Le graphique précédent est double. La partie supérieure représente l’évolution du revenu moyen du Top 0,01 %, exprimé cette fois en multiple du revenu du Bottom 90 %. Par exemple, en 1975, cette tranche gagnait en moyenne 120 fois le revenu de la très vaste majorité de la population, mais 1 100 fois en 2007 (dont 600 fois si on retranche les plus-values).
La partie inférieure représente l’évolution du taux marginal de l’impôt sur le revenu américain – on peut en effet s’attendre à un impact fiscal sur la richesse du Top 0,01. On constate avec surprise que le taux marginal a atteint le record de 94 % durant la guerre, mais qu’il s’est maintenu à plus de 90 % entre 1950 et 1965, en pleine expansion économique. Le trait fin représente le seuil de la tranche marginale, indispensable pour percevoir l’impact du taux (si le taux de 90 % ne s’applique qu’à 3 personnes dans le pays, il sera forcément peu efficace).
Lorsque Franklin Roosevelt triple le taux marginal lors de son accession au pouvoir, la tranche marginale est multipliée par 10 et commence à 1 million de dollars, puis plus tard 5 millions, ce qui correspondant à des sommes d’environ 200 et 800 millions de dollars constants 2008 : la tranche reste très limitée, et plutôt symbolique, mais tout le barème ayant été revu et augmenté, la mesure reste très efficace. L’arrivée de la guerre va faire baisser fortement la tranche, jusqu’à 10 millions de dollars constants 2008 lorsque le taux sera de 90 %. Le barème est forcément très efficace pour empêcher la hausse des inégalités.
C’est ensuite la baisse tendancielle des taux et de la tranche, jusqu’au maigre taux actuel de 35 % à partir de 350 k$ de revenus.
Bien entendu, la grande compression des inégalités des Trente Glorieuses n’est pas due qu’au barème fiscal, mais on constate qu’il y a joué une part importante – la symétrie des deux courbes étant frappante. Le taux marginal est finalement un bon indicateur de la réglementation du marché du travail et du niveau d’acceptabilité sociale des inégalités et des très hauts salaires.
Le premier graphique ci-dessus représente la structure des revenus du Top 0,1 %, entre ceux issus du travail (salaires), ceux issus du capital (dividendes, coupons, rentes, …) et les revenus mixtes (revenus non salariaux, commerciaux, professions libérales, …). Le second analyse l’évolution de la seule part issue du Capital pour le top 0,5 %.
On constate que la chute de la part des revenus de ce groupe est pratiquement entièrement due à la chute des revenus du capital, et en particulier de la part des dividendes. Pour le Top 0,5 %, ceux-ci ainsi passés de 40 % du revenu dans les années 1920, à 25 % dans les années 1950 et 1960, et à moins de 10 % dans les années 1990.
On observe également que la hausse récente s’est faite sous forme de revenus salariaux. Ainsi, dans les années 20, les plus riches américains étaient surtout des rentiers, vivant des revenus de leurs vastes patrimoines, surtout sous forme de dividendes. Actuellement, ce sont des working rich, « super-salariés » bénéficiant d’énormes rémunérations.
Le graphique suivant, représentant l’évolution de la composition des revenus des sous-groupes du dernier décile en 1929, 2000 et 2007 nous permettra de mieux visualiser l’évolution.
En 1929, la part des revenus du capital est donc majoritaire à partir du Top 0,5 %, et écrasante à partir du Top 0,1 %.
En 2000, la part des revenus du capital est très minoritaire pour tous les sous-groupes ; les revenus sont majoritairement salariaux.
En 2007, seul le Top 0,01 % a constaté une nette hausse de la part de ses revenus issus du capital. Ce sont bien eux qui ont capté les dividendes supplémentaires générés.
On constate bien ainsi la chute des dividendes perçus par ce groupe. Comme on vérifie aisément par ailleurs que la totalité des dividendes versés à l’échelle nationale n’a pas connu de forte modification, on peut donc en conclure que la baisse s’explique par une plus large distribution des revenus du capital, qui se retrouvent moins concentrés entre quelques mains.
Le graphique suivant représente l’évolution de la part des dirigeants américains et de deux fractiles supérieurs dans la masse salariale globale.
Ces trois groupes ont en effet une part identique en 1940. On voit qu’ils suivent une évolution parallèle, mais que la part des dirigeants augmente nettement plus dès 1955, et reste supérieure quasiment pendant 40 ans. L’évolution sur les années 2000 montrerait sans aucun doute un approfondissement de ces écarts.
Bien évidemment, si les écarts se creusent, c’est en raison de la progression des salaires moyens des groupes. On voit sur le graphique précédent à quel point l’évolution des rémunérations des PDG est sans commune mesure avec celle du salaire moyen de l’ensemble de la population (les 2 échelles sont logarithmiques, et calées de 1 à 100 pour pouvoir être comparées).