
Un moment historique… en tout cas peu ordinaire, hier, à la bourse du travail.
Les Ardennes en première ligne dans la mobilisation contre la réforme des retraites : hier, l'assemblée générale intersyndicale et interprofessionnelle a voté « la grève reconductible tous secteurs (privé et public) à compter de lundi »…
C'est l'un des tout premiers départements en France à prendre cette initiative. Sur le balcon qui surplombe la cour de la bourse du travail de Charleville, sur les coups de 17 heures, les dirigeants de la CGT, de la CFDT, de FO, de la FSU, de l'UNSA et de Solidaires avaient quelque mal à masquer leur émotion.
Un pas important a donc été franchi au terme d'une journée où les cheminots, les communaux et les agents EDF avaient une nouvelle fois été les plus « visibles », avec, outre des blocages et des feux de palettes bienvenus pour se réchauffer, et un déjeuner en commun, une intervention impromptue lors de l'installation de l'antenne ardennaise de la Halde (lire par ailleurs) et moult distributions de tracts.
Mais chacun attendait donc le point d'orgue, à savoir l'AG de 16 h 30 à la bourse du travail.
Dans la cour, tandis que les drapeaux flottaient au vent, les visages étaient ou graves, ou jubilatoires : comme si les délégués et élus représentant les personnels des principaux services publics et entreprises privées du département avaient confusément conscience de vivre un moment historique. En tout cas peu ordinaire, loin s'en faut.
Un défi dans les PME…
« Il faut que toutes les Ardennes soient impactées à partir de lundi » a lancé le premier Patrick Lattuada (CGT). Et d'annoncer déjà :
« Demain, à l'issue de la manifestation, on ira voir le préfet : on dira à Jean-François Savy qui représente l'Etat et le gouvernement que si on n'a pas de raffineries dans le département, cela ne nous empêchera pas de le bloquer. »
Voilà qui avait le mérite d'être clair. Sylvie Cochard (CFDT) annonçait ensuite que les routiers avaient rejoint le mouvement. Daniel Blondeau (FO) y allait lui aussi de son appel avant que Pascal Louis (UNSA) ne franchisse le pas à son tour :
« Jusqu'à présent, nous étions encore partisans de la négociation. Mais face au mépris du gouvernement, au moins ici, nous demandons également le retrait pur et simple de ce projet de loi néfaste. »
Didier Janin (FSU) et Nordine Kadri (Solidaires) se disant sur la même ligne, et partisans de la grève.
Le micro circulait ensuite dans l'assemblée. Les cheminots disaient leur satisfaction de voir « de nouveaux wagons annoncer qu'ils allaient accrocher la loco », puis différents secteurs annonçaient leur ralliement.
Des assemblées intersyndicales qui auront vocation à relayer l'appel au débrayage sont donc prévues d'ores et déjà lundi à l'hôpital du chef-lieu (10 heures), et dans des entreprises privées (comme PSA Charleville, Tarkett Sedan et Faurecia Mouzon). « Dans les PME, les choses seront sans doute plus difficiles. Mais on va tenter le coup. Au moins lancer les discussions », glissait à voix basse un métallo de la Vallée.
Par ailleurs, les enseignants sont appelés à débrayer dès lundi, alors que la sécurité sociale se mettra en grève mardi. Côté transports routiers, le représentant de la CFDT a indiqué que des blocages seraient initiés.
Au moment du vote, c'était l'unanimité qui sanctionnait les débats. Un tract intersyndical devant être édité dans la foulée pour appeler à des assemblées et à la grève dans tous les services et entreprises dès lundi.
Programme chargé
S'il faudra attendre lundi, donc, pour mesurer le degré de mobilisation en terme de débrayages, le calendrier est désormais particulièrement chargé.
SAMEDI : la manifestation départementale à Charleville avec rassemblement à 10 heures place Ducale puis défilé jusqu'à la préfecture.
LUNDI 18 OCTOBRE, 16 heures : assemblée générale interpro et intersyndicale « pour faire le bilan de la première journée et voter la reconduction ».
MARDI 19 OCTOBRE, 12 h 30 : manifestation départementale à Charleville. Rendez-vous au Pont des Deux Villes puis départ du cortège à 14 heures. Trajet : avenue De Gaulle, voie rapide (sens Charleville-Sedan), sortie à Manchester, avenue Saint-Julien, rue Monge, préfecture.
« Cette fois, les dés sont jetés. Sans jeu de mots, c'est un peu la lutte finale. On va maintenant mesurer réellement la volonté de l'ensemble des salariés et fonctionnaires. Le mouvement était et demeure populaire. Et massif au moment des défilés. Ça n'a pas suffi. Alors la grève, à présent, est nécessaire. Pour durcir le ton. Mais on sait que c'est un pas qui n'est pas évident à franchir pour tous… » commentait en quittant la bourse du travail un militant.
On ne saurait mieux résumer l'enjeu des jours qui viennent.
Philippe MELLET