Après le Canada, le Royaume-Uni s’engage à former les troupes ukrainiennes. Un C-17 des forces canadiennes livrant du matériel non létal à Kiev en août (crédit : armée canadienne)
(BRUXELLES2) David Cameron l’a annoncé devant la Chambre des communes mardi (24 février), après une réunion du conseil de sécurité nationale. Le Royaume-Uni va s’engager de façon plus décisive auprès de l’armée ukrainienne pour lui apporter conseil et formation, en plus des livraisons de matériels non létaux déjà annoncées. Une décision qui suit celle du Canada, annoncée, assez discrètement, début décembre (*).
Conseil et formation
« Au cours du mois prochain, nous allons déployer du personnel britannique pour fournir des conseils et un éventail de formations, du renseignement tactique à la logistique, en passant par les soins médicaux. Toutes choses que (les Ukrainiens) ont demandé.
Au programme également, le développement « d’un programme de formation d’infanterie (…) pour améliorer la durabilité des forces » ukrainiennes. Le Premier ministre a précisé que les personnels — « un certain nombre » – opéreront «loin de la zone de conflit ».
Des équipements non létaux
Le Premier ministre britannique a confirmé également vouloir fournir toute une série d’équipements militaires, mais non létaux. « Nous ne sommes pas au stade de la fourniture d’équipements létaux ». Il a aussi confirmé qu’il s’agit, pour les Britanniques, de fournir toute une série de matériels : « des lunettes de vision nocturne, des gilets pares-balles , etc. ». Dans le etc. on peut penser que Londres pourrait aussi fournir aux Ukrainiens des moyens de communication (radios, téléphones cryptés, moyens de renseignement (via satellites). Les Canadiens ont déjà fourni divers équipements (vêtements de grand froid, casques et gilets pares-balles), ces derniers mois (*).
Aller plus loin : non… pour l’instant
Faut-il aller plus loin et livrer des armes létales (offensives) ? David Cameron reste très prudent ne voulant pas se projeter trop loin dans l’avenir. « Je ne dis pas que nous devrions exclure pour toujours aller plus loin » répond-il, suivant en cela le débat aux Etats-Unis, qui « réfléchissent soigneusement sur ce sujet ». « Nous avons eu des discussions du Conseil de sécurité nationale et nous avons eu des décisions claires que nous (rester) dans l’espace de la fourniture de soutien non-létal, l’assistance et le conseil ». Et d’ajouter pour justifier cette décision de ne pas franchir le Rubicon. « Nous ne croyons pas fondamentalement qu’il y ait une solution militaire à ce problème. Il doit y avoir une solution diplomatique, qui doit être obtenue par les sanctions, la pression et le poids économique de l’Europe et de l’Amérique. Mais, évidemment, si nous pouvons aider un ami avec un équipement non létal, alors nous devons le faire. »
Faire face à la friabilité de l’armée ukrainienne
Commentaire : L’engagement britannique est incontestablement un pas franchi dans l’engagement occidental aux côtés de l’Ukraine. Mais un pas qui reste encore mesuré. Ce choix s’explique pour des raisons à la fois politique et militaire. L’armée ukrainienne souffre à la fois d’une certaine désorganisation, de certaines spécialités et d’un manque d’unités bien entraînées à une guerre moderne (de mouvement et non statique) et bien renseignées. La logistique et le commandement sont une des grosses lacunes de cette armée, qui souffre aussi de la corruption rampante. On ne peut qu’être ainsi étonné de voir les Canadiens devoir fournir des tenues d’hiver aux Ukrainiens ! C’est dire l’état d’impréparation du pays qui, par certains côtés, n’est pas très éloignée de certaines armées africaines.
Le danger de voir des armes passées de l’autre côté
La fourniture d’armes offensives serait prendre un sérieux risque. Elle engagerait aussi un « cliquet » que les occidentaux ne souhaitent pas voir franchir dans la confrontation aujourd’hui quasi-directe avec la Russie. Elle présente aussi un sérieux risque militaire de voir ces armes se retrouver aux mains des séparatistes. Ce qui n’est pas de la pure théorie. A plusieurs reprises, et encore à Debaltseve, les forces ukrainiennes ont laissé une partie de leur matériel sur place. Voir des séparatistes prorusses brandir des armes britanniques, américaines ou allemandes demain serait une sévère défaite, y compris en termes médiatiques
(Nicolas Gros-Verheyde)
(*) Un engagement canadien important
Le Canada, qui a en son sein une minorité ukrainienne, s’est très tôt engagé en Ukraine à la fois en termes de livraisons de matériel comme de formation. Fin août, avec trois rotations d’avions, des livraisons de matériel pour une valeur de plus de 5 millions $ canadiens, selon le ministère de la Défense, couvrant « une vaste gamme de matériel de protection ciblé », ainsi que « du matériel médical et logistique, comme des casques, des lunettes de protection balistique, des vestes de protection, des trousses de premiers soins, des tentes et des sacs de couchage ». En novembre, le Canada a annoncé l’envoi de davantage de matériel militaire, notamment des systèmes de communications tactiques, du matériel de neutralisation d’explosifs et de munitions (anti-IED), des trousses médicales de combat, des lunettes de vision nocturne et des trousses hivernales. Et le 8 décembre, les ministres canadien et ukrainien de la Défense, signaient à Kiev une « Déclaration d’intention« , prévoyant de renforcer cette coopération militaire, avec la formation de la police militaire notamment.