Brunet Marc.
Le Thor
le 29 mai 2011.
Professeur d'histoire-géographie
au lycée Ismaël Dauphin à Cavaillon.
à Bernadette Groison.
Le 29 mai 2005, il y a tout juste 6 ans, à la suite d'une vaste campagne à laquelle la FSU a participé, 55 % des français rejetaient un projet de traité constitutionnel qui voulait inscrire les politiques libérales dans le marbre d'une pseudo constitution. Tout le champ des possibles s'ouvrait, dans la mesure où c'est sur la base des revendications de la gauche anti-libérale que cette victoire fut acquise.
Encore fallait-il, à partir de 2005, inscrire toutes les luttes, politiques, syndicales, citoyennes dans une perspective de rupture avec l'UE telle qu'on cherchait à nous la faire avaler.
Depuis 2005, au SNES /FSU ou dans d'autres organisations, je n'ai cessé de dire que nos luttes seraient vaines, si nous n'y intégrions pas une critique radicale de l'Union européenne telle qu'elle est aujourd'hui. Le cynisme de l'aristocratie européenne atteint des sommets, sans doute pour répondre à la contestation de plus en plus en grande des peuples.
Pourtant ces aristocrates leur rient au nez, voire même les insultent. Quand un peuple, à l'occasion d'un référendum, essaye de faire entendre sa voix, les maîtres convoquent un nouveau référendum, pour que le résultat soit conforme à leurs intérêts. Parfois même, on renvoie le peuple dans sa niche, on laisse alors faire le travail par des parlementaires complices.
Ainsi les cyniques n'hésitent pas à remettre en cause la démocratie dans son essence même, c'est à dire la souveraineté populaire, alors qu'elle aurait du être le principe fondateur d'une véritable union des peuples européens.
En 1957, au moment de la ratification du traité de Rome, Pierre Mendès-France, dans son discours à l'Assemblée nationale, avait mis en garde contre cette confiscation démocratique : « l'abdication d'une démocratie peut prendre deux formes. Soit elle recourt à une dictature interne par la remise des pouvoirs à un homme providentiel, soit elle recourt à une délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d'une saine économie, on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique au sens large du mot, nationale et internationale ».
Ce discours était, malheureusement prémonitoire. Du traité de l'Acte unique, en passant par Maastricht, jusqu'à Lisbonne, la délégation s'est opérée, avec à chaque fois l'appui de la Confédération européenne des syndicats (CES).
La CES n'est donc pas, à Bruxelles, un cynique comme les autres.
Alors que l'Europe avait vu fleurir au XIXème siècle des syndicats ouvriers qui s'engageaient avec courage et loyauté, dans la lutte contre toutes les formes de domination, voilà que par un tour de passe-passe de l'histoire, cette vaste organisation rassemblant 83 syndicats, est devenue à la fin du XXème siècle, un partenaire des institutions européennes. Invitée à la table de l'aristocratie européenne, elle en accepte les règles en échange du « dialogue social ».
La FSU aurait du s'opposer à cette dérive syndicale européenne.
Ne rien dire aujourd'hui, c'est accepter ou subir les désillusions de demain et surtout abandonner sa voix sur l'autel de l'éphémère consensus syndical que la CES a réussi à bâtir après 1989.
Le CDFN de la FSU des 18 et 19 janvier 2011, par une pirouette démocratique a décidé de demander l'affiliation de la FSU à la CES, que je ne peux, en conscience, accepter.
C'est avec tristesse et pour l'instant une certaine résignation, qu'à la rentrée 2011, je ne reprendrai pas ma carte syndicale au SNES / FSU.
Je reste pourtant convaincu que le syndicalisme est une forme d'organisation collective indispensable pour l'émancipation des hommes. Les idées émancipatrices sont plus fortes que les dirigeants de la CES, qui croient aujourd'hui avoir captés l'héritage. Les mouvements sociaux en Grèce, en Espagne ou ailleurs montrent que ce prétendu consensus syndical n'est qu'une illusion.
Pour l'instant, dans le paysage syndical européen, John Monks triomphe. En qualité de secrétaire générale de la FSU, tu lui demanderas officiellement de prêter hommage pour devenir la 84 eme organisation syndicale membre.
Pour autant, il reste de très nombreux syndicalistes à la FSU et ailleurs qui restent fidèles à des principes, à des valeurs, et qui attendent comme de très nombreux non-syndiqués des jours meilleurs. Quand la sinistre Confédération Européenne des Syndicats aura disparu, une vraie confédération européenne de syndicats pourra émerger. Je reprendrai alors ma carte à la FSU, qui, je n'en doute pas un seul instant, demandera son affiliation à cette nouvelle confédération.
En attendant les luttes continuent, avec ou sans carte, nous les ferons.
Marc Brunet.