrait aussi évoquer le Brésil, l’Equateur ou la Bolivie.
Pourquoi ces pays, aux superficies très différentes comme, par exemple, le Brésil et l’Equateur ont-ils été capables, malgré leurs différences de niveau de développement, malgré leurs langues différentes, malgré les choix politiques différents de leurs populations respectives, de se retrouver dans une même assemblée, la CELAC ?
C’est de la rencontre et de l’échange pacifiques, non colonialistes et non impérialistes des différences que naît l’enrichissement de tous.
Quelques exemples de solidarité internationale, expression la plus visible de l’internationalisme, au service des humains et non pas de celui des intérêts financiers d’un petit nombre:
* Des centaines de médecins cubains interviennent depuis des années en Haïti et bien avant qu’un tremblement de terre, des cyclones et des pluies diluviennes aient quasiment détruit cette île.
* Des associations qui organisent le convoyage de bateaux remplis de médicaments, de vêtements et de vivres pour le peuple palestinien en faisant fi des canons israéliens.
* Des centaines de milliers de femmes et d’hommes qui, de par le monde, signent des pétitions et manifestent pour la libération, aussi bien, de Nelson Mandela, de Mumia Abu-Jamal, le journaliste afro-étasunien, des 5 Cubains que nous appelons familièrement « Les Cinq de Miami », des palestiniens emprisonnés dans les geôles israéliennes ou, en remontant dans le temps, je peux aussi citer Sacco et Vanzetti, Ethel et Julius Rosenberg.
* Plus avant encore, la lettre que Victor Hugo adressait à José Marti dans laquelle il apportait son soutien aux femmes cubaines.
Sans oublier, bien sûr, les emblématiques Brigades internationales composées d’hommes venus de bien des points du globe, entre 1936 et 1939, pour combattre le fascisme et parfois mourir loin de chez eux.
Aujourd’hui en Europe, cette Europe supranationale dont les vrais dirigeants, les « fameux » Commissaires européens, qui ne sont pas élus par le peuple mais qui, servilement, obéissent aux ordres des lobbyings financiers et industriels internationaux, mènent droit dans le mur toutes les économies nationales, Portugal, Italie, Grèce, Espagne, et maintenant la France, la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Irlande leur emboîtent le pas.
Là, pas question d’internationalisme !!
Ou, plutôt, si, mais celui de l’argent, des banques, des fonds de placements tous plus « toxiques » les uns que les autres.
Cette dictature de l’argent, du profit, qui étouffe les populations, qui désindustrialise à tout va (en 10 ans, la France a perdu 700 000 emplois dans le secteur métallurgie et sidérurgie) et qui voit chaque jour, oui je dis bien chaque jour, deux agriculteurs français mettre fin à leurs jours et, ce, depuis des années, cette dictature de « l’internationale de la finance » sait très bien que le plus grand obstacle à la poursuite de son entreprise est le droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes.
C’est pourquoi cette dictature financiariste veut effacer les états-nations de la carte européenne.
Paradoxalement, l’Amérique latine dont chacun des pays a souvent connu une évolution différente - les histoires respectives du Mexique, de l’Argentine ou de l’Uruguay en attestent - et depuis un an, maintenant, ce sont tous les pays latino-américains et caraïbéens qui, dans le respect de leurs histoires, de leurs monnaies respectives et de leurs choix politiques, se sont engagés, au-delà de toute considération d’ordre idéologique dans la construction de la CELAC.
Les gouvernements chiliens et cubains n’ont pourtant pas beaucoup de points communs mais c’est ensemble et avec tous les autres états qu’ils ont décidé de tenir les USA et le Canada (donc la Grande Bretagne) hors de la CELAC.
Ce constat me ramène, pour conclure, à la question posée dans le titre de cette rencontre-débat :
Quels enseignements pour les pays européens ?
Nous sommes là pour en débattre amicalement et dans le respect des uns et des autres.
Je vous remercie.