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Marion Maréchal Le Pen, la Droite Populaire

et le retour de la contre-révolution

par Kévin Boucaud Victoire

Oyez oyez braves gens !
En ce 16 janvier 2013, Marion Maréchal-Le Pen, plus jeune députée de l’Histoire de notre Vème République, nous a proposé une grande proposition de loi.
Alors que tout le monde croyait les deux députés du FN –pardon, il faut dire « Rassemblement Bleu Marine » – bien isolés, notre chère Marion a réussi à trouver du soutien auprès de plusieurs députés UMP, dont Lionnel Luca, chef de file de la Droite Populaire.
Bref, nous avions de quoi nous attendre au pire… Et bien c’est encore pire que ça.

Nous connaissions la demoiselle étudiante en droit, nous la découvrons apprentie historienne. Car, oui, c’est bien à notre histoire que la jeune Le Pen et ses nouveaux amis de la Droite Populaire ont décidé de s’attaquer.

Au premier abord, nous sommes contents de voir le RBM capable de proposer autre chose que des lois fumeuses sur la préférence nationale, qui au passage ont déjà montré leurs limites durant les années 1930.

Puis, apparaît le titre : « reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794» et nous ne savons trop quoi faire entre rire ou pleurer. Et pour finir, nous lisons le texte en lui-même et là, nous sommes consternés. Le nouveau cheval de bataille de l’extrême-droite est donc de pourfendre la Révolution française, en surfant sur un très mauvais reportage diffusé l’an dernier sur France 3 ?

Nous pourrions tomber dans la facilité et balancer simplement un « laissons l’Histoire aux historiens », mais comme chez Ragemag nous n’avons rien contre les choses compliquées, nous avons décidé d’attaquer le texte de front.

Une loi mémorielle stupide et idéologique

Il est d’abord fâcheux de constater que le FN, qui parle constamment de « sujets importants » pour la France, ne trouve rien de mieux à faire pour cette dernière que d’attaquer son Histoire dans ce qu’elle a de plus belle. Ensuite, il est amusant de remarquer que le FN et l’UMP sont traditionnellement les premiers à s’insurger dès qu’il s’agit de tomber dans le mémoriel, l’excuse ou la repentance.

Il suffit d’un petit discours de rien du tout de notre Président, en Algérie, pour que tatie Le Pen nous parle déjà d’abaissement de la France et que la Droite Pop’ monte au créneau. Et là, les voilà qui décident de faire une loi mémorielle.

Alors pourquoi le FN, et quelques histrions de l’aile droite de l’UMP, ont décidé de faire ce qu’ils sont en général si enclins à dénoncer ?

Tout ceci est simplement idéologique.

Depuis toujours, la droite réactionnaire hisse le peuple vendéen en héros qui s’est battu pour la Monarchie et contre la République. Nous ne remettons pas en cause le courage de ces ennemis de la révolution. Il faut reconnaître qu’ils ont eu l’honneur de mourrir pour leur idées, même si elles sont opposées aux nôtres.  Mais, est-ce que quelque chose justifierait l’adoption de cette loi ?

Une guerre civile, mais pas un génocide

D’aprèsl’article 211-1 du Code Pénal, un génocide est « défini comme le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout critère arbitraire» 

Que s’est-il réellement passé en Vendée durant la Révolution française ?

Octobre 1791, les Girondins, alors majoritaires à l’Assemblée, décident de déclarer la guerre à la Prusse et à l’Autriche. Si officiellement, il s’agit de défendre la Nation menacée, officieusement, il s’agit de sauver l’Assignat au bord de la faillite. Et c’est pour cela que dès le départ, Robespierre s’oppose à cette guerre… En vain. La Monarchie définitivement abolie, la République naissante est embourbée dans les guerres et décide ce que l’on appelle « la levée des masses. » Des hommes entre 18 et 25 ans sont enrôlés par tirage au sort dans tous les départements afin de repousser l’ennemi hors des frontières.

Les Vendéens prennent cette action républicaine pour une ingérence. S’ensuit une guerre civile opposant la République et les « contre-révolutionnaires ». Couplée aux guerres extérieures, elle débouche sur la (re)mise en place du Tribunal révolutionnaire par Danton le 10 mars 1793, qui mène au Gouvernement de la Terreur.

Ne soyons pas manichéens : on décompte 200 000 morts – chiffre contesté par ailleurs – du côté insurrectionnel en 3 ans. La répression est terrible. Mais, il s’agît bien d’une guerre civile et non d’un génocide, car il n’y a jamais eu aucun projet d’extermination du peuple de Vendée. 

D’où vient donc cette affreuse rumeur ?

Elle est d’abord le fait de Gracchus Babeuf et de son pamphlet Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier (cité dans le projet de loi de Marion) contre Carrier, leader des massacres vendéens (notamment des noyades de Nantes), et Robespierre.

A l’époque, Babeuf est engagé contre l’Incorruptible qu’il voit comme un tyran. Il faut noter que par la suite, le picard changea d’avis, déclarant : « Je confesse aujourd’hui de bonne foi que je m’en veux d’avoir autrefois vu en noir, et le gouvernement révolutionnaire et Robespierre et Saint-Just. Je crois que ces hommes valaient mieux à eux seuls que tous les révolutionnaires ensemble. »

  Il n’existe sinon aucune autre source pouvant attester d’un quelconque génocide. Le fameux Le génocide franco-français : la Vendée Vengée de Reynald Secher s’appuie principalement sur les écrits de Babeuf et des hypothèses sans fondements. Pour résumer, il y a une guerre civile, mais aucun génocide. Affirmer ceci et vouloir voter cette loi est une attaque contre la Révolution et, donc, la République, mais surtout contre l’Histoire elle-même.

« La Révolution est un bloc », Clémenceau

Lors d’un discours à la Chambre des députés le 29 janvier 1891 Georges Clémenceau défend la Révolution, les révolutionnaires et notamment Robespierre et ses partisans. Victorien Sardou décide de censurer une pièce intitulée Thermidor dans le seul but de défendre Danton et d’attaquer la Convention robespierriste.

Dans un discours exceptionnel comme peu d’autres savent les faire, Le Tigre explique que nous ne pouvons pas dissocier les bons des mauvais révolutionnaires : la Révolution est un tout qui a permis l’émergence des valeurs républicaines. La Première Révolution anglaise ne s’est pas non plus déroulée dans la joie et la bonne humeur, mais elle a aussi fait verser des litres de sang et de sanglots.

Est-ce que les Anglais en sont encore à discuter des hypothétiques crimes d’Oliver Cromwell ?

Donc non, il ne faut rien jeter dans la Révolution, mais tout absorber. Car, cette dernière est le parfait reflet de la France belle et rebelle que nous aimons. Elle fut loin d’atteindre la perfection, mais comme l’a dit  Saint-Just : « Les révolutions marchent de faiblesse en audace et de crime en vertu. » Ainsi, elles font partie intégrante de notre histoire, donc nous les assumons.

« Les révolutions marchent de faiblesse en audace et de crime en vertu ». Saint-Just 

Par-delà la méprise historique, c’est bien une certaine vision de l’Histoire que l’extrême-droite et la droite réactionnaire ont décidé d’essayer de nous imposer. Malgré les efforts de Marine Le Pen pour se parer d’un vernis républicain, nous comprenons ainsi que le FN est loin de s’être débarrassé de son anti-républicanisme et de ses valeurs contre-révolutionnaires.

Mais le plus grave est de voir une partie de la droite dite « républicaine » tomber dans ce genre de dérives réactionnaires. Alors que la France prend l’eau de toute part, que François Hollande se sert du sociétal comme écran de fumée pour cacher son impuissance dans le domaine social, l’extrême-droite se perd en fumeuses conjectures historiques.

Pire, le parti se prétendant le défenseur de la Nation s’attaque justement au fondement moderne de cette Nation, à savoir la Révolution Française.

 

 

Tag(s) : #Histoire
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