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Grèce : d’un janvier 2015 couleur cerise à janvier 2016 aux teintes grises
Grèce : d’un janvier 2015 couleur cerise à janvier 2016 aux teintes grises

Esquisse d’un bilan d’un an

de gouvernement Syriza

 

25 janvier 

 

par Fabien Perrier

 

Le 25 janvier 2015, le parti Syriza remportait les élections législatives et, pour la première fois, la gauche arrivait au pouvoir en Grèce. Isolé dans une Union européenne appliquant quasi-unanimement l’austérité. Un an après, qu’a-t-il appliqué de ses promesses ? Quelles sont les évolutions et les blocages ?

Le 21 janvier 2016, au « Forum économique mondial », à Davos, le Premier ministre grec monte sur le podium pour un débat sur « le futur de l’Europe ». Alexis Tsipras intervient aux côtés de Manuel Valls, le Premier ministre français (Parti Socialiste), Mark Rutte, celui des Pays-Bas (Parti populaire libéral et démocrate), Wolfgang Schäuble, ministre allemand des Finances (CDU, parti chrétien-démocrate), Robin Niblett, le directeur de la Chatham House (think tank en relations internationales) et Emma Marcegaglia, la PDG d’ENI Spa (société italienne d’hydrocarbures). L’image peut surprendre. Alexis Tsipras, leader de Syriza, un parti grec de la « gauche radicale » selon l’acronyme |1| dans le temple de l’ultra-libéralisme ! Qu’est-il allé chercher ? Est-ce l’ultime symbole d’une conversion au néolibéralisme ? « Tout le monde va à Davos aujourd’hui », ironise un rédacteur en chef d’un important journal suisse. « Alexis Tsipras essaye de construire des alliances internationales. Il espère notamment obtenir un accord sur la dette », explique Yannis Albanis, journaliste, et ancien cadre de Syriza qui a depuis quitté les rangs de ce parti. Pour celui-ci, « tous ces voyages, comme ceux d’Euclide Tsakalotos [l’actuel ministre des Finances, NDLR] visent à construire l’image du Premier ministre ; il faut montrer qu’il n’est pas isolé et qu’il est respecté sur la scène internationale. »

Il y a un an, l’arrivée de Syriza en tête des élections défrayait les chroniques partout dans le monde. Une « victoire historique » : tel était le leitmotiv qui s’affichait en gros dans la plupart des journaux. A 22h20, devant la foule massée à Athènes, Alexis Tsipras s’exprimait : « Aujourd’hui, nous avons mis fin à l’austérité. Nous disons que la troïkaappartient au passé. (...) Nous devons maintenant construire ensemble notre pays sur de nouvelles bases. Il n’y a ni vainqueurs ni vaincus. C’est la Grèce digne, la Grèce juste, la Grèce qui travaille, la Grèce de la connaissance qui a gagné. » Cette élection indiquait une rupture : le pays devait sortir de la crise dans laquelle il était empêtré, et tourner le dos aux politiques d’austérité menées depuis 2010.

Un pays exsangue

En 2010, le Premier ministre Giorgos Papandreou commence par appliquer une première série de mesures d’austérité puis, en mai 2010, signe un premier accord de prêts avec l’Union européenne (UE), la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI). En échange d’une série de réformes à appliquer (baisses des salaires et des pensions, hausses de TVA, réforme fiscale...), la Grèce obtient 110 milliards d’euros de prêts. Ajoutant de la dette... à la dette qui avait servi de prétexte pour des attaques spéculatives sur les marchés. Cette logique a été répétée pendant cinq ans. Résultat : la consommation s’effondre, le PIB baisse, la population s’appauvrit, le chômage augmente. Au bord du gouffre en 2010, la Grèce plonge et s’effondre. A chaque élection, régionale, nationale, européenne, Syriza progresse. Son discours séduit.

C’est sur le « programme de Thessalonique » que Syriza a fait campagne lors des élections anticipées de janvier 2015. Présenté le 6 septembre dans la grande ville du Nord de la Grèce, devant un parterre d’entrepreneurs et des dizaines de sympathisants, ce texte repose sur quatre piliers : faire face à la crise humanitaire, relancer l’économie et promouvoir la justice fiscale, reconquérir l’emploi, transformer le système politique pour renforcer la démocratie. En trame, ce programme comportait le rejet des politiques d’austérité.

« Il faut prendre le programme comme celui de notre mandat, 4 ans, et non celui de 100 jours », souligne Aristide Baltas |2|. 365 jours après, quelles ont été les principales réalisations ?

« Effacement de la plus grande partie de la valeur nominale de la dette publique », « moratoire sur le service de la dette », « New Deal européen »...

Lorsqu’Alexis Tsipras et son parti sont arrivés à la tête du pays, en janvier 2015, ils s’étaient alliés à ANEL, Les Grecs Indépendants, un petit parti de la droite souverainiste avec lequel il se retrouvait sur deux points communs : le rejet absolu de l’austérité et la nécessité d’effacer au moins une part de la dette grecque. Les négociations avec les créanciers, dans un premier temps menées essentiellement par le tandem Alexis Tsipras – Yanis Varoufakis, alors ministre des Finances, maintenaient ce cap. Parallèlement, au sein de la Vouli, l’Assemblée grecque, est mise en place une « Commission pour la Vérité sur la dette grecque » [voir : http://cadtm.org/Lancement-de-la-commission-d-audit,11408]. En outre, une commission sur les réparations allemandes est créée. « Le nouveau gouvernement grec a pour objectif de se pencher sur le sujet avec sensibilité et responsabilité, par le dialogue et la coopération, et il attend la même chose du gouvernement allemand, pour des raisons politiques, historiques et symboliques », lance Alexis Tsipras à la tribune de la Vouli qui examinait cette réactivation dans la nuit du mardi 10 au mercredi 11 mars 2015. Si les travaux ont apporté une analyse précise des causes de l’augmentation de la dette grecque, révélé son insoutenabilité, son illégitimité et son caractère odieux |3|, il apparaît aujourd’hui que le gouvernement ne s’est pas servi des conclusions du rapport dans les négociations. « Je n’ai pas pensé bon de l’utiliser », explique aujourd’hui Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des Finances. Il fallait « arriver à un accord », poursuit-il. Depuis les élections du 20 septembre, le travail fourni par la Commission a même été complètement abandonné par le nouveau gouvernement et par le président du nouveau Parlement |4|.

C’est pourtant cette dette qui avait été utilisée pour justifier l’application des politiques d’austérité en Grèce, imposées par l’UE, la BCE et le FMI, la fameuse « troïka ». Syriza et ANEL avaient d’ailleurs promis de bouter cette troïka hors du pays. Renvoyer les créanciers dans leurs cordes aura fait long feu. Le 20 février 2015, un accord est signé entre la Grèce et la zone euro pour prolonger le deuxième plan d’aide jusqu’au 30 juin. En échange, Athènes s’engage à proposer des mesures d’austérité pour pouvoir bénéficier du versement de la dernière tranche de prêt. L’idée était de donner des garanties aux créanciers, tant en matière politique que sur le plan de remboursement des différentes tranches, avec l’espoir que les créanciers accepteraient certaines propositions portées par Syriza. Plus les négociations avancent, plus il apparaît alors clairement que la troïka n’est pas prête à déroger à sa ligne : ni sur le plan des mesures à appliquer en Grèce, toujours empreintes d’une forte austérité, ni sur le moratoire sur la dette. La Grèce, au bord du gouffre financier, a donc continué à honorer ses créances malgré tout. Quitte à puiser dans les réserves territoriales : le 20 avril, Alexis Tsipras signe ainsi un décret demandant aux collectivités de transférer leurs liquidités afin d’honorer des traites de dettes.

Dans ce contexte, le gouvernement grec cède du terrain, et les créanciers maintiennent leurs exigences. Le ministre allemand des Finances en est même venu à souhaiter ouvertement le « Grexit », une sortie de la Grèce de l’euro, pour faire de ce pays un exemple en Europe : celui de l’impossibilité à appliquer une politique autre que l’orthodoxie économique allemande. Cette contradiction interne à l’UE apparaît au grand jour en juin, en deux temps. Le 27 juin, après des semaines d’atermoiements et de négociations ardues, Alexis Tsipras rompt les discussions avec ses partenaires européens et annonce la tenue d’un référendum sur le projet d’accord proposé par les créanciers de la Grèce. Le 30 juin, faute d’accord, la Grèce fait défaut en n’honorant pas un remboursement de 1,5 milliard d’euros au FMI.

La décision est alors prise d’organiser un référendum pour savoir si la population grecque accepte le texte soumis par les créanciers. Le scrutin se déroule dans un contexte de chantage économique, sur fond de « contrôle des capitaux » et de banques fermées suite à la décision de ne pas fournir de liquidité à la Grèce pendant une semaine. À 61,31% des suffrages exprimés, les électeurs refusent la proposition soumise. La majorité du peuple grec renvoie les créanciers dans les cordes. Et le gouvernement à la résistance.

Un coup d’État... que les Parlementaires doivent approuver

Une seconde étape commence alors dans les négociations. La première décision, interprétée comme un geste de conciliation du gouvernement grec envers ses partenaires de l’UE, concerne l’équipe politique en charge des discussions puisque, le 6 juillet, le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, bête noire des créanciers, annonce sa démission. La semaine est d’une extrême tension mais la population réagit calmement au contrôle des capitaux maintenu dans le pays. C’est à Bruxelles que se joue le drame. Un Conseil européen succède à un eurogroupe ; les acteurs veulent trouver un accord afin que la Grèce reste dans la zone euro. Mais les créanciers n’ont apparemment pas l’intention de lâcher quoi que ce soit : ils exigent que le pays continue d’appliquer des réformes structurelles |5|. Dans la nuit du 12 au 13 juillet, l’équipe d’Alexis Tsipras multiple les signes inquiétants, expliquant aux journalistes notamment qu’un « coup d’État est en train de se produire », pour rapporter les propos d’une proche du Premier ministre ; et de poursuivre : « il faut alerter l’opinion ». Les termes du dilemme ? Soit accepter un accord prévoyant de sévères mesures d’austérité pour la Grèce, et donc renoncer à l’essentiel du programme qui avait fait la victoire de Syriza, six mois plus tôt, soit la sortie de l’euro. Le hashtag #ThisIsACoup sur les réseaux sociaux témoigne de l’exaspération de nombreux Européens face à une politique dans laquelle ils ne se reconnaissent plus. Le 13 juillet au matin, l’annonce est faite : Alexis Tsipras a signé un accord auquel il dit lui-même « ne pas croire ». En échange, la Grèce peut rester dans la zone euro, bénéficiera d’un « troisième plan d’aide », c’est-à-dire obtiendra un nouveau prêt, ajoutant de la dette à la dette, tout en devant appliquer un « troisième mémorandum », c’est-à-dire un ensemble de réformes comportant des objectifs chiffrés en matière d’économie dans les caisses de l’État (de sécurité sociale, retraites...) mais aussi dégager de nouvelles recettes (hausses d’impôts, de taxes...).

De retour à Athènes, Alexis Tsipras demande à sa majorité parlementaire de ratifier l’accord bien que le mémorandum doive être soumis à la Vouli à des dates fixées par les créanciers. En 2010, la dette d’Athènes s’élevait à 127 % du PIB, en 2015, elle était de 178 %, et différents experts estiment qu’elle dépassera 200 % en 2018 avec l’application du plan du 13 juillet.

Le 11 août, Athènes et ses partenaires finalisent les modalités du 3e plan d’aide d’un montant de 86 milliards d’euros sur trois ans. Le 14 août, le Parlement grec adopte ce nouveau plan grâce aux voix de l’opposition mais Tsipras perd 25 de ses députés, le privant de la majorité parlementaire.

Un tournant fondamental

C’est un tournant fondamental aux implications multiples : démocratiques, politiques, économiques et sociales, en Grèce et en Europe. Toutes les lois hellènes sont désormais conditionnées, quand elles ne sont pas réellement dictées, par le 3e mémorandum. Après ce « coup d’État », un gouvernement démocratiquement élu d’un État-membre de l’UE peut-il agir souverainement ? Dette et chantage à la sortie de l’euro ont une fois encore été utilisés pour faire plier un gouvernement.

C’est sur ces questions que, six mois après son arrivée au pouvoir, Syriza se scinde |6|. Des élections sont déclenchées par Alexis Tsipras afin de reconstituer une majorité expurgée des députés critiques ou refusant la signature du mémorandum. Ces derniers se regroupent dans une plate-forme : Unité Populaire. Syriza remportera de nouveau le scrutin législatif du 20 septembre. Mais l’abstention bat les records. Tous les partis remportent moins de voix qu’en janvier. Le nouveau gouvernement repose de nouveau sur une coalition entre Syriza et ANEL.

Des marges de manœuvre... plus que limitées

La « phase 2 » commence. Sur le plan économique, l’objectif affiché du gouvernement est d’utiliser les « marges de manœuvre dont nous disposons pour développer une politique de gauche » |7|. Tout d’abord, les banques ont été recapitalisées. Différentes lois sont à l’étude. L’une d’entre elles, soumises aux créanciers le 4 janvier, provoque déjà d’importants remous dans la population... et l’insatisfaction des créanciers. Il s’agit de la loi sur les retraites, comportant une nouvelle baisse des pensions. Giorgos Katrougalos, l’actuel ministre grec du Travail, de la Sécurité sociale et de la Solidarité nationale en explique l’esprit qui a guidé le gouvernement : « notre objectif a été de réduire les coûts en protégeant les plus faibles » |8| et il souhaite « mettre en place une forme de justice sociale » |9|. C’est « un nouveau pillage des retraites », rétorque Dimitris Stratoulis |10|, ex-ministre en charge de ce dossier dans le gouvernement Tsipras 1, qui a depuis quitté Syriza. Quant à l’opposition (ND, Pasok, To Potami), elle est vent debout contre cette réforme... bien qu’elle ait fait passer toutes les coupes antérieures. Le gouvernement n’obtiendra donc pas « l’unité nationale » qu’il espérait à la Vouli pour faire passer ce texte. Sa marge de manœuvre est réduite, entre sa faible majorité (153 sièges sur 300) et les injonctions des créanciers.

« Le mémorandum nous oblige à réaliser des économies à hauteur de 1% du PIB, soit 1,7 milliard d’euros », rappelle Giorgos Katrougalos. Pour y parvenir, le texte actuel envoyé aux créanciers prévoit que les caisses seront fusionnées et les contributions augmentées, d’un point de pourcentage pour les employeurs et de 0,5 point pour les employés. La retraite devrait être décomposée en trois parties : une pension nationale, fixe, de 384 euros pour 15 ans de cotisation à partir de 67 ans (ou à partir de 62 ans à condition d’avoir cotisé 40 ans), une pension principale calculée sur l’ensemble des salaires du retraité, et non plus sur les cinq meilleures années et une retraite complémentaire pour ceux qui y ont cotisé. Approuvé, ce projet devrait s’appliquer aux nouveaux retraités dès 2016.

Il s’agit, en réalité, d’un véritable changement du système : jusqu’alors fondée sur le remplacement du revenu, la retraite vise désormais d’abord la protection contre la pauvreté des retraités, tout en essayant d’appliquer la rentabilité des cotisations.

« Seule la règle commune permet de respecter l’égalité », note Savas Robolis, Professeur émérite à l’Université Panteion d’Athènes et spécialiste de l’économie de la sécurité sociale. Pour lui, « un système de sécurité sociale se fonde sur quatre règles : l’égalité, la solidarité entre les générations, un rapport analogue entre cotisation et pension et le principe de redistribution interne. Ce projet de loi ne suit pas ces règles de base. » Le détail de la loi semble justifier cette analyse critique. En effet, la pension minimale baissera de facto ; le taux de cotisation augmentera mais le taux de remplacement baissera. Jusqu’alors, la pension d’un salarié qui aurait cotisé 42 ans correspondait à un taux de remplacement de 63% ; il sera d’à peine 49% avec la nouvelle loi. Avec un salaire moyen de 700 euros au cours de sa carrière, il faudra avoir cotisé 36 ans pour ne pas être un retraité pauvre, et 27 ans avec un salaire moyen de 1000 euros. Alors que le chômage frappe un tiers de la population, il sera donc de plus en plus difficile d’atteindre le nombre d’annuités nécessaires pour obtenir une retraite décente |11|. Un spectre hante la Grèce : celui des retraités pauvres.

Il hante d’autant plus la Grèce que le taux de chômage bat des records. En octobre 2014, le taux de chômage officiel s’élevait à 26% ; en octobre 2015, il est encore à 24,5%. Le pays compte plus d’actifs inoccupés et d’inactifs que d’actifs ayant un emploi. Dans ce contexte, Syriza avait promis le rétablissement des conventions collectives, le rétablissement du salaire minimum à 750 euros (son niveau de 2010)... Ces mesures semblent aujourd’hui abandonnées. Le 3 février, une discussion est entamée sur la manière d’augmenter les salaires. Le 7 mars, le ministre Skourletis annonce que la mesure est reportée « à l’horizon 2016 ». Le 7 avril, le gouvernement laisse entendre qu’il y aurait une augmentation au 1er juillet. Pour l’instant, il n’y en a pas eu.

Faire face à la crise humanitaire

Dans le « programme de Thessalonique », Syriza exprime la volonté de « faire immédiatement face à la crise humanitaire ». Le pays est en effet exsangue. Selon Elstat, l’office grec des statistiques, la pauvreté frappe environ 35% de la population et 3,9 millions de personnes sont en état de pauvreté.

Pour pallier à cette misère, des « interventions d’urgence » sont énumérées dans le programme de Thessalonique : électricité gratuite jusqu’à 300 kWh par famille pour 300000 ménages sous le seuil de pauvreté, programme de repas subventionnés pour 300000 familles sans revenu, programme de garanties de logement, rétablissement de la prime de Noël pour les retraités ayant une retraite inférieure à 700 euros, gratuité des soins médicaux et pharmaceutiques pour les chômeurs non assurés... Une « carte de solidarité » a été mise en place et 145330 familles l’ont en leur possession. 2400 autres devraient l’obtenir prochainement. Le 25 janvier 2016 a été effectué le 7e versement pour l’alimentation, entre 70 et 220 euros. 90000 familles sont fournies gratuitement en électricité. L’aide au payement du loyer concerne 30575 bénéficiaires. Selon différentes sources, de nombreuses familles continuent de faire la demande pour obtenir ces aides, et leurs dossiers sont actuellement à l’étude. En revanche, le processus pour dispenser une aide de santé à ceux qui n’ont pas de couverture sociale est en cours d’élaboration, précise un responsable du Ministère de la santé à micro fermé. Tout en s’interrogeant sur la possibilité qu’aura Alexis Tsipras de réellement appliquer cette mesure.

Quand deux logiques s’affrontent, une seule l’emporte ?

La logique des créanciers est effectivement tout autre que celle d’Alexis Tsipras qui souhaitait montrer qu’une autre voie était possible au sein de l’Europe et qui espérait contribuer à la réformer de l’intérieur. Alors qu’il voulait améliorer le sort des Grecs et relancer l’économie grecque, il se retrouve désormais à gérer la pauvreté, à appliquer l’austérité en essayant de protéger les plus défavorisés et à faire passer en Grèce un plan qui comporte aussi la privatisation d’un certain nombre de biens publics.

Si le gouvernement a certes réouvert ERT, le groupe audiovisuel public fermé en juin 2013, réintégré certains fonctionnaires licenciés, comme les femmes de ménage du ministère de l’Économie, il doit désormais poursuivre le programme de privatisation : port du Pirée, compagnie d’électricité publique DEI, biens à Vougliagmeni (sur le front de mer), 14 aéroports... La liste est longue. En outre, la taxe sur la propriété (Enfia) est renouvelée.

Mi-figue, mi-raisin

L’analyse d’un certain nombre d’autres promesses montre un bilan en demie-teinte : saisies immobilières (résidences principales), remboursements aménagés en mensualité pour les ménages et entreprises surendettés auprès de l’état, droit du travail ...

Le gouvernement est parvenu à faire passer des lois « sociétales » : protection des droits des personnes incarcérées (suppression des prisons de haute sécurité), pacte civil qui accorde aux couples de même sexe les mêmes droits que les couples mariés, libertés politiques et civiles ... Sans nul doute, le gouvernement d’Alexis Tsipras est plus progressiste et démocrate que le précédent en la matière. Mais combien de temps cette logique pourra-t-elle tenir dans le cadre du mémorandum ?

Le gouvernement en place espère en un changement du rapport de force : « Depuis la fin des négociations de juillet, la configuration est nouvelle au sein de l’Europe. Avant, nous étions seuls contre tous ; pendant les négociations, nous avons gagné le soutien de la France et de l’Italie, puis ce soutien s’est élargi. Les résultats électoraux au Portugal et en Espagne prouvent que le front anti-austérité prend de l’ampleur dans d’autres pays aussi. »

Le journaliste Yannis Albanis estime, lui, que « les politiques de la zone euro sont élaborées au niveau de l’UE et de la BCE. » Et de poursuivre : « je ne sais pas ce que peuvent réellement faire les gouvernements nationaux aujourd’hui » tout en soulignant que « le gouvernement ne croit pas dans le mémorandum mais est obligé de l’appliquer ».
C’est donc bien la question de la signature, sous la contrainte, le 13 juillet 2015 qui est posée, mais aussi, et surtout, celle du vote par le Parlement. « Nous assistons aujourd’hui au retrait violent de tout ce qui constituait le noyau dur de Syriza avec l’application de politiques d’austérité très dures et la subordination aux exigences des memoranda ». Pour l’ancienne présidente de la Vouli, « ce qui est demandé à la Grèce est de céder sa souveraineté parlementaire et populaire pour payer une dette qui n’est ni légitime, ni légale ». Les conclusions du comité d’audit de la dette ont toutefois disparu du site de la Vouli. Un signe des temps ?

L’épreuve du pouvoir et les négociations semblent donc avoir obligé Alexis Tsipras à abandonner une part de son programme électoral. Près d’un an après son arrivée à la tête du gouvernement, Syriza semble être passé de la défense de ceux qui étaient frappés par la crise à la sécurisation des plus défavorisés. Il reste progressiste sur le plan sociétal, mais contraint, dans la transformation sociale annoncée, par la gestion d’un troisième mémorandum qu’il a lui-même signé et fait ratifier par son parlement. Le programme pré-électoral n’aura pas résisté à la machine européenne.

L’auteur remercie Thanos Contargyris et Marie-Laure Coulmin pour leur aide.

 

 

Tag(s) : #Europe
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