nous adresse un article écrit
par
Antoine Lerougetel
"canempechepasnicolas"
le publie ci-dessous
avec les observations que ce texte a suscitées.
"Dans un article du Monde daté du 9 décembre, le président Nicolas Sarkozy a donné libre cours à un nationalisme extrême et, à peine caché, son appel islamophobe aux forces les plus réactionnaires de la société française.
L'objectif de cet article est de gagner une base sociale afin d'imposer un régime autoritaire pour faire payer à la classe ouvrière la crise économique et la vaste dette publique contractée par le renflouement des banques. Il cherche aussi à créer un climat idéologique propice pour justifier la politique étrangère impérialiste de la France, à savoir l'intervention militaire impopulaire en Afghanistan dans la ruée sur les ressources stratégiques du monde, notamment le pétrole et le gaz, des puissances impérialistes rivales.
Cet article défend avec vigueur le récent référendum suisse en faveur d'une loi rendant illégale la construction de minarets. Sakorzy affirme que ceux qui attaquent le référendum suisse attaquent en fait « le peuple suisse » et qui plus est font preuve de « mépris pour le peuple » et « une méfiance viscérale pour tout ce qui vient du peuple. » Il nie que ce vote ait quelque effet que ce soit sur « la liberté de culte ou la liberté de conscience. »
Le soutien public de Sarkozy pour le référendum suisse le place à la tête d'un mouvement à droite prononcé de la politique européenne. En effet, Sarkozy se positionne à la droite des partis politiques au pouvoir en Suisse qui se sont opposés au vote pour l'interdiction des minarets, même si c'est uniquement par crainte de répercussions négatives sur les banques, le commerce et les intérêts touristiques du pays.
Cette loi est remise en cause par les associations musulmanes à la Cour européenne des droits de l'Homme comme étant incompatible avec la Convention européenne des droits de l'Homme. Elles font remarquer qu'elle est discriminatoire car exclusivement dirigée contre la religion musulmane.
L'article de Sarkozy fait partie de la campagne sur l'identité nationale, dont le fer de lance est son ministre de l'immigration et de l'identité nationale Eric Besson, toujours plus fanatique et ancien transfuge du Parti socialiste dont il était le porte-parole sur les questions économiques. C'est une surenchère du racisme d'Etat et de l'islamophobie qui s'était exprimée en 2004 par la loi interdisant aux jeunes filles le port du voile islamique dans les établissements scolaires et la mission parlementaire préparant une loi sur l'interdiction de la burqa dans les lieux publics. La mission sur la burqa est conduite par le député du Parti communiste André Gerin et est composée de représentants de tous les partis parlementaires dont le Parti socialiste et les Verts.
Mercredi, Besson a ordonné le rapatriement forcé vers Kaboul de neuf Afghans dont la sécurité est sérieusement mise en doute. Ce rapatriement s'est fait par charter affrété conjointement avec le gouvernement britannique et contre la volonté expresse du gouvernement afghan.
Ce qui est le plus notoire dans le populisme de droite de Sarkozy est son refus total de reconnaître les divisions de classes au sein du « peuple » et son utilisation exclusive de la religion pour définir les catégories sociales: « Chrétien, juif ou musulman, homme de foi, quelle que soit sa foi, croyant, quelle que soit sa croyance... »
Affirmant « la civilisation chrétienne » fondamentale de la France et les « valeurs de la République » Sarkozy prévient les nouveaux arrivants et particulièrement les musulmans que toute atteinte de leur part à ces « valeurs... condamnerait à l'échec l'instauration si nécessaire d'un islam de France. »
S'adressant à « mes compatriotes musulmans, » il dit à tout futur immigré qu'il ou elle devra « se garder de toute ostentation et de toute provocation et, conscient de la chance qu'il a de vivre sur une terre de liberté, doit pratiquer son culte avec l'humble discrétion. »
Qualifiant de façon diffamatoire tous les immigrés d'anti-sociaux, Sarkozy exige un asservissement complet à l'Etat bourgeois en déclarant, « L'identité nationale c'est l'antidote au tribalisme et au communautarisme. »
Les commentateurs politiques et des médias sont loin de la vérité lorsqu'ils assument que la campagne d'identité nationale n'est qu'une combine pour retenir le soutien de l'électorat d'extrême-droite du Front national (FN) de Jean-Marie Le Pen lors des élections régionales de mars 2010. Au contraire, Sarkozy reconnaît que c'est la fin du mécanisme politique de maintien du régime capitaliste en France, depuis la Libération en 1944, par alternance de gouvernements de « gauche » et régimes gaullistes et d'autres partis conservateurs, sur la base de la soumission politique de la classe ouvrière par les syndicats. Le tournant décisif s'était produit en 2002 quand le candidat du Parti socialiste à l'élection présidentielle, Lionel Jospin avait été relégué par Le Pen à la troisième place et éliminé du second tour de l'élection contre le gaulliste Jacques Chirac.
Depuis sa prise de fonction en mai 2007, Sarkozy s'en remet aux syndicats, au moyen de grèves d'une journée, bien espacées, pour désamorcer la situation et isoler les travailleurs en lutte, pour lui permettre de mettre en place une série d'attaques contre les conditions de travail, les droits sociaux (notamment les retraites) et les services sociaux, notamment la santé et l'éducation.(...)
Il y a des signes qui montrent que l'adoption ouverte par Sarkozy de larges pans du programme et de l'idéologie du Front national au lieu d'attirer les voix de l'extrême-droite, renforce en fait les néofascistes. On voit à la télévision la fille de Le Pen et probablement son successeur, Marine Le Pen, distribuer sur les marchés des tracts intitulés « Identité nationale ». Les sondages donnent 10 pour cent des voix aux Front national aux élections régionales, ce qui pourrait être très préjudiciable dans ce scrutin pour l'UMP (Union pour un mouvement populaire) au pouvoir. La cote de popularité de Sarkozy est à présent tombée au-dessous de 40 pour cent.
Le rejet par les travailleurs de la politique pro capitaliste corrompue des partis bourgeois de gauche ainsi que de l'UMP a presque conduit à une victoire du FN à l'élection partielle de Hénin-Beaumont cette année. Une coalition de partis allant du Nouveau Parti anticapitaliste, à l'UMP en passant par le PS, PCF et les Verts soutenait la liste indépendante de « gauche », qui a tout juste réussi à remporter l'élection devant le FN.
Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille a provoqué un esclandre quand elle a déclaré qu'elle « attendait [d'un] jeune musulman… qu'il aime la France, quand il vit dans ce pays... qu'il trouve un travail... qu'il ne parle pas le verlan... et qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers. »
Les remarques de Morano seront perçues par les jeunes Français de toutes origines comme une insulte et dans un pays où près d'un quart de la population a au moins un grand-parent immigré la carte raciste peut se retourner contre celui qui l'utilise. Le ressentiment provoqué par un tel langage touche bien plus de gens que ceux qui vivent dans les quartiers.
Plus crûment encore, Médiapart rapporte que lors d'une réunion sur l'identité nationale organisée le 1er décembre par le préfet de la Meuse, le maire UMP de Gussainville André Valentin a déclarer : « On va se faire bouffer (...) Il y en a déjà dix millions (...), dix millions qu'on paie à rien foutre. »
Lorsque le député UMP de la Meuse Bertrand Plancher a exigé que Valentin soit suspendu de l'UMP, Besson a pris la défense de ce dernier disant que c'était juste « expression malheureuse. »
De plus en plus, des couches de l'élite politique s'inquiètent de ce que la campagne sur l'identité nationale lancée par Sarkozy et Besson échappe à tout contrôle. L'AFP (Agence France Presse) cite un député UMP Jean-Pierre Grand, sympathisant du rival de Sarkozy, Dominique de Villepin, qualifie la campagne sur l'identité nationale de « merveilleux appel d'air pour le Front national. Je le regrette profondément. »
D'anciens premiers ministres UMP ; Villepin, Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé ont publiquement exprimé leurs objections envers l'article de Sarkozy et la campagne sur l'identité nationale.
L'opposition du Parti socialiste à la campagne de Sarkozy sur l'identité nationale se fonde sur la défense de la cohésion sociale, c'est à dire, sur l'hostilité à toute lutte de la classe ouvrière par-delà les frontières nationales et ethniques.
Leur soutien, et celui de leurs alliés de la gauche plurielle, à l'interdiction du port du voile islamique dans les établissements scolaires et à la mission anti-burqa, ainsi qu'à la politique d'immigration restrictive et leur soutien aux aventures militaires impérialistes en Afghanistan et ailleurs sont une partie intégrante des raisons pour lesquelles Sarkozy peut se tourner ouvertement vers le racisme.
Ceci est aussi le cas avec la collaboration des syndicats, et surtout le soutien de la CGT pour l'industrie nationale au détriment des travailleurs étrangers.
Les travailleurs et les jeunes doivent combattre toute expression de nationalisme afin de défendre leurs intérêts de classe indépendants pour une solution socialiste à la crise en France, en Europe et internationalement.
Les observations de "canempechepasnicolas":
L'essentiel de notre combat doit-il se focaliser sur la personne même de Sarkozy ?
Certes, l'homme est dangereux, et porteur des idées marquées par l'idéologie d'extrême-droite.
Son autoritarisme menace nos libertés. Mais le choix du personnage par ses "donneurs d'ordre", n'exprime-t-il pas la volonté de ceux-ci de disposer, à la tête de l'Etat, d'un "chef" capable de "mater" toute révolte populaire, jugée inéluctable, compte-tenu de la politique de contre-révolution sociale, accentuée depuis 2007 ?
Mais cette politique conduit certaines couches sociales, d'habitude peu enclines à la contestation, à s'élever publiquement contre les mesures qui, les frappent.
La base sociale du pouvoir s'en réduit d'autant. Aussi, conscients du danger créé par cette situation, des secteurs du capital s'inquiètent.
Ceux-ci trouvent des relais dans la majorité.
Des hommes comme Juppé, Raffarin, Dominique de Villepin et, aussi, des sous-fifres, prennent du champ, inquiets qu'ils sont de leur propre avenir personnel.
Il faut prendre en compte cette nouvelle donne, sans se faire d'illusions sur la nature de leur opposition. On se souvient de la politique suivie, en leur temps, par ces politiciens de droite : le CPE en est un exemple. Et puis, le PDG de la RATP, qui, aujourd'hui, vient de briser la grève des conducteurs du RER A, était, à l'époque, le directeur de cabinet de de Villepin...
Mais un autre danger nous guette : "l'alternance", option qui taraude "l'opposition".
Le Parti socialiste et ses différents leaders (fussent-ils réputés de la "gauche" du Parti), ont l'oeil vissé sur 2012 et la prochaine élection présidentielle.
Face au mécontentement croissant de la population, victime de la politique menée par Nicolas Sarkozy, le PS voudrait réduire les scrutins à venir à des référendums "Pour ou contre Sarkozy", en dénonçant davantage les attitudes et le comportement, que sa politique.
C'est déjà l'objectif donné aux élections régionales de mars 2010.
Cette stratégie permet aux socialistes d'éviter d'évoquer tout programme concret de reconquête sociale.
Pas un dirigeant du PS n'envisage de remettre en cause, en cas de victoire, les principales "réformes", votées par l'UMP.
Rien d'étonnant à cela.
Lors de son retour aux Affaires, en 1997, la "gauche plurielle"avec Lionel Jospin et les ministres communistes, n'ont annulé aucune des mesures prises par la majorité de droite précédente.
Au contraire, les ministres socialistes (et communistes), ont ouvert de nouveaux chantiers de privatisation, que la droite, revenue au pouvoir, n'a fait que poursuivre et accentuer.
La raison en est la fidélité de la social-démocratie aux orientations fondamentales de l'Union européenne.
C'est cette communion d'idées entre la droite et la fausse "gauche" sur l'Europe, en clair la loi du marché et la libre concurrence, qui détermine leurs options communes, mises en oeuvre, une fois de retour au gouvernement.
Ce qui nous attend, en cas d'alternance, c'est l'option grecque de Papandréou : la "rigueur", baptisée "pacte social".
Tel est le danger de focaliser essentiellement le débat uniquement sur la personne de Sarkozy.