Blog international du Collectif « Indépendance des Chercheurs » (France)
17/10/2013
Le 17 octobre 2013, Politis interroge « Universités : L’autonomie à quel prix ? ».
C'est la moindre des questions que l'on peut se poser dans ce contexte sans précédent dans l'après-guerre d'étranglement financier des universités françaises.
Mais que penser de la notion même de cette prétendue « autonomie » qui transfère aux universités jusqu'à la gestion des personnels ? L'Etat de débarrasse ainsi, à terme, de toute responsabilité administrative et financière et livre de plus en plus ouvertement les universités et la recherche au secteur privé.
Et cette politique est-elle autre chose que l'application et la suite des accords européens (Lisbonne, Bologne) adoptés à l'échelle européenne sous la « gauche plurielle » de Lionel Jospin ?
Nos articles récents « Où mène la tant vantée "autonomie" des universités ? (IV) »,« Autonomie des universités : retour au Moyen-Age ? » et« Universités, "autonomie" et étouffement financier » ont abordé la gravité de la situation actuelle, notamment sur les plan financier, du statut des personnels et de la survie même du service public.
Or la débâcle des moyens des universités ne cesse de s'aggraver partout. Mardi,Guyane 1ère écrivait « Université : la grève continue », à propos du mouvement étudiant et intersyndical en cours à l'Université de Guyane visant notamment le déficit d'enseignants et la « gouvernance » de l'université. Au même moment, melty Campus employait ouvertement le titre « Université Montpellier 3 en faillite : "Je n'ai plus les moyens" déplore la présidente ».
Ce ne sont que deux exemples de la casse de l'université et de la recherche publiques poursuivie et amplifiée par Geneviève Fioraso dans la ligne de Valérie Pécresse qui, à son tour, exécuta fidèlement sous Nicolas Sarkozy la stratégie définie bien avant à Lisbonne et à Bologne. « Droites » et « gauches » ont mené conjointement une incroyable opération de démantèlement des services publics dans tous les domaines.
C'est devant cette évolution de plus en plus destructrice, que le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) a adopté lundi une motion s'inquiétant de la présente situation ainsi que du contenu du projet de loi de finances pour 2014.
Le 17 octobre, le site du Parti Socialiste annonce « Geneviève Fioraso lance le programme France Universités Numériques ». Est-ce autre chose qu'un nouvel outil de marchandisation de l'université ? La clientèle d'étudiants étrangers riches étant un objectif ouvertement visé.
Et qui contrôlera à terme ces cours numériques, en pleine évolution vers une privatisation générale des universités ?
Le dispositif anglais - numérique prépare-t-il autre chose qu'une vente aux enchères des universités françaises ? Les coupures budgétaires ne témoignent point d'une quelconque volonté de développer ou préserver une infrastructure publique.
Suit la motion adoptée par le CNESER le lundi 14 octobre 2013
Motion du CNESER sur la situation financière de l’ESR
Le projet de loi de finances 2014 du gouvernement ne répond pas à la situation déjà très tendue des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Certes, le budget de la Mission Interministérielle Recherche et Enseignement Supérieur est en légère hausse, de 0,5% ,par rapport à 2013, mais en tenant compte des déficits accumulés par les universités, ce sont de nouvelles coupes budgétaires qui s’annoncent dans les établissements.
Les problèmes budgétaires récurrents des universités, notamment la non-prise en compte du glissement – vieillesse – technicité (GVT), poussent les établissements à geler des centaines d’emplois, réduisant d’autant l’effet de la création de 1000 emplois annoncée par le ministère. En outre, pour dégager des marges de manœuvre financières, les établissements procèdent à des prélèvements massifs dans leurs fonds de roulement, si bien que l’équilibre budgétaire devient chaque année plus précaire et conduit à prendre des mesures d’austérité, dont les étudiants et les personnels font les frais.
Ainsi, faute d’une augmentation significative de leur masse salariale et de leur budget de fonctionnement, les établissements sont dans l’incapacité de remplir leur mission de service public d’enseignement supérieur et de recherche.
Cela se traduit, notamment, par une dégradation de l’offre de formation et des conditions d’encadrement et d’accompagnement des étudiants, en licence et plus généralement dans l’ensemble de l’université, fragilisant des master et les recherches afférentes, ainsi que par une aggravation importante des conditions de travail des personnels.
En parallèle, la dotation consacrée à la recherche baisse de 1 %, et l’incitation au recours continuel aux financements par projets (type investissements d’avenir) se poursuit.
Ce projet de budget ne va pas dans le sens du renforcement des crédits de base aux laboratoires, ni d’un développement de l’emploi scientifique stable, pourtant urgent pour résorber la précarité, ou même seulement la ralentir.
Pourtant, d’autres choix budgétaires sont possibles, comme la refonte du Crédit Impôt Recherche, en augmentation constante depuis sa création, bien que sans réelle efficacité, comme le démontrent toutes les études parues.
L’ampleur des besoins du pays et des attentes de la communauté universitaire et de recherche nécessite un budget qui s’inscrive dans une programmation pluriannuelle de moyens, intégrant des dispositifs de régulation nationale permettant de flécher des moyens, notamment vers les premiers cycles universitaires, garantissant l’égalité territoriale et permettant un développement pérenne de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
Signataires :
SNESUP-FSU, SNASUB-FSU, SNCS-FSU, CGT, FERC Sup CGT, Sup’Recherche-UNSA, SNPTES-UNSA, A&I-UNSA, SGEN-CFDT, FO-SNPRES, CFTC, Sup Autonomes, QSF, UNEF, FAGE.
Vote : 30 pour , 8 abstentions (dont CPU, FCPE, CFDT, MEDEF), 0 contre
(fin de la motion du CNESER)