Les camarades de Molex
trahis sur toute la ligne...
Tous les syndicats doivent réagir ou se taire à jamais!

Les ex-salariés de Molex qui se sont battus des mois pour préserver leur emploi, ont appris hier avec stupeur et fatalisme le possible conflit d'intérêts au sein du ministère du Travail qui a géré leur dossier. / Photo archives DDM, Xavier de Fenoyl
Nouveau rebondissement dans le dossier Molex qui pourrait bien avoir des retentissements auprès des salariés de l'usine de connectique de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) licenciés fin 2009.
Eric de Sérigny, un conseiller du ministre du Travail Éric Woerth, est directement mis en cause pour ses liens avec le monde des affaires dans une enquête menée par la radio France Inter.
M. de Sérigny travaille notamment pour la société en investissement financier Athéma, en tant que «senior partner».
Or, la société a collaboré avec le cabinet d'avocats Mayer Brown défendant les intérêts des dirigeants de… Molex, tandis que le ministère du Travail devait intervenir sur le dossier.
Voilà qui relance aussitôt les doutes autour des raisons économiques invoquées par Molex pour fermer l'entreprise. Et qui réactive la polémique autour des licenciements de 28 représentants syndicaux pour ces mêmes motifs.
« Le motif économique n'est pas démontré », avait conclu en fin d'année l'inspection du travail. La direction de Molex avait alors formé un recours hiérarchique devant le ministre du Travail.
L'histoire s'enchaîne ensuite très vite.
Le 22 mars, remaniement ministériel. Eric Woerth prend le portefeuille de Xavier Darcos au Travail. Deux jours après sa nomination, il donne raison à Molex en acceptant les licenciements : « Nous avions toujours soupçonné un deal entre le ministère et Molex. Ce mélange des genres stupéfiant nous conforte dans cette idée. J'espère que ça pèsera aussi lorsque je saisirai le tribunal des prud'hommes prochainement pour 200 salariés », a réagi l'avocat des salariés, Me Jean-Marc Denjean.
« On se demandait pourquoi le ministre avait agi ainsi. On a peut-être là une ébauche de réponse. Cette nouvelle peut jouer aussi sur la décision du tribunal administratif au sujet des 23 délégués qui ont déposé un recours », confie Denis Parise, ancien délégué syndical chez Molex, aujourd'hui conseiller régional.
« Il faut qu'une enquête soit ouverte sur cette question », a de son côté insisté Martin Malvy, président de Région.
Questionné hier, le cabinet du ministre a réfuté tout soupçon, affirmant que « Eric de Sérigny n'avait rien à voir avec ce dossier ».
En septembre 2009, Molex avait accepté de verser 5,4 millions d'euros pour la réindustrialisation du site, l'état garantissant 6,6 millions de prêts.
Aujourd'hui, 43 salariés travaillent sur les cendres de Molex pour VMI (VilleMur Industries), société créée en septembre par le fonds d'investissement HIG avec pour objectif d'embaucher à terme les 200 ex-Molex toujours sur le carreau.
« Il faudra pour cela un chiffre d'affaires de 36 millions d'euros » lance Denis Parise,
« Que Monsieur de Sérigny, donc, qui se retrouve aux côtés de Robert Peugeot au conseil d'administration d'Imérys, plaide auprès de lui, cette fois pour les salariés et non aux côtés d'une direction de patrons voyous… »
Réactions
Villemur : une ville encore sous le choc des licenciements
« Ah bon ? Non, je ne savais pas… Et pourtant, j'ai vu des anciens ouvriers ce matin… » fait le coiffeur, coupant quelques mèches dans la chaleur insistante de la fin de matinée.
Hier, l'information parisienne de ce « mélange des genres » lors de la fermeture de l'usine Molex n'avait pas circulé à Villemur.
Jean-Claude Boudet, le maire, encore en tenue de vacances, s'est jeté dès le matin sur internet pour avoir des éléments… « Les choses sont troublantes, dit-il. Il faut rester prudent. Je n'aimerais pas que tout ceci se soit fait sur le dos des salariés » déclare-t-il, avec sang-froid.
L'élu va sûrement se replonger dans tous les dossiers mille fois potassés, et chercher à comprendre ce qui s'est réellement passé.
Dans sa ville, seuls quelques syndicalistes sont au courant de l'enquête réalisée par France Info. A la boulangerie, à la poissonnerie, à la crémerie, on connaît bien sûr la situation des Molex. « Ils ont reçu de l'argent… Mais demain, on ne sait pas ce qu'ils vont devenir… » soupire une jeune fille. « Et cela vous étonne, cette nouvelle affaire ? demande David, commerçant, avec un sourire entendu. Si le gouvernement avait vraiment voulu sauver Molex, il l'aurait sauvé ! » « Maintenant que vous m'en parlez, j'ai trouvé bizarre la façon dont les choses se sont passées, se remémore Julius Karpof, du musée Émile Poliakof. On nous a fait croire au maintien de l'activité et… pof ! ».
Au café face au Tarn, à l'heure de l'apéro, on veut bien lancer en rigolant :
« Woerth, il va avoir mal à la tête ! »
Mais surtout, ce nouvel avatar dans le feuilleton Molex ne fait que remuer le couteau dans la plaie. « Molex ? je ne veux plus en entendre parler ! »
Patrick, lui, a bossé bien longtemps dans cette usine. Aujourd'hui, son regard clair est fatigué. Il est au chômage. Un vague espoir pour le mois prochain. Mais une page de vie qu'il faut tourner. « Tout est allé si vite ! On nous faisait croire qu'on était les meilleurs : on s'est bien foutu de nous, oui ! Ce que les Américains ont fait à Villemur, ils l'ont fait ailleurs ».
Ici, sur les bord du Tarn, le plus dur est d'encaisser le choc. Pour les salariés licenciés, l'avenir est chargé de menaces.
Alors, les jeux de passe -passe alambiqués sous les lambris des cabinets ministériels sont vécus comme une fatalité de plus.
zoom
Eric de Sérigny, soutien de l'ombre
« Il passe au ministère, il rencontre les membres du cabinet pour préparer les réunions qu'il organise trois ou quatre fois par an entre les chefs d'entreprise et le ministre, mais il n'a pas de bureau attitré ».
Dans l'entourage d'Éric Wœrth, on souligne qu'Éric de Sérigny est un conseiller pour le monde économique « bénévole ». D'ailleurs, il ne figure pas dans l'organigramme du cabinet. Ses relations avec Éric Wœrth remontent à la campagne présidentielle de 2007. Cet homme qui a accompli toute sa carrière dans la banque fait partie des donateurs de l'UMP dont Woerth est trésorier. Puis les contacts deviennent plus étroits lorsque de Sérigny participe à la création d'un club sélect le « W19 » (Woerth pour W et 19 pour le nombre de ses membres) dont le but est « d'appuyer la carrière politique » du ministre.
Tout naturellement, Woerth l'enrôle à son service au ministère du Budget, puis du Travail car le banquier est très introduit dans les milieux économiques et industriels.
Éric de Sérigny est notamment président du directoire d'une société de gestion portefeuilles « Alternative leaden France », membre du conseil de surveillance d'Imerys où il côtoie Robert Peugeot.
Véritable « multicartes », il est aussi intervenant dans la société d'investissements financiers Athema qui a travaillé avec les avocats de la direction de Molex. Toutefois, il récuse tout « problème déontologique » et affirme que Molex « n'a jamais été évoqué par moi avec le ministre ».
Enfin, de Sérigny est un ami de Patrice de Maistre, le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt, que Woerth a décoré de la Légion d'Honneur. Il se situe donc au cœur du petit monde des amis de la finance et de l'industrie du ministre du Travail. Un « bénévole » très précieux.
social
Le chiffre : 280 salariés> dans l'usine. Dix mois après la fermeture de l'usine Molex, fin octobre 2009, 43 salariés ont été embauchés chez VMI et 10 autres chez Molex Ingineering. Vingt autres ont trouvé du travail par ailleurs. Deux cents ex-Molex n'ont toujours pas retrouvé d'emploi.
La phrase :
« Ma tâche est d'assurer des relations économiques avec des chefs d'entreprises de mes amis. Il n'y a strictement aucun problème de déontologie, bien sûr, avec mes activités professionnelles».
Eric de Sérigny, conseiller «bénévole» du ministre du Travail Eric Woeth. Il n'apparaît pas dans l'organigramme officiel du cabinet.
Source la depeche.fr
Par Cyril LAZARO
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