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BANDERA ROSSA

 

Un été avec Montaigne "

« Sur le plus beau trône du monde,

   on n’est jamais assis que sur son cul ! » Montaigne

La vie est un miracle. On passe parfois d’une langue à l’autre, tout en demeurant nécessairement étranger dans sa propre langue. La vie est un vrai miracle peuplé de lectures savantes et généreuses, de lectures vibrantes et intelligentes.

Ces derniers jours, j’ai cédé à la tentation et j’ai lu un magnifique petit ouvrage signé Antoine Compagnon, écrivain et professeur au Collège de France. Il s’agit du désormais célèbre Un été avec Montaigne. Un ouvrage qui, à mes yeux, fête l’humain vivant à travers la personne et l’œuvre de Michel de Montaigne, moraliste de la Renaissance et philosophe indépendant.

Ce livre donne à penser, certes, mais sans trop de difficultés. Il se savoure tout au long de ses quarante courts chapitres, et nous permet de découvrir un auteur authentique et tellement « tonique ».

L’engagement, l’éducation, l’amitié, le temps perdu, et tant d’autres petites ou grandes choses encore… Tout y est ! Ce qui m’a le plus intéressé, presque, pendant ma rapide lecture, c’est ce mélange des langues naturel et répété.

En effet, la langue actuelle, vive et radiophonique de Compagnon côtoie sans cesse celle délicate et précise, par moments même légère, de Montaigne. Mais les deux hommes, pour finir, se retrouvent, par-delà les siècles et leurs différences. Deux esprits libres, prometteurs, sur le fil de la langue. Si vous ne connaissez pas encore Montaigne, si vous n’avez jamais lu Les Essais, alors sans plus tarder lisez ces pages alertes, ces morceaux choisis.

Pour les autres, pas d’affolement, l’aventure reste possible.

Un été avec Montaigne

 d’Antoine Compagnon.

Éditions des Équateurs / France Inter,

avril 2013, 170 pages, 12 €

 

 

Montaigne est né en 1533 au château de Montaigne dans le Périgord. Son père, héritier d’une famille enrichie par le négoce, est le premier à abandonner sa profession pour vivre en gentilhomme. Il s’attache à donner une bonne instruction à son fils. À six ans, après avoir reçu les enseignements d'un précepteur allemand qui ne lui parle qu’en latin, Montaigne entre au collège de Guyenne à Bordeaux, réputé pour son enseignement. À treize ans, il apprend le droit à Toulouse et, en 1554, il est conseiller à la Cour des aides de Périgueux. Ses fonctions ne lui plaisent guère et la rencontre avec La Boétie en 1557 lui ouvre de nouvelles voies.

Il fréquente la Cour jusqu’à la mort de son père en 1568. Il peut alors vendre sa charge et se retirer dans ses terres pour se consacrer à l’écriture et à la méditation. Il ne quitte sa fameuse « librairie » qu'en de rares occasions, lors de voyages pour des raisons politiques (il déjoue les intrigues de la Ligue), ou encore pour remplir ses charges de maire (de 1583 à 1585). Dès 1572, il entreprend la rédaction des Essais, dont la première édition paraît en 1580. Ses dernières années sont consacrées à une nouvelle version, publiée après sa mort survenue en 1593.

Les Essais sont d'abord le livre d'un grand lecteur et le fruit de cette retraite intellectuelle que leur auteur décida de prendre en 1570. La lecture, mais aussi le fait de noter sur les textes ses propres commentaires, sont pour lui « source de délices ». Cependant, peu à peu Montaigne se met à exprimer à son tour sa pensée personnelle. Le ressort de sa démarche est le « connais-toi toi-même » socratique, développé en « Fay ton faict et te cognoy ». L’idée directrice de son oeuvre est que tout homme porte en lui « la forme entière de l’humaine condition ». En s’analysant lui- même, Montaigne souhaite instruire et mobiliser son lecteur en l’incitant à suivre son exemple. En 1576, il fait graver une médaille qui porte sa devise, Que sais-je?, qui sera le point d'ancrage de toute son oeuvre et le fondement d'une nouvelle forme de pensée où le doute devient l'expression du devoir intellectuel.

Montaigne n’a plus l’enthousiasme encyclopédique de Rabelais; son scepticisme est un fait nouveau dans l'esprit de la Renaissance, animé à sa source par une grande confiance en la nature humaine. Mais les guerres de religion ont rendu Montaigne suspicieux à l'égard de toute certitude. Son scepticisme débouche sur une sagesse qui interdit désormais de juger en matière de morale, de politique ou de religion. Révolutionnaire dans sa critique, Montaigne est cependant conservateur dans la pratique : pour lui, mieux vaut ne rien changer que de remplacer une vérité suspecte par une autre. Le savoir, la mesure, la connaissance de soi sont les seules voies de la sagesse pour vivre en accord avec la nature en se préparant à la mort.

 

Tag(s) : #Philosophie
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