DE PHILIPPE ARNAUD
Chers tous,
On a dit, il y a quelques années, que la catastrophe de Tchernobyl était un
symbole de l'état de l'URSS à cette époque et qu'elle préfigurait la
catastrophe qui attendait le régime à peine 5 ans plus tard
A partir de cette observation, il m'a semblé que le naufrage du Costa
Concordia, sur le rivage d'une île toscane, pouvait être vu comme une
parabole (ou une métaphore) du naufrage actuel de l'économie capitaliste.
1. A l'instar des entités financières (banques, assurances, fonds de pension,
fonds de placement), les moyens de transport et de communication
deviennent de plus en plus gigantesques (comme des pyramides de La
Grande-Motte sur l'eau). Là où les uns entassent les milliards, d'autres
entassent les passagers - ce qui est d'ailleurs également observable pour les
avions. Là où la première version de l'avion "Caravelle", en 1958 (il y a 54
ans) emmenait 80 passagers, l'Airbus A-380, en 2012, dans sa version
charter A-380-800, emmène, lui, 853 passagers et 20 membres d'équipage.
1 bis. Et notons que la logique à l'oeuvre est la même : comme les milliards
placés en Bourse ou prêtés aux Etats ou aux particuliers ne servent qu'à
engranger d'autres milliards, la course au gigantisme de moyens de transport
(avions ou bateaux), par l'économie d'échelle qu'elle permet, ne sert aux
croisiéristes ou compagnies aériennes qu'à engranger le maximum d'argent.
2. Dans les deux cas, lorsqu'il arrive une catastrophe, elle est donc à
proportion des moyens engagés. Lorsqu'une Caravelle s'écrasait, c'était 80
morts. Lorsqu'un Airbus A-380 s'écrasera (car, hélas, cela arrivera), ce sera
près de 900 morts. Lorsqu'une crise financière avait lieu jadis, elle était
fonction des sommes engagées, qui, elles-mêmes, dépendaient des
instruments financiers. Aujourd'hui, ces instruments financiers ont été
démultipliés par les combinaisons mathématiques et les ordinateurs à un
niveau où ils n'existaient pas il y a un demi-siècle (par exemple à l'époque de
la Caravelle) : les dégâts sont donc à la mesure des sommes engagées.
3. Comme dans l'économie boursière, c'est le "pilotage" de l'instrument,
toujours aux limites de l'équilibre ou de la flottaison, qui provoque le naufrage.
Dans le cas des placements en Bourse, chacun spécule sur la montée de
ses actions, en essayant de grappiller "le" dernier centime (un "dernier petit
sou", comme dit Grezillo - remarquablement interprété par Michel Piccoli -
dans "Le Sucre"), avant que la conjoncture ne se retourne. Et c'est
précisément cette attente du dernier centime, cette avidité à ne rien laisser
perdre, qui provoque la catastrophe - car, comme les spéculateurs sont
moutonniers, personne ne veut vendre le premier.
Et tout le monde se cassela figure en même temps. De même aux Etats-
Unis, les banques ont prêté à des emprunteurs à chaque fois moins
solvables, elles ont titrisé le plus qu'elles ont pu, pour essayer de "fourguer" à
d'autres banques ou à d'autres "investisseurs" le maximum de leurs actions et
obligations pourries avant que quelqu'un ne siffle la fin du jeu.
3 bis. Dans le cas du Costa Concordia, le capitaine du navire, qui avait
l'habitude de naviguer très près des côtes, a voulu naviguer encore plus près,
pour montrer ce qu'il savait faire, pour que les passagers "en aient pour leur
argent" (donc pour qu'ils fassent de la publicité de bouche-à-oreille et
touchent de nouveaux clients, qui rapporteront encore plus d'argent). Mais il
n'a pas su distinguer où était la limite du fond...
4. Comme dans la crise financière, ce sont les gros qui se sauvent en
premier. Des passagers rescapés témoignent que des hommes ont
bousculé femmes et enfants pour embarquer les premiers dans les canots
de sauvetage, certains allant même jusqu'à crier : "I am a V.I.P. ! [Very
Important Person], pour (tenter de) justifier leur muflerie et leur sauvagerie.
De même, dans la crise financière, les mesures de rigueur, réclamées ici et
là à cor et à cri, ne toucheront que les passagers des cabines du bas, pas
ceux des suites princières.
5. Comme dans le cas de la crise financière, les dégâts sont socialisés
(comme les bénéfices antérieurs avaient été, eux, privatisés). Après le
naufrage du Costa Concordia, ce sont les services publics italiens (police,
carabiniers, pompiers, plongeurs, hôpitaux...) qui sont venus au secours des
passagers, les membres d'équipage, s'étant eux, défilés, en particulier le
capitaine. [De la même façon que Papandréou, Berlusconi ou Madoff avaient
été "débarqués"].
Je vous saurais gré de vos remarques, précisions, rectifications et critiques.
Bien à vous
Philippe Arnaud,
Je vous saurais gré de vos remarques, précisions, rectifications et critiques.
Bien à vous
Philippe Arnaud,
AMD Tours