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Sauvons l'Ecole
QUE VEULENT-ILS FAIRE DE L'ECOLE MATERNELLE ?
Des expérimentations sont désormais possibles (article 86 de la loi de décentralisation).
Des collectivités locales ouvrent des jardins d’enfants en concurrence avec les écoles maternelles ; c’est le cas en Mayenne (Conseil Général dirigé par l’UMP Jean Arthuis) ou à Argenteuil.
On sait que l’expérimentation mayennaise tourne au fiasco.
- 2007
La loi d’orientation reconnaît le droit à la scolarité obligatoire dès l’âge de 5 ans. « L’ avancée » entérine un état de fait et rend surtout plus floue l’admission des élèves avant 5 ans.
- 2008
Propos insultants de Xavier Darcos à l’encontre des enseignant-es de maternelle en commission des finances du sénat [1], sous la responsabilité de J. Arthuis (encore lui). Après ce « dérapage », la possibilité de transférer l’accueil des 2/3 ans sur les structures pré-scolaires revient en force.
Les programmes scolaires de 2008 affaiblissent les contenus spécifiques d’apprentissages en maternelle.
Les « jardins d’éveil »
Les disparitions de petites et moyennes sections permettraient de nouvelles « économies », tout en utilisant des postes récupérés pour réduire les effectifs de quelques classes élémentaires. Le transfert de charge sur les collectivités territoriales induit par la création de jardins d’éveil constituerait quant à lui une économie pour le budget de l’État. En revanche, ce serait une catastrophe pour les communes ou les Conseils Généraux.
Peut-on comparer les moyens du CG des Hauts-de-Seine à celui du Puy-de-Dôme ?
Le coût d’une année dans un jardin d’éveil est évalué à 13 500 euros par la Cour des Comptes, 4 500 euros en école maternelle.
Malgré cela, des collectivités locales profitent du chômage de masse et de la précarité pour dégrader encore l’emploi.
Ainsi la mairie de Marignane décide-t-elle par exemple de se lancer dans l’expérience des jardins d’éveils. Elle recrute des personnels de la petite enfance majoritairement sur des temps incomplets. Quand on connaît les grilles de salaires de ces agents, on est en droit de s’interroger sur leurs conditions d’existence.
Les statuts des personnels de la petite enfance ont été revus à la baisse : réduction de la durée de formation, élévation du seuil d’encadrement des assistantes maternelles et des crèches. Le terrain est dégagé pour récupérer les enfants qui ne pourraient pas être scolarisés faute de places.
On passe de l’École Publique laïque et gratuite à une « offre d’accueil » sur le modèle marchand.
Le 29 septembre 2010, une circulaire de la direction des Politiques Familiales et Sociales adressée aux directeurs des caisses d’Allocations Familiales, leur demande de mettre en œuvre « les services d’accueil des enfants de moins de 6 ans », (les jardins d’éveil), « solution nouvelle [et payante] proposée aux familles pour améliorer la conciliation entre leur vie familiale et leur vie professionnelle » !
Certes le texte indique « qu’ils n’ont pas vocation à se substituer à l’école maternelle ». Il dit également : « ils s’inscrivent dans une continuité de l’accueil depuis la naissance jusqu’à la scolarisation », le décret nº 2010-613 du 7 juin 2010 précise même que : « cet établissement accueille des enfants de 2 ans ou plus en vue de faciliter leur intégration dans l’enseignement du premier degré ».
Le texte conclut : « l’offre d’accueil proposée doit s’appuyer sur une ouverture annuelle et journalière conséquente supérieure à celle offerte par l’école maternelle ».
On passe ainsi de l’École Publique laïque et gratuite à une « offre d’accueil » sur le modèle marchand avec prestation, clients, tarifs et ses salariés moins rémunérés et au statut plus fragile que celui des fonctionnaires.
Les inspecteurs d’académies ont beau s’en défendre : en période de suppressions de postes, l’école maternelle sert de variable d’ajustement. On ne peut plus parler de qualité de l’enseignement, les conditions d’accueil se dégradent et frisent l’indécence. Les cellules « école maternelle » des inspections académiques sont au mieux un cache-misère, au pire un cabinet d’audit sur la gestion des ressources humaines.
La dégradation des conditions d’enseignement veut discréditer l’école maternelle comme véritable lieu d’apprentissages. Pourtant toutes les études sérieuses montrent l’importance de celle-ci en matière de réduction des inégalités scolaires.
La réduction de l’accès à l’école maternelle pèserait immanquablement sur le niveau d’emploi des femmes. Les inégalités déjà largement constatées par rapport aux hommes (emploi/salaires/statuts) s’en trouveraient renforcées.
Moins d’école maternelle, c’est du même coup davantage de femmes « à la maison » et donc moins d’indépendance économique pour celles-ci.
De manière récurrente les statistiques montrent que dans un foyer si l’un des deux parents doit mettre en suspens ou abandonner sa carrière, il s’agit trop souvent des femmes dont l’absence de salaire pèsera d’autant moins dans le budget familial qu’il est souvent inférieur à celui de leur conjoint.
Dans cette logique, le niveau d’emploi des femmes peut devenir une variable d’ajustement pour jouer avec les chiffres du chômage. Quand le gouvernement vante le système éducatif allemand, avec peu de classe l’après-midi, il oublie de dire que celui-ci repose sur un faible taux d’emploi des femmes.
Alors contre ces régressions dont les enfants des classes populaires seraient les premières victimes, défendons l’école maternelle publique, laïque et gratuite. Contre les fermetures de postes, pour des conditions de scolarisation qui prennent réellement en compte la petite enfance.
Sud éducation Puy-de-Dôme
[1] Pour mémoire : « Est-ce qu’il est vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits délégués par l’État, que nous fassions passer des concours bac +5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ? »