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REQUIEM

Au lendemain de sa mort, il est de bon ton, dans la classe politique « unanime », de célébrer Philippe Seguin.
Au-delà des leaders de tous les partis, l’arc-en ciel politique participe au concert de louanges :

Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et des Sports, Chantal Jouanno, secrétaire d'État à l'Écologie, Didier Migaud, président PS de la commission des Finances, Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, Michel Charasse, sénateur divers gauche, Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée, François Sauvadet, président du groupe Nouveau Centre à l'Assemblée nationale, Alain Rousset, président de l'Association des Régions de France, président de la région Aquitaine.

Même Marie-George Buffet, déclare dans Liberation.fr :

« Je rends hommage à un amoureux du sport, en particulier du foot. (…) Nous n'avions pas les mêmes idées politiques mais j'avais du respect pour l'homme et son travail très argumenté et rigoureux à la Cour des comptes. »


Parmi les louanges les plus largement distribuées, celles de « grand républicain », de « gaulliste social », « d’homme sans ambition personnelle », reviennent le plus souvent.

Faut-il noter quelques contradictions flagrantes entre les « qualités » attribuées au défunt et la réalité de la pensée et de l’action politiques de ce dernier.

  • Si Seguin devait s’identifier à la « République », on peut se poser la question de la compatibilité entre cette vertu et son apologie de « Louis Napoléon le Grand », le Prince Napoléon du coup d’Etat et empereur des Français, dans son livre, prix du Second empire de la fondation Napoléon 1990. Le journal allemand Die Zeit n’a-t-il pas vu, non sans malice, "un mélange explosif de l'empereur Napoléon III et du président Charles de Gaulle",dans le « séguinisme » ?
  • De même, les qualités première de la « République » étant la démocratie et les libertés, le dévouement de Philippe Séguin à ces causes ne semble pas s’accorder avec l’amitié qu’il porte à Ben Ali, le président dictateur de la Tunisie. La naissance de Seguin en Tunisie ne peut  expliquer, et encore moins justifier cette admiration. D’ailleurs, il se présente lui-même comme le « numéro un du lobby tunisien en France » pour contrer, disait-il, « la piètre image du régime Ben Ali en France ». 
  • Quant à l’adjectif « social », attribué comme une couronne à Philippe Seguin, faudrait-il en chercher ses effets lors de son passage au gouvernement Balladur, comme Ministre des affaires sociales, de 1986 à 1988 ? Ces deux ans furent vécus, à l’époque, comme une revanche de réaction sociale (avec son cortège de privatisations et de mesures antipopulaires (supprimant le contrôle administratif sur les licenciements et fait régresser le Code du travail).

En fait, la droite n’a fait, alors, qu’amplifier le tournant de la « rigueur » pris par Mitterrand en 1983. C’est, sans doute, ce qui justifie l’hommage rendu par Force ouvrière, la CFTC et la CFE-CGC saluant la mémoire de Philippe Séguin "un républicain de convictions", et "ses convictions sociales" "d’un grand homme d'Etat »

  • « Opposant » à la construction européenne, Phippe Seguin ? Certes, il a bagarré contre le traité de Maastricht. C’était en 1992. Mais depuis, a-t-on entendu cette « grande voix » s’élever contre le projet de constitution en 2005 et appeler à voter NON ?
  • A-t-il condamné le « coup d’Etat » perpétré par Nicolas Sarkozy, quand celui-ci a refusé aux Français le droit démocratique de se prononcer, par référendum, sur le traité de Lisbonne ? Philippe Seguin restant muet, a, de ce fait, avalisé l’atteinte faite à notre droit républicain.

Restent les qualités exhumées « d’homme sans ambition ».

Lors de la campagne présidentielle de 1995, il apporte son soutien à Jacques Chirac et s’oppose durement à Balladur et à Sarkozy avec lesquels il se brouille à mort. Il joue un rôle-clé puisqu'il est l'un des inspirateurs du discours de Jacques Chirac sur la fameuse "fracture sociale", avec Henri Guaino.

Mais contrairement à ce qu'il espérait, Philippe Séguin n'est pas nommé Premier ministre, une fois Jacques Chirac élu président de la République. C’est Alain Juppé qui est promu

Après l'échec de la droite aux législatives en 1997, il prend la tête du RPR. Ses projets sont divers : il souhaite rénover le parti en proposant de nouveaux statuts à ses membres. Ainsi, il propose que les militants votent de façon directe pour le président. Il élabore également un projet social-libéral.

Au sein même du RPR : certains le soupçonnent de se mettre déjà en campagne pour la Présidence de la République de 2002 et de vouloir trahir Jacques Chirac.

 

Et que dire des « plus proches amis » de Philippe Seguin ?

Tous, à commencer par le président de la République, ne tarissent pas d’éloges sur le défunt. Parmi les « plus fidèles », on note Henri Guaino et François Fillon. Les deux ont changé de camp. Le premier est passé de « conseiller » de Philippe Seguin à celui de …Nicolas Sarkozy.

Le second est devenu le Premier ministre de celui-ci.

 

On reste confondu de l’ampleur des pleurs répandus, y compris par ses plus « fidèles ennemis ».

 Que signifie ce tapage ?

Aurait-on, dans les sphères dirigeantes, à l’heure où l’audience de Sarkozy est en chute libre, perdu un joker utile, un candidat potentiel sérieux, à la prochaine élection présidentielle ?

Tag(s) : #Histoire
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