Les bulletins de vote ne pèsent pas tous le même poids
par Jean LEVY
Les diverses élections qui ont lieu dans le monde, ont chacune une couverture médiatique différente. Les commentaires varient selon le pays où a lieu le scrutin.
Chacun se souvient de la campagne frénétique menée à l’encontre des dirigeants iraniens après le dernier vote présidentiel. A l’unisson de l’opposition interne, de cœur avec les violentes manifestations hostiles au régime, télés, radios et journaux ont, en France, dénoncé le président Ahmadinejad, comme l’auteur des « fraudes massives » et le responsable de la répression policière de l’opposition.
Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, les mêmes médias pointent un doigt vengeur en direction du président Laurent Gbagbo, qui refuserait d’officialiser la victoire de Alassane Ouattara, son adversaire, et, par ailleurs, ancien dirigeant du FMI….
Ce qui est une référence en matière de colonialisme !
Le Monde titre sur toute une page : « Côte d’Ivoire : contestation des premiers résultats » par les partisans du président en exercice, dont sont rappelées « les menées antifrançaises ». Face au président sortant, qui s'accroche au pouvoir, l'ONU, en fait les Etats-Unis, l'Union européenne et la France en première ligne, fronce les sourcils et menace du bâton la Côte d'Ivoire, en évoquant des sanctions...
Rien de pareil au sujet des élections égyptiennes, dont le premier tour s’est déroulé dimanche dernier. La différence est que le président, Hosni Moubarak, se situe lui, dans le camp occidental.
C’est donc « avec retenue » que Le Monde traite de ce scrutin. Il titre, dans son édition datée du 2 décembre :
« En Egypte, les Frères musulmans en passe d’être éliminés du Parlement ». Le quotidien ne précise pas « par qui » : les électeurs ou le pouvoir ?
Le sous-titre indique seulement que le parti du Président « a raflé 95% des sièges » (209 sièges sur les 221 attribués au premier tour). Il faut chausser ses lunettes pour lire que l’opposition – les Frères musulmans comme les partis laïcs, « le Wafd, libéral et le Tagammou d’obédience marxiste » – dénonce les fraudes massives et la répression (« Plus de 1000 Frères sont encore sous les verrous, selon la Confrérie »).
Le Monde relate donc « objectivement » les opinions des uns et des autres. Point de stigmatisation du pouvoir, pas la moindre protestation, face au scrutin truqué.
Le Caire n’est pas Téhéran.
Car, selon WikiLeaks précise le journal, « le président égyptien, Hosni Moubarak, avait par ailleurs mis en garde les Etats-Unis contre le danger que représente, selon lui, cette opposition islamiste ‘soutenue par l’Iran’ ».
Argument décisif, qui situe bien quel est « l’ennemi » bien plus détestable que la fraude.
Les colères du Monde (et de l’ensemble des grands médias) sont sélectives et les appréciations sur la qualité démocratique de telle ou telle élection dépendent du camp où se situe le pays organisateur du scrutin.
Ainsi, le fait que le vote des parlementaires du Congrès américains soit acheté, presque officiellement, par les entreprises de lobby (1), n’offusque pas nos faiseurs d’opinion.
Pour ceux-ci, les Etats-Unis restent la première « démocratie du monde » et pour Nicolas Sarkozy, notre modèle adoré.
Telle est la morale du « camp occidental ».
(1) Lire sur notre blog de ce jour :
Comment les lobbyistes achètent le Congrès des Etats-Unis
http://canempechepasnicolas.over-blog.com/article-comment-les-lobbyistes-achetent-le-congres-des-etats-unis-62193612.html