La France peut-elle continuer de signer avec l'Arabie saoudite et le Qatar, alors que ces deux pays ont contribué à fabriquer le groupe "Etat Islamique contre lequel nous sommes aujourd'hui en guerre ?
Comme le démontre notre enquête, le rôle joué par ces deux pays est en effet plus que trouble...
L'influence de l'Arabie Saoudite et du Qatar
Lors du renversement de Saddam Hussein, l’Arabie Saoudite et le Qatar, dont les intérêts divergent souvent par ailleurs, se rejoingent dans la crainte commune de voir se dessiner uncroissant chiite aux frontières de leurs pays sunnites.
Ils regardent donc favorablement le développement des groupes djihadistes sunnites, sur un terreau alimenté par la déliquescence de l’Etat Irakien, une corruption endémique, et une haine profonde des chiites et des occidentaux.
De cette jungle émergeront des groupes djihadistes dont il existe aujourd’hui deux principales composantes : Al Nosra, et l’Etat Islamique.
Des enjeux économiques à l'origine de la montée en puissance de Daesh
Dans une région dont la complexité sociale politique et religieuse est séculaire, des projets économiques contemporains ont cristallisé la situation : en 2010, l’Iran projette de construire unpipe-line qui passerait par l’Irak et la Syrie pour acheminer du pétrole et du gaz vers la méditerranée. Cela redistribuerait les cartes de la production pétrolière dans le golfe. Or le Gaz pour le Qatar, et le pétrole pour l’Arabie Saoudite, c’est vital.
L’Arabie saoudite et le Qatar prennent très mal l’idée d’un pipeline qui pourraient concurrencer leurs livraisons de pétrole.
Ils vont se dire :
"mais dans le fond le problème c’est Bachar."
Il est en train de signer un accord qu’il ne devrait pas signer avec l’Iran. Donc c’est un personnage extrêmement dangereux.
Donc il faut renverser Bachar .
Cela permet de comprendre pourquoi, le Qatar et l'Arabie Saoudite soutiennent les mouvements djihadistes. Ils contribuent donc à la montée en puissance de Daech, même si les circuits financiers sont difficiles à établir.
Le groupe Etat islamique en passe de devenir autosuffisant
En Arabie Saoudite, explique Pierre Conesa, ex haut fonctionnaire du Quai d’Orsay, la distinction entre argent public et privé n’existe pas . Il est donc difficile de tracer des circuits officiels par nature opaque. Mais il existe un autre financement qui passe par des associations soit disant caritatives.
Ce pays est une espèce de ghetto dans lequel il n’y a aucune bibliothèque, aucun cinéma, aucun théâtre. Quand les saoudiens vont à l’étranger, ils font donc tout ce qui est leur est interdit chez eux. Et lorsqu’ils reviennent, ils achètent des indulgences en finançant des fondations qui, elles, financent les groupes islamistes .
Le financement du terrorisme a ainsi continué jusqu’en 2013. Il cesse officiellement lorsque les deux pays constatent que leur créature leur échappe. Le groupe Etat Islamique grandit. Il se rapproche de leurs frontières. Et il finira par devenir autosuffisant, à cheval entre la Syrie et l’Irak.
Le pétrole de Daesh et son financement souterrain
Un financement souterrain existerait toujours. C’est ce que soutient Loic Le Floch Prigent, l’ancien patron d’Elf qui a longtemps travaillé dans la région et qui reste très informé:
Le pétrole de Daech ne peut sortir et ne peut être payé que par des gens qui sont prêts à le payer et à étouffer son existence
Il ajoute :
Il y a forcément derrière des Turcs et des Saoudiens qui le recyclent dans leur propre pays.
La France doit-elle continuer à faire des affaires avec le Qatar et l'Arabie Saoudite ?
En Mai 2015, François Hollande signait au Qatar un contrat portant sur la vente de 24 rafales. En octobre de la même année, soit un mois avant les attentats de Paris, Manuel Valls lance devant un parterre de dignitaires saoudiens : « Venez investir dans notre pays, au cœur de l’Europe, c’est le moment plus que jamais ».
La question est simple : doit-on continuer à faire des affaires avec des pays qui ont financé une organisation contre laquelle nous nous disons en guerre ? N’y a-t-il pas deux poids deux mesures ? Une posture morale qu’on voulait adopter à Damas, et une autre beaucoup plus cynique, en Arabie Saoudite. Alain Chouet, autre ex patron du renseignement de la DGSE l'exprime clairement :
On ne pourra pas continuer éternellement dans une politique schizophrène. On a fermé les yeux sur l’idéologie prônée par ces pays parce que rien ne se passait chez nous. On n’en voyait pas les effets. Eh bien maintenant on les voit.
Ainsi, Daesh n'est donc pas un monstre froid tombé des étoiles. Il n'a pas non plus vu le jour dans les "quartiers" où sont relégués les bandes de jeunes sans avenir, qui se font exploser, au nom de Dieu, après avoir semé la mort d'innocents dans les rues de nos villes.Daesh a grandi entre le Tigre et l'Euphrate, en Irak, dans la haine semée par les armées US.
Et Daesh a prospéré grâce à ses tuteurs Saoudien et Qataris qui ont vu en lui l'auxiliaire utile à leurs objectifs économiques : ceux-ci étaient menacés par les projets de pipeline qui, de l'Iran joindraient la Syrie via l'Irak...
Vous avez bien lu : l'Iran, l'Irak et la Syrie...
Regardez la carte ci-dessus et vous serez renseigné ...
Menacés dans leurs intérêts, Qatar et Arabie Saoudite - leurs sponsors US - n'ont pas eu besoin qu'on leur fasse un dessin : pour briser le projet, il suffisait de mettre le feu tant à l'Irak qu'à la Syrie. Sans s'impliquer ouvertement. D'où est venu l'idée d'un monstre jetant feu et flamme dans toute la région : Daesh s'en voyait confier la tâche.
Armer des fanatiques au nom de Dieu, des inquisiteurs de la "charria" comme à Riyad , d'anciens combattants irakiens contre l'envahisseur US en Irak, sonner la trompette du sunnisme contre le chiisme, tous invoquant le djihad, et voilà mis sur pied l'Etat islamique qui veut s'étendre des champs de pétrole irakiens de Mossoul à ceux de Deir Ez-Zor, dans l'Est syrien.
Ces limites géographiques du nouvel empire en construction se sont heurtées à l'Etat syrien. Il fallait donc détruire celui-ci. Rien de plus facile : il suffisait de provoquer une "révolution colorée", comme en Géorgie, naguère, ou en Ukraine et face à la réplique du gouvernement de Damas, crier à la sanglante répression en appelant l'0ccident à l'aide du "pauvre peuple syrien massacré". Washington a répondu présent et comme le Qatar et l'Arabie Saoudite, et aussi la France de Hollande, de Valls et de Fabius. Ils ont armé Daesh, ses mercenaires et ses tueurs. Toujours au nom de Dieu.
La Syrie de Bachar al-Assad, vite accusée de tous les crimes parce qu'elle osait se défendre, la Russie de Poutine, mise au ban des nations pour son aide au gouvernement légal de Damas, ont de concert bloqué Daesh et les filiales d'Al-Qaïda.
Le "grand jeu" de mort devait s'étendre pout se poursuivre. Au Liban d'où partent les volontaires du Hesbollah au secours de la Syrie, contre un avion russe en Egypte, et à Paris
Daesh :
la fabrique
d’un monstre
La France peut-elle continuer de signer avec l'Arabie saoudite et le Qatar, alors que ces deux pays ont contribué à fabriquer le groupe "Etat Islamique contre lequel nous sommes aujourd'hui en guerre ?
Comme le démontre notre enquête, le rôle joué par ces deux pays est en effet plus que trouble...
Lors du renversement de Saddam Hussein, l’Arabie Saoudite et le Qatar, dont les intérêts divergent souvent par ailleurs, se rejoingent dans la crainte commune de voir se dessiner uncroissant chiite aux frontières de leurs pays sunnites.
Ils regardent donc favorablement le développement des groupes djihadistes sunnites, sur un terreau alimenté par la déliquescence de l’Etat Irakien, une corruption endémique, et une haine profonde des chiites et des occidentaux.
De cette jungle émergeront des groupes djihadistes dont il existe aujourd’hui deux principales composantes : Al Nosra, et l’Etat Islamique.
Dans une région dont la complexité sociale politique et religieuse est séculaire, des projets économiques contemporains ont cristallisé la situation : en 2010, l’Iran projette de construire unpipe-line qui passerait par l’Irak et la Syrie pour acheminer du pétrole et du gaz vers la méditerranée. Cela redistribuerait les cartes de la production pétrolière dans le golfe. Or le Gaz pour le Qatar, et le pétrole pour l’Arabie Saoudite, c’est vital.
construction du pipeline en Irak © Yahya Ahmed//AP/SIPA - 2015
Selon Alain Juillet, ancien directeur du renseignement de la DGSE :
Alain Juillet © Radio France - 2015 / Alain Clauzes.MAWPPP
L’Arabie saoudite et le Qatar prennent très mal l’idée d’un pipeline qui pourraient concurrencer leurs livraisons de pétrole.
Ils vont se dire :
"mais dans le fond le problème c’est Bachar."
Il est en train de signer un accord qu’il ne devrait pas signer avec l’Iran. Donc c’est un personnage extrêmement dangereux.
Donc il faut renverser Bachar .
carte pipeline Golfe © Radio France - 2015 / Thomas Jost/RF
En Arabie Saoudite, explique Pierre Conesa, ex haut fonctionnaire du Quai d’Orsay, la distinction entre argent public et privé n’existe pas . Il est donc difficile de tracer des circuits officiels par nature opaque. Mais il existe un autre financement qui passe par des associations soit disant caritatives.
Ce pays est une espèce de ghetto dans lequel il n’y a aucune bibliothèque, aucun cinéma, aucun théâtre. Quand les saoudiens vont à l’étranger, ils font donc tout ce qui est leur est interdit chez eux. Et lorsqu’ils reviennent, ils achètent des indulgences en finançant des fondations qui, elles, financent les groupes islamistes .
Le financement du terrorisme a ainsi continué jusqu’en 2013. Il cesse officiellement lorsque les deux pays constatent que leur créature leur échappe. Le groupe Etat Islamique grandit. Il se rapproche de leurs frontières. Et il finira par devenir autosuffisant, à cheval entre la Syrie et l’Irak.
Un financement souterrain existerait toujours. C’est ce que soutient Loic Le Floch Prigent, l’ancien patron d’Elf qui a longtemps travaillé dans la région et qui reste très informé:
Le pétrole de Daech ne peut sortir et ne peut être payé que par des gens qui sont prêts à le payer et à étouffer son existence
Il ajoute :
Il y a forcément derrière des Turcs et des Saoudiens qui le recyclent dans leur propre pays.
En Mai 2015, François Hollande signait au Qatar un contrat portant sur la vente de 24 rafales. En octobre de la même année, soit un mois avant les attentats de Paris, Manuel Valls lance devant un parterre de dignitaires saoudiens : « Venez investir dans notre pays, au cœur de l’Europe, c’est le moment plus que jamais ».
La question est simple : doit-on continuer à faire des affaires avec des pays qui ont financé une organisation contre laquelle nous nous disons en guerre ? N’y a-t-il pas deux poids deux mesures ? Une posture morale qu’on voulait adopter à Damas, et une autre beaucoup plus cynique, en Arabie Saoudite. Alain Chouet, autre ex patron du renseignement de la DGSE l'exprime clairement :
Alain Chouet © Radio France - 2015 / @Benoit Collombat/RF
On ne pourra pas continuer éternellement dans une politique schizophrène. On a fermé les yeux sur l’idéologie prônée par ces pays parce que rien ne se passait chez nous. On n’en voyait pas les effets. Eh bien maintenant on les voit.
Jean LEVY pour "canempechepasnicolas" :
Ainsi, Daesh n'est donc pas un monstre froid tombé des étoiles. Il n'a pas non plus vu le jour dans les "quartiers" où sont relégués les bandes de jeunes sans avenir, qui se font exploser, au nom de Dieu, après avoir semé la mort d'innocents dans les rues de nos villes.Daesh a grandi entre le Tigre et l'Euphrate, en Irak, dans la haine semée par les armées US.
Et Daesh a prospéré grâce à ses tuteurs Saoudien et Qataris qui ont vu en lui l'auxiliaire utile à leurs objectifs économiques : ceux-ci étaient menacés par les projets de pipeline qui, de l'Iran joindraient la Syrie via l'Irak...
Vous avez bien lu : l'Iran, l'Irak et la Syrie...
Regardez la carte ci-dessus et vous serez renseigné ...
Menacés dans leurs intérêts, Qatar et Arabie Saoudite - leurs sponsors US - n'ont pas eu besoin qu'on leur fasse un dessin : pour briser le projet, il suffisait de mettre le feu tant à l'Irak qu'à la Syrie. Sans s'impliquer ouvertement. D'où est venu l'idée d'un monstre jetant feu et flamme dans toute la région : Daesh s'en voyait confier la tâche.
Armer des fanatiques au nom de Dieu, des inquisiteurs de la "charria" comme à Riyad , d'anciens combattants irakiens contre l'envahisseur US en Irak, sonner la trompette du sunnisme contre le chiisme, tous invoquant le djihad, et voilà mis sur pied l'Etat islamique qui veut s'étendre des champs de pétrole irakiens de Mossoul à ceux de Deir Ez-Zor, dans l'Est syrien.
Ces limites géographiques du nouvel empire en construction se sont heurtées à l'Etat syrien. Il fallait donc détruire celui-ci. Rien de plus facile : il suffisait de provoquer une "révolution colorée", comme en Géorgie, naguère, ou en Ukraine et face à la réplique du gouvernement de Damas, crier à la sanglante répression en appelant l'0ccident à l'aide du "pauvre peuple syrien massacré". Washington a répondu présent et comme le Qatar et l'Arabie Saoudite, et aussi la France de Hollande, de Valls et de Fabius. Ils ont armé Daesh, ses mercenaires et ses tueurs. Toujours au nom de Dieu.
La Syrie de Bachar al-Assad, vite accusée de tous les crimes parce qu'elle osait se défendre, la Russie de Poutine, mise au ban des nations pour son aide au gouvernement légal de Damas, ont de concert bloqué Daesh et les filiales d'Al-Qaïda.
Le "grand jeu" de mort devait s'étendre pout se poursuivre. Au Liban d'où partent les volontaires du Hesbollah au secours de la Syrie, contre un avion russe en Egypte, et à Paris
Nous en savons quelque chose...
Et des conclusions que le pouvoir PS en a tirées.
Contre nos libertés.