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Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud contestent la règle confiant le FMI

aux Européens.

par CHRISTIAN LOSSON

Jacquerie diplomatique inédite au FMI. Cinq grands pays émergents fustigent sa captation européenne. Les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) demandent l’abandon de «la convention non écrite et obsolète» qui prévoit depuis 1945 «que le dirigeant du FMI soit forcément européen Et le patron de la Banque mondiale, américain. Unité de façade ? Pas sûr que les Brics (1) parviennent à s’entendre sur un candidat d’ici le 10 juin, date limite de dépôt des candidatures.

Mais la sortie traduit une irritation croissante. Les pays riches ne sont plus le centre de gravité des rapports de forces politique et économique planétaires, mais ils veulent toujours être au centre de la photo.

Les Brics se veulent donc une «réponse à un monde où l’ordre international est inégal et injuste», lançait, en 2010, le président brésilien Lula.

 

Cash.

 

Le début des années 2000 a accéléré la montée en puissance de la Chine (industrie), de l’Inde (services) et du Brésil (agriculture). La crise financière va leur donner un surcroît de légitimité. Lorsqu’elle éclate, les émergents ont déjà remboursé leurs dettes au FMI et parlent de créer leurs propres fonds régionaux. Elle tient aujourd’hui du lointain souvenir quand elle plombe toujours les pays riches. «Dans la plupart des pays en développement, le PIB a retrouvé le niveau auquel il aurait été si le cycle boom and bust[surchauffe et récession, ndlr] ne s’était pas produit»,note ainsi la Banque mondiale (2).

Et ils ne se privent pas de tirer sur le capitalisme casino à l’occidentale. «Il faut considérer avec la plus grande prudence des solutions clés en main prescrites par le monde développé», déclarait l’an dernier l’ex-président sud-africain Kgalema Motlanthe.

 

Les Indiens sont plus cash :

«Ceux qui nous ont enseigné les meilleures recettes financières ont été incapables de sauver leur propre système financier», s’amuse le ministre du Commerce, Kamal Nath.

 

La sortie des Brics s’illustre dans les batailles en cours dans les enceintes internationales. Au FMI, déjà, où la modification des quotes-parts tient du cosmétique. A l’OMC, où le cycle de Doha sur la libéralisation est au point mort. Aux sommets sur le climat, où les négociations patinent. A l’ONU, où la réforme du Conseil de sécurité fait du surplace.

Contre le G8, qui s’autodétruit de facto en adoubant la création du G20.

Même si l’aristocratie du Vieux Monde tient à limiter l’influence des nouveaux riches.

 

Realpolitik.

 

Les cinq grands émergents l’ont compris, ils ont désormais leur propre sommet: le troisième s’est tenu en avril en Chine.

En 2010, ils pesaient 18% de la richesse mondiale, 30% de la superficie planétaire, 42% de sa population.

S’ils ne sont que la face émergée et contradictoire des pays du Sud, ce «Club des 5» sait que le temps joue pour lui.

 

Entre 2011 et 2025, les économies du Sud vont croître en moyenne de 4,7% par an, contre 2,3% dans les pays du Nord. En 2025, six pays émergents assureront plus de la moitié de la croissance globale, selon la Banque mondiale (3).

 

Pour autant, un directeur issu du Sud imprimera-t-il des changements radicaux à la tête du FMI ?

L’institution peut-elle être réformée ?

Vaut-il mieux un «socialiste» d’un pays riche ou un libéral d’un pays en développement, ou cela n’y changerait rien?

Peut-on croire à un processus de désignation «ouvert et transparent», comme promis par le G8 ? Realpolitik ne rime pas avec démocratie : l’Europe et les Etats-Unis détiennent au Fonds la majorité des voix. Mais leur chœur sur la nécessité d’un nouvel ordre mondial sonne creux.

 

(1) Terme inventé en 2001 par Jim O’Neill, président de Goldman Sachs.

(2) Global Economic Prospects.

(3) Global Development Horizons

Tag(s) : #Contre l'impérialisme
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