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LE BLOG DE DIABLO
Commune Commun
MAO ZEDONG aurait 120 ans :
une analyse critique de la pensée et l'action
d'une figure révolutionnaire du XX ème siècle
Cette fin d'année 2013 marquait le 120 ème anniversaire de la naissance d'un révolutionnaire controversé. Le journaliste britannique Ben Chacko, envoyé spécial du Morning Star en Chine, propose une analyse équilibrée de son héritage.
Ce mois-ci, à Shenzhen, une statue en or, jade, et matières précieuses de 50 kilos de Mao Tsé-Tsoung a été érigée pour célébrer le 120 ème anniversaire du révolutionnaire chinois, qui tombait le 26 décembre.
Une statue en or de Mao à Shenzhen, la ville-modèle de la conversion de la Chine à l'économie de marché !
Cet hommage semble plutôt ironique. Le farouchement égalitaire Mao aurait-il apprécié d'être sculpté dans de tels matériaux?
Est-ce que Shenzhen – la première « zone économique spéciale » en Chine, bordant l'ancienne enclave britannique de Hong Kong, et lieu où le flirt controversé du Parti communiste chinois avec l'économie de marché commença – est un site approprié pour rendre hommage à un homme qui a mené une sanglante révolution culturelle contre les supposés « compagnons de route capitalistes » ?
Pourtant c'était bien un hommage qu'on lui rendait, en dépit des jugements de ceux qui comme celui qui fut un temps mon professeur à l'université, le Dr Rana Mitter, qui imaginait que les fantômes de Mao et de son adversaire nationaliste Tchang Kai-Tchek continuaient à hanter la Chine contemporaine – mais que Mao grinçait des dents, pendant que Tchang triomphait.
La réputation de Mao a peut-être subi le plus grand retournement de situation que n'ait connu aucun autre dirigeant communiste du 20 ème siècle, en Occident.
Son culte de personnalité fut frénétique sous la révolution culturelle dans son pays d'origine – il était « possible de compter les étoiles dans les cieux, mais impossible de compter sa contribution à l'Humanité » - mais il s'est aussi diffusé en Europe et aux Etats-unis, où étudiants et hippies qui auraient récusé toute association avec le socialisme soviétique chantaient « Mao, président du monde » et brandissait ces petits livres rouges.
Désormais, il est perçu de façon fort différente comme un tyran sans pitié qui aurait écrasé ses opposants et déclenché une catastrophe économique sans précédent pour son pays.
Il est juste de faire remarquer que ce portrait entièrement négatif de Mao si bien exprimé par la diabolisation littéraire du dirigeant chinois par les livres tant célébrés de Jung Tchiang, est tout autant exagéré que les louanges que lui dressaient ses légions de gardes rouges.
Comme la statue de Shenzhen le montre, les Chinois adopter une attitude plus nuancée vis-à-vis de celui que l'on désigne toujours comme « le président ».
Les erreurs du socialisme chinois : Grand bond en avant et Révolution culturelle
Des millions se pressent pour voir son corps embaumé place Tiananmen, mais l'adoration servile n'est plus d'actualité. Le Parti communiste déclare qu'il avait globalement raison jusqu'en 1956 mais après ce « fut mitigé pour le meilleur, et souvent erroné ».
Cette vision était clairement celle de Chen Yun, architecte des réformes économiques des années 1980, qui faisait remarquer que si Mao était mort en 1956, on s'en rappellerait encore comme d'un grand héros révolutionnaire, mais comme il est mort en 1976, « on ne peut plus rien y faire ».
Les deux campagnes de Mao après cette date furent des catastrophes, sur une telle envergure que ce jugement lugubre de est parfaitement compréhensible.
Le Grand bond en avant était une tentative de passer directement au communisme – en passant outre le socialisme – ce qui a détruit l'industrie et provoqué une terrible famine.
La révolution culturelle a déchaîné une brutalité généralisée et aléatoire, détruisant des milliers de trésors culturels ainsi que le système éducatif pour une bonne décennie.
On connaît beaucoup moins l'impact sur l'environnement. Une définition assez brute de tous les animaux non directement utiles aux gens comme des « plaies » a conduit à la quasi-extermination de l'alligator chinois et du tigre du Sud de la Chine, qui jusqu'en 1950 était le tigre le plus commun dans le monde.
Depuis les années 1980, le gouvernement chinois tente désespérément de revenir en arrière, développant des mécanismes pour sauver les deux espèces, mais elles restent en état d'extinction.
La Chine de Mao, un internationalisme inconséquent
Les communistes auront d'autres accusations à réserver au « grand timonier ».
Bien que la conférence du Parti communiste de 1935 à Zunyi, lors de la Grande marche, a eu raison de conclure qu'une révolution chinoise ne serait possible que par la paysannerie et non par la mince couche urbaine ouvrière, la fixation initiale paysanne chez Mao conduisit à un retard économique.
La Chine était le seul pays sur le globe où la proportion de gens vivant dans les villes avait décliné entre les années 50 et 70.
Encore plus important, c'était un internationaliste peu conséquent.
La Chine s'adressa au monde en voie de développement dès les années 1950, apportant une aide économique à l'Afrique en particulier, et ses efforts pendant la guerre de Corée – dans laquelle le propre fils de Mao mourut au front – furent décisifs pour empêcher une victoire américaine.
Mais la rupture avec les Soviétiques fut un coup dur au socialisme et son attitude après – traitant qui conque d'anti-soviétique comme un allié, y compris des bouchers comme le Général Pinochet et Pol Pot – assombrit la réputation du pays.
Les années de Mao ne furent pas une catastrophe : unification nationale, croissance économique, éducation et santé pour tous
Son dossier est plutôt lourd. Alors pourquoi la Chine ne l'oublie pas ?
Pourquoi la pensée de Mao Tsé-Tsoung accompagne toujours le marxisme-léninisme comme idéologie guidant le parti ? Pourquoi les docteurs et infirmières portent des badges de Mao pour indiquer leur opposition à la privatisation de la santé ? Pourquoi Mao est perçu comme un symbole universel de bonne fortune, à tel point que son image orne les rétroviseurs des voitures pour empêcher les accidents de voiture ?
La vérité, c'est que l'héritage de Mao porte tout autant d'éléments positifs.
Il est temps aussi d'en finir avec certains mythes. Les années Mao ne furent pas une catastrophe nationale.
La croissance économique, comme le notait Eric Hobsbawm, était bien plus impressionnante que dans la plupart des pays en voie de développement, y compris l'Inde voisine. Le pays fut unifié après une guerre civile longue et douloureuse et une invasion génocidaire du Japon impérial.
La contribution de Mao à ces victoires fut importante. Sa tactique de guérilla influença plus tard la lutte Vietnamienne contre l'impérialisme et son livre « De la guerre révolutionnaire » est toujours étudié par les officiers militaires du monde entier – y compris en Grande-Bretagne.
Des maladies telles que la lèpre et la peste bubonique furent éradiquées et l'espérance de vie passa de 35 à 65 ans sous la direction de Mao. Un pays largement illettré apprit à lire et à écrire.
La dette du peuple chinois envers Mao : « quand l'Armée rouge est venue, ils m'ont donné ma première paire de chaussures et un nom »
Et le Parti communiste chinois, c'est à son crédit, ne s'est jamais soumis à une dictature personnelle. Mao n'a pas exécuté ses opposants politiques – en fait la plupart de la direction du parti des années 1980 était composée de ces hommes.
Le Comité central s'est fréquemment opposé aux politiques de Mao, et des éléments critiques ont ferraillé avec lui jusqu'à la fin – Deng Xiaoping, par exemple, fut purgé plus d'une fois et dénoncé dans des campagnes nationaux, mais il fut toujours capable de revenir en grâce. Il poussait même jusqu'à provoquerMao en manifestant ouvertement son mépris lorsque le président parlait en public.
Permettre à des figures politiques de garder cette liberté d'action est une tradition estimable que le Parti communiste a maintenu – des anciens dirigeants, que ce soient déposés comme Hua Guofeng ou retraités comme Jiang Zemin, sont restés membre du Comité central et ont continué à contribuer à la prise de décision nationale.
Mais la dernière raison pour laquelle il ne faut pas effacer la contribution de Mao, ce sont les réalisations de la révolution chinoise.
Lors du 60 ème anniversaire de la fondation de la République populaire, je me rappelle que j'ai vu des gens être interviewés à la télévision chinoise.
Un ancien soldat américain, déployé dans le pays dans les années 1940, se rappelait la misère, la famine et la désolation qu'il avait vu, accompagné de l'injustice du système mi-féodal mi-colonial qui régnait en Chine, et contrastant avec la puissance économique qu'est le pays aujourd'hui.
Un ancien esclave tibétain se rappelait le jour où les possessions des monastères furent démantelées et où on lui a dit qu'il était libre.
Mais peut-être que la personne la plus émouvante était celle vieille femme qui avait rejoint le Parti communiste pendant la Longue marche. Née illégitime, elle n'a jamais bénéficié d'un statut égal aux autres dans son village. En fait, elle n'avait jamais eu de nom, et on l'appelait seulement la « fille ».
« Je me rappelle quand l'Armée rouge est venue », disait-elle. « Ils m'ont donné ma première paire de chaussures. Et ils m'ont donné un nom. »
C'est cette histoire de dignité humaine qui définit la force de la Révolution chinoise.
Comme l'affirmait Mao aux portes de la Cité interdite – dont l'entrée signifiait la mort pour le commun des mortels à l'ère impériale – « les Chinois se sont levés ». Pas seulement pour refuser une domination étrangère mais aussi pour briser les chaînes de la vieille société.
Et comme le dit Deng Xiaoping, qui a longtemps subi les brimades de l'homme qui l'a purgé deux fois : « sans Mao, il n'y aurait pas de Chine nouvelle ».
C'est pourquoi, en dépit de toutes ses innombrables et graves fautes, on ne doit pas avoir honte de lever un verre au président en son jour d'anniversaire.
source: Traduction MA pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/